Par Susan Mwongeli
Comme l'a dit la militante américaine des droits civiques Maya Angelou, "l'histoire, malgré sa douleur déchirante, ne peut pas ne pas être vécue, mais si elle est affrontée avec courage, elle n'a pas besoin d'être vécue à nouveau".
Pour la République démocratique du Congo (RDC), deuxième pays d'Afrique par sa superficie, le 64e anniversaire de l'indépendance vis-à-vis de la Belgique, le 30 juin, a été autant un moment de réflexion que de célébration.
Cela fait également 63 ans que son premier Premier ministre démocratiquement élu, Patrice Lumumba, a été assassiné par un mouvement sécessionniste congolais soutenu par la Belgique et les États-Unis.
Des décennies après la mort de Lumumba, son pays bien-aimé est aux prises avec les mêmes maux qu'il cherchait à vaincre : ingérence étrangère, conflit armé, instabilité politique, mauvaise gouvernance et pauvreté généralisée.
Si Lumumba avait vécu, la RDC aurait pu prendre une trajectoire différente et très probablement progressive dans son développement national.
Situé au cœur du bassin du Congo, le pays peut se targuer de posséder des ressources minérales et forestières parmi les plus importantes au monde.
Alors que la population congolaise de 105 millions d'habitants reste majoritairement pauvre malgré l'abondance des richesses naturelles, ces ressources sont devenues des aimants pour des intérêts étrangers égoïstes qui cherchent à les exploiter en soutenant des gouvernements civils corrompus ou des groupes armés.
Chocs fondateurs
Les historiens considèrent les origines de l'État congolais comme la source de sa faiblesse persistante. Ce pays connu sous le nom de République démocratique du Congo a d'abord été établi en tant que propriété privée (un titre foncier) du roi Léopold II de Belgique en 1885.
Après avoir acquis ce territoire, le roi lui a donné le nom d'État libre du Congo, qui est devenu le symbole des atrocités commises à grande échelle contre la population indigène.
Des millions de Congolais ont été tués pendant que Léopold exploitait les ressources minérales et forestières du Congo.
La condamnation de ces abus a contraint Léopold à céder le territoire à l'État belge en 1908. Malgré ce changement, la répression ne s'est pas relâchée et les autorités coloniales ont poursuivi les mêmes politiques coercitives que Léopold.
La RDC a obtenu son indépendance le 30 juin 1960, mais l'agression occidentale s'est intensifiée après que Lumumba, une figure farouchement nationaliste, est devenu le premier Premier ministre du pays avec le mandat du peuple.
Quelques semaines après son entrée en fonction, Lumumba est confronté à une rébellion sécessionniste soutenue par l'Occident dans la région sud-est du Katanga.
Il lance un appel à l'intervention militaire des Nations unies, qui est largement ignoré, ce qui l'oblige à se tourner vers l'ancienne Union soviétique.
Le président congolais de l'époque, Joseph Kasavubu, a imputé la rébellion à Lumumba et l'a limogé en septembre 1960. Quelques jours plus tard, Lumumba est arrêté. En janvier 1961, il est remis à l'administration katangaise, qui le fait assassiner peu après.
Hégémonie occidentale
Fred M'membe, journaliste de renom et président du Parti socialiste zambien, affirme que les tactiques des pays occidentaux ont toujours eu pour but d'entraver le développement de l'Afrique.
"Nos dirigeants qui ont tenté d'emprunter une voie différente, indépendante de la leur (le monde occidental), nous savons ce qui leur est arrivé dans l'histoire. Patrice Lumumba a été tué pour avoir simplement dit que les ressources du Congo appartenaient aux Congolais et à l'Afrique. Pour avoir pris cette position affirmée, il a perdu la vie", explique M'membe à TRT Afrika.
"L'Occident décide même des systèmes de gouvernance que nous devons adopter pour qu'il puisse traiter avec nous. Si nous empruntons une autre voie, ils nous abandonnent".
Une enquête menée en 2001 par le Parlement belge a conclu que Bruxelles était "moralement responsable" de la mort du premier Premier ministre élu de la RDC. D'autres enquêtes ont mis en cause les États-Unis.
En 1965, le chef de l'armée et pro-occidentale, Mobutu Sese Seko, a pris le pouvoir et a dirigé pendant 32 ans l'un des régimes les plus répressifs et les plus corrompus du monde.
Mobutu a été renversé en 1996 par un mouvement insurrectionnel, soutenu par les pays de la région.
En conséquence, une nouvelle guerre a éclaté en 1997 et s'est terminée en 2003, suite à la signature d'un accord de paix en Afrique du Sud. Cependant, l'instabilité persiste dans l'est de la RDC.
L'héritage de Lumumba
La mort brutale du premier Premier ministre de la RDC aux mains de sécessionnistes soutenus par les puissances occidentales a fait de lui un martyr politique et culturel africain.
"Il est difficile pour nous de tracer notre chemin sans être sanctionnés, tués ou renversés", déclare M'membe.
Lumumba est devenu un précurseur dans la lutte contre la domination occidentale. Les mouvements de libération en Afrique et dans le reste du monde en développement continuent de s'inspirer de ses idées nationalistes.
Dans toute l'Afrique, de nombreuses villes ont des rues ou des statues qui portent son nom.
Pour les Congolais, Lumumba était l'exemple même du nationaliste engagé qui est mort en défendant les intérêts nationaux. Malgré leurs idéologies politiques différentes, les hommes politiques congolais reconnaissent et respectent également sa vision du monde.
Ce qui n'a pas encore été réalisé au cours des six dernières décennies, c'est la vision de Lumumba pour la RDC. L'ingérence étrangère reste le principal obstacle à la réalisation de cet objectif.
Les Nations unies s'apprêtent à retirer leurs forces de maintien de la paix de la RDC après 32 ans. De l'avis général, le déploiement n'a pas changé grand-chose au pays, si ce n'est qu'il a accentué le sentiment d'ingérence extérieure et de trahison de la part de la communauté internationale.
M'membe exhorte non seulement la RDC, mais aussi l'ensemble de l'Afrique à prendre ses affaires en main. "Pour qu'un pays se développe, il doit s'approprier et contrôler son développement et les facteurs qui conduisent au développement", déclare-t-il à TRT Afrika.