Un manifestant tient une fusée fumigène alors que des policiers se tiennent à l'extérieur d'un hôtel, à Rotherham, en Grande-Bretagne, le 4 août 2024. / Photo : Reuters

Par Abdulwasiu Hassan

La crainte de ce qui pourrait arriver semble aussi accablante que l'expérience de cette situation effrayante.

Bilkis (nom fictif), une Tanzanienne qui gère un centre de santé au Royaume-Uni, passe par cette émotion à chaque fois qu'elle apprend qu'un immigré a été pris pour cible dans les émeutes qui secouent le pays.

Elle craint non seulement pour sa sécurité, mais aussi pour les nombreux travailleurs de la santé immigrés qu'elle emploie.

"Je pense que l'effet que nous ressentons est un sentiment d'inquiétude", explique Bilkis à TRT Afrika.

"Bien que mon personnel et moi-même n'ayons pas été confrontés aux manifestants, le fait de voir ce qui se passe dans tout le pays est comme une attente déconcertante que quelque chose de grave se produise".

Ces émeutes structurées ont débuté il y a plus d'une semaine, après que des groupes d'extrême droite à l'origine de la campagne anti-immigrés ont été apparemment déclenchés par ce qui s'est avéré être une rumeur sur l'identité du coupable qui a poignardé à mort trois fillettes à Southport, dans le nord de l'Angleterre, le 29 juillet dernier.

Depuis lors, les émeutes se sont poursuivies sans relâche dans les villes d'Angleterre, les immigrés africains et asiatiques ayant été attaqués à plusieurs reprises en dépit de l'avertissement des autorités selon lequel les auteurs de violences racistes seraient traduits en justice.

Dans certains endroits comme Belfast, en Irlande du Nord, des émeutiers d'extrême droite ont scandé des slogans islamophobes et des commerces locaux ont également été attaqués.

Des policiers opèrent à l'extérieur d'un hôtel lors d'une manifestation anti-immigration à Rotherham, le 4 août 2024. Photo : Reuters

Soudain, un pays vers lequel un nombre important d'Africains émigrent est devenu dangereux pour eux. Tout n'était pourtant pas rose avant cette crise.

Les Africains et les Asiatiques ont longtemps dû faire face aux accusations des partisans anti-immigration au Royaume-Uni, qui les accusaient de prendre le emplois des nationaux.

Attendre le bon moment

Compte tenu de la situation, la promesse du gouvernement de renforcer la sécurité n'a pas encore convaincu une grande partie des Africains qui vivent et travaillent au Royaume-Uni que la tempête se dissipera bientôt.

Depuis le 5 août, des émeutiers ont affronté la police à plusieurs reprises à Belfast, Darlington et Plymouth.

"Il semblerait que le Royaume-Uni soit un endroit sûr, avec des policiers présents dans tous les coins du pays, mais les choses vont plutôt mal en ce moment", constate Bilkis.

Elle a fait suivre à ses employés une série de mesures préventives, leur faisant prendre conscience de leur vulnérabilité et de la manière de réagir à ce qui se passe autour d'eux.

"Nous leur avons appris à ne pas sortir seuls la nuit, surtout après le travail, et à toujours avoir leur carte d'identité sur eux. Certains de nos employés travaillent de nuit et doivent être très vigilants", explique Bilkis.

Les Africains qui émigrent au Royaume-Uni travaillent dans différents secteurs, certains sont étudiants. Photo/Reuters

Le Dr Ishaka Shittu Almustapha, conférencier nigérian au Royaume-Uni, a déclaré que la seule option pour les immigrants était de faire profil bas et d'attendre que la tempête passe.

"Nous faisons tout ce que nous pouvons pour inciter nos concitoyens à limiter leurs déplacements. Les imams envoient le même message : les gens doivent être prudents et ne pas emmener les enfants et les femmes à la mosquée pour l'instant", raconte -t-il à TRT Afrika.

Un autre Nigérian vivant à Londres, le Dr Shamsuddeen Hassan Muhammad, se sent en sécurité dans la plus grande ville du Royaume-Uni, mais reste sur ses gardes.

"Nous restons la plupart du temps à l'intérieur, car c'est la période des vacances et les enfants ne sont pas à l'école. Nous limitons nos sorties aux activités essentielles et ne sortons de chez nous que pour la prière. Cela nous permet d'assurer la sécurité de notre famille en cette période difficile", affirme -t-il.

Avertissement aux voyageurs

Le Nigeria, l'une des nations africaines ayant la plus forte communauté au Royaume-Uni, a émis un avertissement de voyage à l'intention de ses citoyens, alors que la violence s'est étendue à de nouvelles zones après la première vague d'émeutes dans le nord de l'Angleterre.

"La violence a pris des allures dangereuses, comme en témoignent les attaques signalées contre les forces de l'ordre et les dommages causés aux infrastructures", peut-on lire dans une déclaration signée par le porte-parole du ministère nigérian des affaires étrangères, l'ambassadeur Eche Abu-Obu.

Le haut-commissariat nigérian au Royaume-Uni a depuis lors publié une autre déclaration, assurant les immigrants qu'ils seraient officiellement tenus informés de l'évolution de la situation.

Le haut-commissariat du Kenya a lui aussi invité tous les ressortissants de ce pays d'Afrique de l'Est vivant au Royaume-Uni et en Irlande du Nord à faire preuve de prudence et à s'enregistrer auprès de la mission diplomatique par l'intermédiaire de ses sites web.

Alors que les émeutes d'extrême droite se propagent au Royaume-Uni, des milliers de manifestants antiracistes sont également descendus dans les rues de plusieurs villes anglaises pour s'opposer aux violentes manifestations d'extrême droite.

Mercredi, des manifestants se sont rassemblés dans le quartier de Walthamstow, au nord de Londres, et des rassemblements similaires ont eu lieu à Birmingham, Bristol et Liverpool, où ils ont promis de s'opposer aux émeutiers d'extrême droite.

TRT Afrika