Par Firmain Eric Mbadinga
La voix d'Adriana Bignagni Lesca peut être aussi grave et aussi aiguë que celle d'Angélique Kidjo, lauréate de cinq Grammy Awards, qui excelle dans l'afropop, le jazz et la musique traditionnelle.
Mais contrairement à la diva béninoise, qu'elle compte parmi ses modèles, Adriana a choisi l'opéra comme genre, et sa voix séduit de nombreux mélomanes, notamment en Europe.
En effet, le nom et la voix de la chanteuse gabonaise sont de plus en plus associés aux grands événements de la musique classique, notamment aux représentations d'opéra.
Un opéra consiste à chanter des notes précises sur de la musique classique. Traditionnellement, les chanteurs d'opéra racontent des histoires dramatiques ou romantiques que les artistes chantent de manière théâtrale. Adriana, qui a étudié au Conservatoire de Bordeaux en France, où elle vit actuellement, maîtrise toutes ces compétences à la perfection, de l'avis de ses pairs.
À l'opéra, les types de voix les plus courants sont la soprano, la mezzo-soprano et la contralto pour les femmes, et le contre-ténor, le ténor, le baryton et la basse pour les hommes. Adriana est à la fois mezzo-soprano et contralto.
"Ma voix est un mezzo-contralto. Je suis mezzo-soprano et contralto. J'ai une voix de femme moyenne, mais j'ai aussi la voix de femme la plus grave, qui est souvent comparée à celle d'un ténor."
"Autrement dit, je peux chanter presque la même voix qu'un ténor, même si je suis une femme", explique celle qui est lauréate du prix "Africa Lyric's Opéra" à Paris en 2022 et du "Concours Armel Opéra" à Budapest en 2016.
Pour maîtriser les différents types de voix et apprendre à moduler sa propre voix, Adriana a suivi une formation des plus poussées.
Alors qu'elle ne se voyait pas plus qu'une chanteuse de chœur au départ, elle se souvient que son parcours artistique a pris une trajectoire inattendue qui la place de plus en plus au centre de la scène.
Inscrite au Conservatoire de Bordeaux à l'âge de 19 ans, sa voix a été entendue par une oreille experte.
Alors qu'elle interprète une chanson de l'artiste Annie-Flore Batchiellilys dans le département piano et accompagnement du conservatoire, elle attire l'attention du directeur de l'école qui lui propose immédiatement d'intégrer le département chant et art lyrique où elle s'est initiée à la musique d'opéra.
Les choses se sont ensuite enchaînées. La chanteuse participe à des concours d'opéra et à des spectacles, où elle continue à se distinguer.
"Ce genre musical, je ne l'ai pas choisi au départ. Je voulais être accompagnatrice et chef de chœur d'enfants", confie Adriana, les yeux humides d'émotion.
Forte de caractère, Adriana Bignagni Lesca affirme qu'elle n'a pas le temps de se plaindre et qu'elle ne pense qu'à aller de l'avant.
Comme au cinéma et au théâtre, la performance et le profil d'Adriana sont déterminés par les directeurs de casting.
"Nous nous retrouvons sur scène en fonction du cast. Le cast est celui que les directeurs artistiques et les directeurs des maisons d'opéra, ainsi que nos agents, mettent en place, correspondant à une œuvre donnée en fonction de la pièce qu'ils souhaitent produire. Eh bien, une fois que tout cela est conclu, souvent avec les autres collègues, l'ambiance peut être bonne et parfois l'ambiance peut aussi ne pas être bonne.''
Adriana Bignagni Lesca vit de son art.
Adriana souligne que peu de noms africains sont cités lorsqu'on parle d'opéra. La Sud-Africaine Pretty Yende, avec sa voix de soprano, est l'une des rares à démontrer par son talent que l'art n'a ni couleur ni religion.
Pour donner à son art une saveur africaine, Adriana a organisé ou participé à des ateliers de formation à plusieurs reprises, dans l'espoir de faire tomber les clichés perpétués par le conservatisme culturel.
L'un de ses premiers rôles a eu pour cadre Budapest, en Hongrie, et elle tisse peu à peu sa toile en France et en Europe. A travers tous les projets qu'elle entreprend, son objectif est de former professionnellement des jeunes à la pratique musicale.
"En tant que Gabonaise, j'ai forcément des projets pour mon pays. Certains projets proposés aux autorités de l'époque n'ont jusqu'à présent jamais reçu de réponse, notamment entre 2015 et 2020. Lorsque le nouveau régime est arrivé, le CTRI (Conseil pour la transition et la restauration des institutions), j'ai fait de même. Je suppose que comme le pays ne se construit pas en un jour, il faut du temps, et j'attends", ajoute-t-elle.
La chanteuse d'opéra est actuellement confrontée à deux défis majeurs. Le premier consiste à faire accepter la nature neutre et, par conséquent, non discriminatoire de l'art. L'autre défi consiste à associer les rythmes afro à l'opéra et renforcer l'universalité de cette forme d'art scénique et lyrique.