Oumou Sangaré, à l'affiche le 6 septembre d'un festival organisé du 30 août au 10 septembre dans divers lieux du Parc de La Villette à Paris (dans le nord-est de la capitale française), incarne cette recherche de l'équilibre, entre volonté de bousculer les codes et souci de les préserver.
"Chacun doit défendre sa culture, surtout le Wassoulou, une partie du Mali extrêmement riche parce que trois ethnies mélangées y vivent", avait-elle expliqué à l'AFP en octobre avant un concert à Marseille, dans le sud-est de la France.
"J'ai essayé de la moderniser un peu, tout en faisant attention à ne pas trop la dénaturer", avait déclaré Sangaré, l'une des grandes voix du Mali, qui s'appuie sur le chant traditionnel de sa région, aux confins du Mali, de la Côte d'Ivoire et de Guinée, pour défendre dans ses textes l'émancipation de la femme.
Dès ses débuts, elle ajoute au son du n'goni -instrument ancestral- ceux d'une basse électrique ou d'un violon. "C'était du jamais vu et ça a pris !", a-t-elle confié. Dans son dernier album, "Timbuktu", des claviers et guitares -slide et Dobro- décorent l'habit traditionnel sans que celui-ci ne perde de son éclat.
"L'erreur, c'est de confondre tradition avec non créativité, comme si la tradition était quelque chose d'immuable, alors que c'est tout le contraire" en Afrique, dit le violoncelliste Vincent Segal.
"J'ai découvert les musiques africaines en écoutant enfant" la radio", et je me souviens que j'étais transporté", raconte le musicien.
Depuis, ces musiques de l'Afrique qu'il caractérise par leur souplesse et leurs renversements rythmiques ne l'ont jamais lâché.
Entre autres projets, il tisse depuis vingt ans un lien intime avec le joueur de kora, Ballaké Sissoko. Celui-ci est le garant de la musique mandingue dans le quartette "Les Egarés", l'une des deux formations à l'affiche le 3 septembre, dont Vincent Segal est le trait d'union.
Le vibraphoniste/percussionniste éthiopien Mulatu Astatke, qui jouera le 31 août, a aussi réussi la greffe entre musiques issues de la tradition, sons et grooves plus modernes.
"Vaudou digital"
Au sein de l'Ethiopian Quintet, il développa dans les années 1960 à New York, où il avait émigré, une fusion unique de jazz et de musiques traditionnelles amaris, aux accents latino: l'éthio-jazz.
Retourné en Ethiopie, il fut un acteur du "swinging Addis", une musique ondulante née du mélange du tezeta (musique traditionnelle, sorte de blues local), de gammes pentatoniques et d'accords diminués, de cuivres funk, jazz ou afro-beat, d'orgue groovy et de guitares psychédéliques.
A 79 ans, il est l'une des dernières légendes vivantes du genre.
Chez Nana Benz, un trio de femmes, les chants rituels vaudou sont eux vitalisés par deux batteurs-percussionnistes et les riffs sortis d'un petit clavier électronique. Un "vaudou digital", entre tradition et modernité, encore.
Le jazz vient aussi souvent s'abreuver à la source des musiques africaines, comme celui, ondulant et voyageur, du contrebassiste français Henri Texier.
"C'est une source essentielle. Sans la résonance de musique africaine, il n'y a pas de jazz", affirme le musicien qui jouera le 5 septembre avec son nouveau "septette". "L'équilibre entre le découpage du temps ternaire et binaire de la musique africaine est un apport essentiel et magique dans la musique de jazz."
Cette Afrique, Henri Texier la connaît bien, pour l'avoir parcourue à l'occasion notamment de plusieurs tournées du trio Romano-Sclavis-Texier.
D'autres formations jazz au programme du festival sont sous influence africaine: Ezra Collective et Balimaya, collectifs de la bouillonnante scène londonienne biberonnés à l'afro-beat, ou Tigre d'eau douce du saxophoniste parisien Laurent Bardainne qui lorgne plutôt vers l'Ethiopie.
"Quand on va en Afrique, on est impressionné par ce qu'on entend", souligne Henri Texier. "La musique est partout."