Les objets d'art taillés dans la pierre de Mbigou ont pour principaux acheteurs des touristes étrangers, ce qui démontre la faiblesse du tourisme domestique en Afrique./Image TRTAfrika

Par Firmaın Eric Mbadinga

Quand il pose ses mains sur la pierre, la pierre de Mbigou pour être précis, Cyril, 26 ans, se donne pour mission de changer ce qui ressemble au départ à une masse rocheuse informe, en une œuvre aux courbes attractives qui vaut ensuite de l'or sur le marché de l'art.

Au quartier Alibandeng en plein cœur de Libreville, la silhouette de Cyril, un 1,70 m, l'air toujours souriant, est bien connue des riverains. Le jeune sculpteur est en effet membre du ''Village artisanal de la pierre de Mbigou'' qui est en quelque sorte le siège de tous les tailleurs de la stéatite qui sert de matière première.

C'est sur ce site, qui avec le temps ne garde d'un village que le nom, que les artisans sculpteurs traitent la pierre de Mbigou pour lui donner, qui la forme d'un buste de femme africaine, qui la forme d'un animal de la forêt ou toute autre représentation symbolique.

Un buste de femme tel que celui produit par Cyril peut être vendu entre 50 et 60 000 CFA./Image TRTAfrika

'' Ma maman travaillait à côté d'un atelier dans lequel il y avait des personnes qui faisaient le travail de tailleur de pierre de Mbigou. C'est donc en voyant procéder ces personnes que la passion pour cet art m'est venue,'' explique Cyril Biyoghe à TRT Afrika.

Cette illumination pour cet art a eu lieu chez Cyril alors qu'il entrait dans l'adolescence. N'ayant pas eu l'occasion d'aller au bout de ses études scolaires suite à des problèmes de santé, Cyril va très vite apprendre à manier la lime et le couteau, qui sont les outils principaux des tailleurs de la pierre de Mbigou.

La Pierre de Mbigou

Pour leur activité, les sculpteurs du ''Village artisanal de la pierre de Mbigou'' ont pour matériau principal la pierre éponyme qui est une stéatite, c'est-à-dire une roche métamorphique douce au toucher. Cette pierre est très souvent de couleur blanche, café au lait ou verte.

L'histoire de cette pierre est presqu' aussi vieille que celle du Gabon, notamment celle de la ville de Mbigou au sud du pays, d'où elle est extraite.

C'est donc en se rendant eux-mêmes dans cette ville ou en passant des commandes avec des proches, que ces artisans obtiennent la pierre de Mbigou dont la valeur dépend, en cas de vente de la matière brute, du nombre de kilos.

Il s'agit d'un prix très fréquemment négociable en fonction de l'état de la carrière dans laquelle la pierre est extraite, à coup de pioche. Son prix dépend aussi des conditions d'accès à la carrière ou encore de la saison. Il est en effet plus difficile de prélever la pierre en saison de pluie plutôt qu'en saison sèche.

Une fois la pierre obtenue et acheminée vers Libreville, la capitale, des sculpteurs comme Cyril ont alors de quoi faire parler tout leur esprit créatif sur la pierre, avec pour objectif de taper dans l'œil des clients.

Les tableaux incrustés de statuettes aux formes humaines ou formes animales taillées dans cette pierre, véhiculent très généralement un message selon leur auteur. L'une des créations de Cyril est un homme assis sur un banc, qui joue de la cithare, entouré de 9 masques dont les couleurs renvoient aux rites et traditions de son pays.

Cyril Biyoghe au Village artisanal de la pierre de Mbigou /Image TRTAfrika

'' Sur ce tableau, il s'agit d'un vieux du village qui est en train de jouer sa cithare et autour de lui, il y a 9 masques qui représentent chacune des provinces du Gabon. En jouant de son instrument traditionnel, ce vieil homme permet aux jeunes gabonais qui sont hors du pays et ceux à l'intérieur de rester connectés aux valeurs du pays. Il les invite à ne pas abandonner leur culture, '' fait savoir Cyril.

Le tableau du Veil homme jouant de la cithare./Image TRTAfrika

Dans une autre œuvre, l'artisan sculpteur représente un homme qui rentre dans son village, gibecière sur le dos. Dans cette gibecière se trouvent des animaux de la brousse comestibles et des légumes.

L'auteur présente cette œuvre comme le symbole de la responsabilité et de la générosité du père de famille dans sa communauté.

L'homme à la gibecière /Image TRTAfrika

Ces efforts de créations sculpturales sont de fait la principale source de revenus pour les tailleurs de pierre de Mbigou. Cyril Biyoghe confie à TRT Afrika que les ventes de leurs œuvres ne leur génèrent des bénéfices que selon le contexte.

''Quand on tombe sur des clients généreux, ces derniers nous encouragent. C'est ça la loi du marché, il y a des périodes dures et d'autres qui le sont moins. pendant la période de COVID-19 par exemple, il nous était impossible de vendre, car il n'y avait pas de clients, les touristes notamment'' explique Cyril Biyoghe qui souhaite voir une clientèle plus régulière de touristes, mais aussi des nationaux.

Quand les ventes sont florissantes, les tableaux et autres objets d'art faits en pierre de Mbigou peuvent s'écouler sur le marché entre 60 et 120.000 FCFA pièce.

Pour l'essentiel, la clientèle de Cyril et des autres artistes sculpteurs de la pierre de Mbigou, est constituée d'occidentaux.

La fermeture des frontières pendant la période de la COVID-19 a entraîné une forte baisse du flux de touristes étrangers jusqu'en 2022, et a mis une fois plus en lumière la dépendance de certains secteurs économiques au tourisme international face à un tourisme domestique très faible.

TRT Afrika