La colère d'étudiants américains pro-palestiniens contre la guerre que mène Israël dans la bande de Gaza prend, jour après jour, de l’ampleur aux États-Unis, avec des face-à-face tendus avec la police au Texas, à New York, en Nouvelle-Angleterre et en Californie.
En visite à l'université Columbia à Manhattan - d'où est partie cette dernière vague de manifestations estudiantines commencées en octobre 2023 - le président républicain de la Chambre des représentants du Congrès, Mike Johnson, a menacé : "si la situation n'est pas maîtrisée rapidement et si les menaces et intimidations ne cessent pas, il sera alors temps de faire appel à la garde nationale".
Rétablir l'ordre sur ces campus
L’avertissement de Johnson résonne douloureusement aux États-Unis : le 4 mai 1970, la Garde nationale de l'Ohio avait ouvert le feu à l'université de Kent sur des manifestants étudiants pacifiques, dont quatre avaient été tués.
M. Johnson, proche de l'ex-président républicain Donald Trump candidat à sa réélection, a averti qu'il exigerait du président démocrate Joe Biden "d'agir" et de juger que les manifestations pro-palestiniennes "mettaient une cible sur le dos d'étudiants juifs aux États-Unis", qui comptent le plus de juifs au monde (quelque six millions) après Israël.
Liberté d'expression
Depuis le début de la guerre israélienne à Gaza en octobre, les universités américaines sont secouées par des débats parfois violents sur la liberté d'expression et des accusations d'antisémitisme et d'antisionisme qui ont coûté leurs postes cet hiver aux présidentes de Harvard et de l'université de Pennsylvanie.
"Profitez de votre liberté d'expression", a lancé, provocateur, M. Johnson, hué par des centaines d'étudiants de Columbia vent debout contre la guerre qu'Israël mène contre les Palestiniens à Gaza.
Mercredi, la Maison Blanche a réaffirmé que le président Biden, qui espère être réélu en novembre prochain, "soutenait la liberté d'expression, le débat et la non discrimination" dans les universités.
Depuis le regain de tensions la semaine dernière à Columbia, le mouvement s'est étendu à d'autres campus.
Alliance Etats-Unis/Israël
Dans les États de la Nouvelle-Angleterre notamment, de prestigieuses universités ont demandé à la police d'interpeller des manifestants étudiants qui dénoncent l'alliance militaire, diplomatique et économique des États-Unis avec Israël et critiquent les conditions actuelles des Palestiniens.
"En tant que Palestinien, est-ce de ma responsabilité d'être là et de montrer ma solidarité avec la population de Gaza? Absolument!", a répondu à l'AFP Yazen, un Américain de 23 ans d'origine palestinienne qui campe depuis quelques jours dans des tentes montées sur le campus de Columbia.
La présidence de l'université a salué "des progrès importants" dans les discussions avec des étudiants pour évacuer ce campement d'ici vendredi.
Dans la nuit de lundi à mardi, 120 personnes avaient été brièvement interpellées devant l'université de New York (NYU), au cœur de Manhattan. A Yale, dans le Connecticut, une cinquantaine de manifestants ont, aussi, été interpellés.
Sa concurrente Harvard, la plus ancienne des Etats-Unis, en banlieue de la cité historique de Boston, a vu également, mercredi, se monter sur son campus arboré un campement.
Police anti-émeute
À l'autre bout du pays, l'université du Texas à Austin a été le théâtre d'un face-à-face entre des centaines d'étudiants pro-palestiniens et la police, qui a conduit à l’arrestation de 34 d’entre eux.
Certains brandissaient des drapeaux palestiniens et portaient le keffieh, d'autres, encadrés par des policiers, s'étaient enveloppés dans des drapeaux d'Israël.
Et à l’université de Californie du sud (USC), plusieurs centaines d’étudiants ont manifesté aux cris de "libérez la Palestine", "révolution par l'intifada".
Dans la foule très diverse, certains agitaient des drapeaux palestiniens, d'autres portaient des keffiehs et des pancartes appelant à "arrêter le génocide" et à un "cessez-le-feu".
Des centaines de manifestants s'étaient rassemblés mardi soir à Brooklyn, le plus grand arrondissement de New York, à l'appel de Jewish Voice for Peace, un groupe d'Américains juifs de gauche pro-palestiniens, à l'occasion du "séder", le rituel de la Pâque juive. Nombre d'entre eux ont été interpellés.
"Nous sommes (les Américains) les instigateurs d'une telle violence, d'une telle haine, c'est terrible", a tonné sur place Rebecca Lurie.
La ferveur gagne la France
Quelques dizaines d’étudiants ont organisé, mercredi, un rassemblement pro-palestinien au sein de Sciences Po Paris, un mois et demi après des incidents dans un amphithéâtre de l’école.
Ils réclament que Science Po “coupe ses liens avec les universités et les entreprises qui sont complices du génocide à Gaza“ et “la fin de la répression à l’encontre des voix pro-palestiniennes sur le campus“, a indiqué une étudiante en master, qui n’a pas souhaité donner son nom.
La guerre israélienne sur Gaza, qui a dépassé le cap des 200 jours, a provoqué une catastrophe humanitaire et fait près de 35.000 morts, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé dans l’enclave assiégée.