Par Kudra Maliro
Pierre Sedi est l’espoir de millions de Congolais handicapés moteurs, suite à des accidents de la circulation, des victimes de guerre ou encore de maladies neurodégénératives.
La République démocratique du Congo (RDC) compte 13 millions de personnes vivant avec un handicap, selon les chiffres du ministère congolais de la santé.
Pour cette catégorie de la population, le robot de Pierre Sedi pourrait changer radicalement leur vie.
En effet, ce jeune homme qui vient d’obtenir son diplôme en Génie Informatique de l’Ecole polytechnique de l’Université de Kinshasa (UNIKIN) a développé un robot que l’on commande par le cerveau humain.
Assis devant son ordinateur dans le laboratoire de l’UNIKIN et casque vissé sur la tête, Pierre Sedi entraîne son robot, un prototype équipé de roues et de capteurs à exécuter différentes tâches.
Le jeune homme parvient à dompter le dispositif grâce à un "casque neuronal à électroencéphalographie" disposant d’électrodes et de références.
Ce gadget "permet de capter sur le cuir chevelu l’activité électrique du cerveau qui arrive jusqu’à la surface du cuir chevelu. Ce sont des micro-tensions qui sont amplifiées dans le casque, puis converties au format numérique pour la transmission vers l’ordinateur", a expliqué M. Sedi à TRT Afrika.
Films de fiction
Pierre Sedi dit avoir été inspiré par des productions Hollywoodiennes comme la série X-Men Evolution dont le professeur Xavier, personnage principal du film, contrôle des objets à partir du cerveau humain.
"Depuis mon enfance, je suis toujours passionné par l’intelligence artificielle… C'est un concept qui m'a toujours fasciné et sur lequel j'ai voulu me pencher au bout de mes études d'ingénieur informaticien à la Faculté Polytechnique de l'Université de Kinshasa. J'ai travaillé dessus pendant une année et j'ai défendu mes travaux de recherche en janvier de cette année" déclare Pierre Sedi Nzakuna.
M. Sedi est convaincu qu'il n'y a pas de limite à l'imagination et que beaucoup de travail reste encore à faire dans le domaine des interfaces cerveau-machine.
Son travail de recherche s'est penché sur la réduction du temps nécessaire à l'entraînement des sujets pour l'utilisation d'une interface cerveau-machine, mais des travaux supplémentaires sont nécessaires pour que ce genre de système soit mis à la disposition du public. "Nous devons améliorer le système".
Système à parfaire
Pierre explique que "faire léviter des objets par la pensée ou lire dans les pensées d’autres personnes a été associé, au fil des âges, à de la magie, puisque les humains ne naissent pas avec ces capacités et ceux qui les ont manifestées ont toujours prétendu les avoir reçues de manière surnaturelle".
Son prochain défi est la miniaturisation de son système, l’amélioration de ses capacités de pilotage et l’augmentation de ses performances. L’objectif étant de le préparer à une utilisation grand public.
Comme tous les cherches africains, M. Sedi fait face aussi à plusieurs défis. Cadet d'une famille modeste de quatre enfants, il est contraint de trouver l’équilibre entre le laboratoire et son emploi qui lui permet de vivre et de financer en partie ses travaux de recherche.
"Pour le développement de mes travaux de recherche, je n'ai malheureusement pas reçu de financement de la part des autorités Congolaises. La recherche scientifique peine encore à trouver des financements dans mon pays, il a donc fallu financer cette recherche nous-même", regrette Pierre Sedi.
"Maintenant le domaine de recherche dans lequel j'évolue est un domaine de haute technologie, il faudrait poursuivre ces travaux de recherche dans des universités de haut rang international, c'est mon ambition et je suis à la recherche des opportunités allant dans ce sens", ajoute le jeune chercheur.
Jean-Marie Beya, doyen de l’Ecole polytechnique de l’UNIKIN ne cache pas sa fierté, magnifiant ce projet qui, selon lui, illustre la qualité de la formation proposée à l’Université de Kinshasa, malgré les difficultés "que nous avons".
"Je me dis que ces ingénieures s’ennuient car ils ont un niveau trop élevé par rapport à ce qu’on en fait dans la société congolaise. J’aimerais que le gouvernement nous appuie pour qu’on aille au-delàs de ce nous faisons pour porter le développement de la RDC" plaide M. Beya.
Une innovation pour la médecine
M. Sedi souligne que les interfaces cerveau-machine sont actuellement développées à travers le monde à des fins médicales, afin d'aider principalement les personnes atteintes de maladies neurodégénératives à retrouver de la motricité et de la mobilité en leur permettant de commander des systèmes robotiques pour effectuer des actions rien qu'à partir des ondes de leur cerveau.
Selon un rapport de l’OMS, la RDC compte 9 neurochirurgiens pour plus de 100 millions d'habitants.
D’après une estimation du ministère congolais de la santé, environ 13 millions d’individus vivant avec handicap sur une population estimé 100 millions soit 10% de la population locale.
Plusieurs congolais interrogés par TRT Afrika affirment être fiers de Pierre Sedi et se disent surpris de découvrir la réalisation de ce type de projets en RDC.
"Je suis contente de voir un congolais s’investir dans ce genre de projets…Cela montre que notre pays est en train d’évoluer à matière de la technologie", affirme Rebecca Kapinga, une habitante de Kinshasa.
Pierre Sedi, lui, se dit agréablement surpris par l'enthousiasme avec lequel mes compatriotes Congolais ont accueilli mes travaux de recherche.
"Mon souhait est de mettre en place ce système dans un environnement médical afin qu'il serve réellement aux personnes qui en ont le plus besoin" conclut M. Sedi.