Vue d'une réunion de la start-up "African Women In Tech Startups"

Par Firmain Eric Mbadinga

Déclarer que les femmes sont peu présentes dans le domaine des technologies pourrait passer en 2025 pour une affirmation audacieuse si l'on perçoit cette affirmation avec des prédispositions clivantes, dont la liste pourrait être infiniment longue.

Mais lorsque l'on prend pas du recul, et que l'on considère les chiffres de façon froide et objective, il ressort que seulement 30% des acteurs du secteur des technologies sont de sexe féminin alors que la population mondiale compte autant d'hommes que de femmes.

La fondation ''Grande École du Numérique'' précise, pour le confirmer, qu'aux États-Unis (pôle mondial des technologies), 35 % des acteurs sont des femmes contre 26% en Europe. En Afrique, les femmes actives dans le secteur des nouvelles technologies oscillent autour des 17%.

Ces données remettent le curseur sur plusieurs problèmes sous-jacents tels que celui de l'égal accès à l'éducation et à la formation entre les femmes et les hommes, en fonction des régions et des cultures.

Réduire la fracture technologique homme-femme

En 2020, par exemple, Audrey Azoulay, directrice générale de l'UNESCO, affirmait que les trois quarts des enfants non scolarisés dans le monde étaient des filles.

Pour sa part, Horore Bell Bebga, une entrepreneure sociale et ingénieure informatique, a pris la mesure de la situation et a décidé de contribuer, à sa manière, à la réduction de cette fracture en matière de formation dès 2016.

La consultante en transformation digitale a mis sur pied l’association African Women In Tech Startups dont le siège fait partie du décor du quartier Bonamoussadi à Douala au Cameroun.

Avec ses ressources techniques et surtout la volonté ainsi que la passion de ses membres, l'association forme et accompagne les femmes dans le secteur des nouvelles technologies.

L’association compte près de 50 femmes, professionnelles, issues des domaines tels que l'ingénierie, la cybersécurité, le développement web, le marketing digital, l'intelligence artificielle, la FinTech, la gestion de projet et l'entrepreneuriat numérique. Autant de profils qui constituent une mine de savoir pour les femmes et les jeunes filles qui cognent aux portes de African Women In Tech.

''Nous accompagnons les femmes dans plusieurs secteurs clés comme le développement web, la programmation et l'intelligence artificielle. Nos travaux et échanges portent aussi sur l'entrepreneuriat technologique et l'innovation digitale. L'inclusion financière, les technologies appliquées à l’agriculture et à l’éducation, ou encore les solutions numériques pour les causes sociales et humanitaires, font partie des concepts et travaux que nous abordons au sein de notre association" confie Horore Bell Bebga à TRT Afrika, avec une aisance qui pourrait déconcerter tout profane.

De bénéficiaires à formatrices

Les étudiantes, et les jeunes diplômées en technologie ainsi que les femmes qui s'engagent dans une reconversion professionnelle finissent par maîtriser ce jargon et à en avoir les clefs, grâce à un système de formation qui permet aux bénéficiaires de devenir, elles aussi, formatrices et de rendre la pareille à de nouvelles recrues.

'' Ensemble, construisons un écosystème numérique inclusif et durable !'', c'est d'ailleurs la devise de l'association.

En plus des étudiantes et des professionnelles, les femmes en situation de vulnérabilité comme celles vivant en zones rurales, les déplacées internes, les réfugiées, les victimes de violences basées sur le genre, les jeunes filles déscolarisées et sans emploi sont comptées dans les effectifs.

La polychromie des personnages enrichit l'ambiance bonne enfant qui règne dans les rangs de l'association lors des ateliers, des séminaires et autres formations qui y sont organisés.

Cela a pour effet de faciliter l'initiation des adhérentes aux métiers figurant sur le catalogue de l'association au cours d'exercices reposant sur des cas pratiques.

Des boot camps intensifs, des compétitions de codage, des sessions de mentorat avec des expertes de la tech font également partie de la méthodologie choisie par ce collectif de femmes geeks. Et pour bien faire fonctionner ce système et atteindre des résultats de qualité, Horore et ses collaboratrices ont tout prévu.

''Nous avons des coordinatrices régionales, qui supervisent les activités sur le terrain dans différentes régions du Cameroun, de même que nous avons une représentation internationale, qui facilite les partenariats et le rayonnement de l’association à l’étranger.'' étaye Horore avec un petit sourire de satisfaction.

Création d'un festival 'Femme Numérique'

Afin de renforcer son impact à travers les 10 régions du Cameroun, African Women In Tech finance ses activités grâce à des subventions privées qu'elle obtient à travers les appels à projets. Les contributions des membres, de même que certains partenariats avec des entreprises, participent au même objectif.

''Grâce à nos programmes, près d’une centaine de jeunes filles ont pu accéder à des opportunités d’emploi ou créer leur propre entreprise. Chaque année, nous lançons un appel à candidatures via nos plateformes digitales.

Un processus de sélection est mis en place pour retenir les candidates les plus motivées. L’avenir de l’Afrique ne peut se construire sans les femmes dans la tech. Nous croyons que chaque femme mérite d’avoir accès aux compétences numériques et aux opportunités professionnelles'', complète Horore Bell Bebga.

De 2016 à ce jour, African Women In Tech a pu mettre sur pied une dizaine d'actions : le festival Femme numérique (un événement qui promeut l’innovation numérique féminine), les '' Girls in ICT Day Celebration'' qui sont programme d’encouragement des jeunes filles aux TIC et STEM qui intègre parmi ses actions des caravanes numériques dans les écoles et universités du Cameroun.

Dans le cadre de la ''Carav’Elles Digital Center'', autre initiative de l'association, en 3 éditions déjà réalisées, plus de 50 ordinateurs et 100 smartphones ont été offerts aux personnes économiquement faibles, aux jeunes filles-mères pour favoriser l’accès sécurisé au numérique.

D4WOD (Digital for Women Organizations & Disabilities) est quant à lui le programme de l'association qui promeut depuis 2023 la digitalisation des organisations de femmes et de femmes en situation de handicap en zone CEMAC.

TRT Afrika