Par Mamadou Dian Barry
L’année 2023 s’inscrit dans les annales de l’histoire comme celle de la fin du mythe des missions onusiennes, gardiennes de la Paix sur le continent africain. Chassés du Mali, décriés en RDC où les dernières manifestations anti Monusco se sont souvent soldées par des morts civils, les casques bleus ne semblent plus être les bienvenus en Afrique.
L’année 2023 a été d’autant plus difficile pour ces deux missions - les plus importantes de l’ONU - qu’elles se sont résolues à sortir par la petite porte.
La page de la Minusma tournée
La Mission multidimensionnelle des Nations-Unis pour la Paix au Mali (Minusma) vient de mettre les clés sous le paillasson. Ses 11 600 soldats et 1 500 policiers ont quitté Bamako le 11 décembre, tournant définitivement la page d’une présence de 10 ans au Mali où elle s’était déployée pour lutter contre le terrorisme.
Ce retrait précipité s’est fait sur la demande de Bamako. En juin dernier, contre toute attente, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a exigé le départ de la Minusma du Mali devant le Conseil de sécurité de l’Onu, lui donnant jusqu’à fin décembre 2023 pour s’exécuter.
Galvanisé par une société civile intransigeante, Bamako est resté droit dans ses bottes malgré les protestations de certains états occidentaux dont les Etats-Unis. Washington avait alors dénoncé une décision dictée par les paramilitaires russes de Wagner, devenus alliés du Mali dans sa lutte antiterroriste.
La Minusma sera suivie par la Monusco. Entre la plus importante mission de l’ONU (pas moins de 15 000 hommes) et la RDC, le divorce semble consommé. Mardi 19 décembre, les Nations unies ont lancé le retrait anticipé et "progressif" des Casques bleus du Congo à partir de fin 2023, comme réclamé par le gouvernement congolais.
Cette annonce intervient à deux jours des élections générales cruciales pour le pays, malgré ses inquiétudes sur les violences dans l'est.
Kinshasa veut un "retrait accélérée"
Les élections du 20 décembre coïncident avec l'expiration du mandat annuel de la mission de maintien de la paix de l'ONU (Monusco).
Le Conseil de sécurité, dans une résolution adoptée à l'unanimité, a souligné son "inquiétude concernant l'escalade de la violence" dans l'est et "les tensions entre le Rwanda et la RDC".
Malgré cette situation, le gouvernement congolais réclame depuis des mois un retrait "accéléré" des Casques bleus, à partir de fin 2023 et non fin 2024.
Il juge la force onusienne inefficace pour protéger les civils face aux groupes armés et milices qui sévissent depuis trois décennies dans l'est de la RDC.
Le 22 novembre dernier, lors de la signature d’un plan de retrait de la Monusco en présence de sa cheffe Bintou Keita, le vice-Premier ministre congolais, ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, a déclaré que la collaboration "a montré ses limites, dans un contexte de guerre permanente, sans que la paix tant attendue ne soit rétablie dans l’est du Congo"
Une déclaration qui rappelle celle du Mali, notamment, qui a imposé le départ dans l'urgence de la mission de la Minusma.
Plusieurs membres du Conseil, notamment les Etats-Unis, ont émis des doutes ces derniers mois sur le fait que les forces congolaises soient prêtes à remplacer la Monusco pour assurer la sécurité de la population.
"Les membres de ce Conseil suivront les choses de près, au moment où le gouvernement de RDC veut assumer la pleine responsabilité de la protection des civils avec le retrait de la Monusco", a souligné mardi l'ambassadeur américain adjoint Robert Wood.
Mais les missions onusiennes ne pouvant opérer sans autorisation du pays hôte, la RDC veut elle aussi forcer la main du Conseil de sécurité.
La force de maintien de la paix de l'ONU (Monuc, puis Monusco) est présente dans le pays depuis 1999.
Le catalyseur
Le départ de la force française Barkhane du Mali, suite à l’exigence du gouvernement de transition, a été le catalyseur. Les troupes françaises ont été chassé du territoire malien après neuf ans de présence sur le sol malien pour aider Bamako à faire face aux insurgés.
Le Mali a décidé de se débarrasser d’un partenaire aux agissements très ambigües à son goût : à la fois allié des forces armées maliennes et protecteur de mouvements armés hostiles dont les séparatistes touareg du MNLA (Mouvement de libération de l’Azawad) qui s’était emparé de Kidal, plus grande ville du Nord, également bastion de groupes terroristes tels que Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi).
En août 2022, les troupes françaises ont été contraintes de partir sur la pointe des pieds, sans tambours ni trompettes, du sol malien, entrainant de facto la fin de mission de ses alliés de la mission Takuba.
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Ils seront suivis, quelques semaines après, par les forces spéciales françaises stationnées au Burkina Faso, suite à des manifestations contre leur présence dans la foulée du coup d’Etat du capitaine Traoré contre le lieutnant-colonel Damiba, arrivé lui-même par un coup de force quelques mois plutôt.
Les soldats français rejoignent alors les bases de Barkhane au Niger pour une courte durée car en juin 2023, la garde présidentielle emmenée par le général Abdourahmane Tiani, a mis fin au règne de Mohamed Bazoum, deux années seulement après son élection. Les putschistes, réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), mettent en place un gouvernement de transition composé de militaires et de civils.
Après les séries de sanctions imposées par la France et plusieurs Etats occidentaux, alliés du régime déchu, le CNSP dénonce alors les accords de défense liant Paris et Niamey, et exige le départ des forces françaises du Niger. Celles-ci devraient achever leur retrait du pays avant la fin de l’année 2023, conformément à l’accord conclu avec le régime militaire.
Emergence de nouveaux partenaires
Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, désormais dirigés par des militaires ont mis fin à la plupart des accords stratégiques notamment dans le secteur de la défense avec l’ex-puissance coloniale, les jugeant peu favorables à leurs intérêts nationaux.
Réunis désormais au sein d’une alliance, l’Alliance des Etats du Sahel (AES), ils ont claqué à tour de rôle la porte du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), un organe créé sous l’égide la France visant à lutter contre le terrorisme dans cette bande de terre qui s’étend de la Mauritanie à Djibouti.
Ils se sont tournés désormais vers de nouveaux partenaires, moins paternalistes à leur goût, qui proposent de nouvelles formes de coopération que ces nations africaines estiment plus à même de répondre aux aspirations de leurs peuples à plus de sécurité et de souveraineté.
Ces pays ont conclu des accords dans plusieurs domaines notamment celui de la défense avec de nouvelles puissances telles que la Russie, la Turquie et la Chine.
Selon M. Githua, expert en relations internationales, un pays comme la Turquie jouit d'un accueil chaleureux en Afrique car "contrairement à de nombreux autres pays occidentaux, elle ne s'immisce jamais dans la politique intérieure des nations africaines".
"Ils (les Turcs) ne vous diront pas qui élire à la tête du gouvernement, ni comment vivre. Tout ce qui l'intéresse, c'est de faire des affaires avec vous et d'assurer votre bien-être général", explique-t-il à TRT Afrika.