Par Firmain Eric Mbadinga
Une loi de 2002 décrivant les sanctions, les incriminations et les procédures liées aux délits impliquant des membres des forces armées de la République démocratique du Congo est de nouveau au centre des débats alors que le système judiciaire s'attaque à l'une des infractions les plus graves du manuel militaire : l'acte de désertion.
Entre mai et juillet de cette année, 50 soldats congolais ont été jugés et condamnés à mort par des tribunaux militaires pour ce qui est considéré comme un acte de haute trahison.
Ces soldats ont tous été reconnus coupables de désertion, qualifiée de '' lâcheté '' ou de '' fuite devant l'ennemi '', au cours d'une mission militaire dans le Nord-Kivu, où les rebelles du M23 seraient de plus en plus actifs.
En prononçant ces condamnations, les autorités judiciaires ont souligné à plusieurs reprises que '' la loi reste la loi '', se référant spécifiquement à la loi n° 024/2002 du code pénal militaire promulguée le 18 novembre 2002.
Depuis lors, des appels ont été lancés pour une clémence de la loi, sans pour autant que celle-ci soit perçue comme une incitation à la désertion.
Cette école de pensée estime que, bien que la désertion doive être considérée comme un délit impardonnable équivalent à la trahison, les mesures dissuasives induites par la loi ne doivent pas refléter un état d'esprit archaïque.
Les premières failles
Qu'est-ce qui a donc poussé le gouvernement et l'armée à penser autrement ?
En mars dernier, le ministère de la Justice de la RDC a levé le moratoire sur la peine de mort, invoquant des cas de trahison et d'espionnage dans les conflits armés récurrents pour autoriser la reprise d'éventuelles exécutions. Pour rappel, le pays a introduit le moratoire sur la peine de mort au début de l'année 2000.
La circulaire du 13 mars citait le ministre de la Justice, Rose Mutombo, qui avait déclaré que la peine capitale avait été réintroduite pour débarrasser l'armée des traîtres et enrayer la résurgence du terrorisme et du banditisme. Le conseil des ministres avait ensuite entériné cette décision le 9 février.
L'article 55 du code pénal militaire stipule en effet que '' tout militaire ou assimilé qui se sera rendu délibérément inapte ou inapte au service, soit temporairement, soit définitivement, dans le but de se soustraire à ses obligations militaires, sera puni ''.
Le quantum de la peine diffère selon les circonstances
En temps de paix, un soldat reconnu coupable de désertion, telle que définie par la loi, peut être condamné à une peine de dix à vingt ans de servitude pénale et à une interdiction d'exercer ses droits civiques et politiques pendant cinq à dix ans.
En temps de guerre ou dans des circonstances exceptionnelles, la peine est l'emprisonnement à vie ou la peine de mort.
Le tribunal prononce la peine de mort si le soldat ''était en présence d'une bande armée ou de l'ennemi ''.
Une perspective différente
En matière judiciaire, les peines prévues par les lois régissant les différents aspects de l'exécution doivent être appliquées. Cependant, dans certains cas, les circonstances et le contexte sont utilisés pour atténuer la rigueur de la loi.
À cet égard, le prix Nobel Albert Camus a écrit dans son essai Réflexions sur la peine capitale : '' Une législation trop sévère manque son but ''.
La Convention pour le respect des droits de l'homme (CRDH), une ONG congolaise, a utilisé les mots de Camus comme motivation dans son engagement à défendre les soldats accusés de désertion en RDC.
La CRDH estime en effet qu'à moins d'avoir commis un crime tel que la collusion avec l'ennemi, les soldats congolais ne devraient pas être condamnés à mort pour avoir quitté le champ de bataille.
L'ONG est d'accord avec le principe de la punition, mais ne veut pas que les '' fuyards de la mort '' soient ''condamnés par une mort estampillée du sceau de l'État ''.
'' Plus de 70 soldats ont été jugés pour avoir fui l'ennemi. La CRDH recommande au gouvernement de répondre d'abord aux besoins des militaires avant de les condamner '', indique l'ONG.
Selon certains analystes, les salaires et les conditions de travail du personnel militaire doivent également être pris en compte.
La position officielle
En réponse à ces voix, les autorités affirment qu'un soldat ne doit pas tourner le dos, quels que soient les dangers qui l'attendent.
'' Le but de ces auditions est de dissuader et d'éduquer. Elles visent à empêcher les soldats d'abandonner leurs postes sur la ligne de front '', a déclaré à la presse début juillet le capitaine Melissa Kahambu Muhasa, représentant le ministère public.
Cette déclaration faisait suite à la condamnation à mort de 16 soldats à Lubero, dans le Nord-Kivu, dont certains pour désertion.
Le président Félix Tshisekedi a, lui aussi, adopté une position ferme. ''Cette triste et sombre réalité (la désertion) exige une réponse ferme et déterminée. Bien que la République démocratique du Congo soit fermement attachée au respect des droits de l'homme et de l'État de droit, elle ne peut se permettre le luxe de la passivité lorsque sa sécurité et son peuple sont menacés '', a-t-il déclaré.
Le professeur Pamphile Biyoghé, enseignant dans les grandes écoles et universités de Libreville au Gabon, approuve le principe de punir les déserteurs, mais émet des réserves sur la nature de la peine appliquée en RDC.
''Oui, la peine capitale, dans ce cas précis, peut-être une réponse, mais pas la réponse pour décourager les désertions dans les rangs de l'armée", explique-t-il à TRT Afrika.
Le Dr Arnaud Houenou spécialisé sur les questions de sécurité et de défense africaine estime que l'art militaire évoqué par son homologue universitaire peut être cultivé et développé grâce à une combinaison d'éléments qui font actuellement défaut en RDC.