Par Firmain Eric Mbadinga
Neurologue de formation, le Britannique Roger Bannister savait comment faire croire à son cerveau qu'il irait un jour là où aucun coureur de demi-fond ne l'avait précédé.
À sa plus grande déception,Bannister finit quatrième au 1500 mètres des Jeux Olympiques de 1952, ce qui a été un moment décisif dans sa quête de record.
Armé d'une détermination née de l'échec et de ses connaissances acquises à l'école de médecine, il a continué à s'entraîner méticuleusement, repoussant ses limites à chaque fois. Deux ans plus tard, sur la piste en cendrée d'Oxford, le jeune homme, alors âgé de 25 ans, est devenu le premier à courir le '' mille '' en moins de quatre minutes, réalisant un temps de 3 minutes 59,4 secondes dans son épreuve de prédilection.
Cet exploit suscita de fait l'admiration du monde entier.
À des milliers de kilomètres de là, sept décennies plus tard, un jeune nageur de la République démocratique du Congo s'efforce de surmonter ses déceptions et de repousser ses limites et de briser les barrières des quatre minutes dans son esprit, tout comme Bannister l'a fait.
Ce jeune n'est autre qu'Yves Muntu Kupiata. Du haut des ses 21 ans et de son un mètre soixante-dix pour un poids de 76 kg, Yves devait se rendre à Paris pour les Jeux olympiques d'été à la fin du mois, réalisant ainsi un rêve d'enfant, celui de se mesurer aux meilleurs nageurs du monde.
Yves avait gagné sa place grâce à une série de performances étincelantes dans les compétitions nationales et internationales. Plus important encore, Yves pensait qu'il était capable de représenter son pays natal, la RDC, sur la plus grande scène, celle des Jeux olympiques.
'' Je viens d'établir un nouveau record national au 50 m brasse, ma discipline préférée '', a-t-il déclaré à TRT Afrika. ''Mon ambition immédiate est d'améliorer mon record et d'être bien placé dans le classement. C'est mon objectif. '' confiait-il. Seulement, À quelques semaines des Jeux olympiques, Yves a reçu un coup de massue.Yves a été écarté de l'équipe congolaise au dernier moment.
'' Elles (les autorités) ne m'ont donné aucune explication. Je suis choqué. Je voulais participer à la compétition '', a-t-il déclaré à TRT Afrika il y a peu.
Pour Yves, la natation ne consiste pas seulement à se rendre à la piscine. Il aspire à faire parler de lui. Il sait qu'une place sur le podium n'est pas une mince affaire. Mais il pense que ce n'est pas hors de portée. Le rêve devra attendre, mais comme le mille de moins de quatre minutes de Bannister, il sait qu'il pourra l'atteindre un jour.
Des progrès laborieux
L'histoire olympique de la RDC remonte à 1968, lorsqu'elle a participé aux Jeux d'été sous le nom de Congo-Kinshasa. Depuis, ce pays d'Afrique centrale d'environ 105 millions d'habitants a envoyé de petites équipes à chaque édition des Jeux olympiques.
À Paris, du 26 juillet au 11 août, la RDC fera à nouveau partie des petits contingents, avec une présence dans trois sports seulement : la boxe, le judo et la natation. Ce qui est différent, cependant, c'est la façon dont la nouvelle génération d'athlètes congolais aborde l'événement. Comme le dit Yves, ''il ne suffit pas d'être passager. Dans le sport, c'est l'envie et la volonté de progresser qui permettent de franchir de nouvelles frontières''.
Le nageur congolais, dont le modèle est le Britannique Adam Peaty (actuel recordman du monde du 50 m brasse avec un temps de 25,95 secondes), avale les mètres lors de ses séances d'entraînement.
Depuis le mois de février, ses performances sont minutieusement scrutées lors d'entraînements qui peuvent durer des heures chaque jour. Yves a également participé à plusieurs événements internationaux afin de poursuivre sur sa lancée.
''J'étais à Doha, au Qatar, où je me suis remis dans le bain en réalisant 35 secondes au 50 m brasse. En mars, j'ai participé aux Jeux panafricains et j'ai réalisé 34 secondes, un nouveau record pour mon pays '', a-t-il déclaré à TRT Afrika. '' Puis, aux Championnats d'Afrique de cette année, j'ai réalisé 33,61 secondes. Ce chrono m'a permis de me qualifier pour les Jeux olympiques, ce dont je rêvais depuis longtemps '', rajoute-t-il.
Yves a commencé à nager à l'âge de huit ans, son père l'initiant à la piscine. '' Très tôt, j'ai démontré mon talent en participant à des compétitions interscolaires réunissant des élèves français, belges et américains. J'arrivais souvent en tête. À cette époque, je me suis rendu compte que l'épreuve du 50 m brasse était mon point fort '', a-t-il déclaré.
Les espoirs de la nation
Le nageur congolais dit vouloir honorer l'espoir qu'il voit dans les yeux de la jeunesse de son pays. Mais il est également assez réaliste pour reconnaître que la méthode doit être associée à la passion pour réussir dans n'importe quel sport. Yves souligne la nécessité pour le gouvernement d'offrir aux fédérations et aux athlètes un soutien technique adéquat afin de garantir des résultats lors de compétitions internationales prestigieuses telles que les Jeux d'été.
Il recommande également d'investir davantage dans les infrastructures et d'améliorer le soutien aux acteurs du sport avant et après les événements. Même si son retrait de la liste pour les jeux dans quelques semaines est une épreuve qu'il digère avec peine, Yves promet de poursuivre son rêve. Et Yves peut déjà compter sur ses proches et ses fans sur les médias sociaux, qui lui apportent leur soutien moral.
En sa qualité d'ambassadeur de la RDC au niveau international grâce à la pratique du sport, Yves sait mieux que quiconque combien c'est un privilège de représenter le pays. Il ne cesse de se rappeler que le voyage de l'espoir à la déception ne doit pas sombrer dans le désespoir. ''Une partie de mes rêves a été tuée, mais je vais continuer à me battre '', a-t-il déclaré. '' J'ai obtenu suffisamment de points dans les compétitions internationales pour faire partie de l'équipe olympique. Je ne peux pas en dire plus, car il s'agit de mon pays ''.