La Grande Muraille Verte est conçue pour transformer les paysages arides en ceintures vertes et luxuriantes, Photo : ANGMV

Par Firmain Eric Mbadinga

La Grande Muraille Verte est le rempart de l'Afrique contre la désertification, traversant le cœur du Sahel pour transformer les paysages arides en ceintures vertes luxuriantes et pleines de vie.

En tant qu'approche intégrée de la restauration des écosystèmes, c'est aussi un mouvement qui unit les communautés pour favoriser la durabilité et la résilience face au changement climatique.

Chaque jeune arbre planté dans le cadre de la muraille verte devient plus qu'un simple arbre - c'est, comme l'indique le site web https://thegreatgreenwall.org, un rêve épique.

La Grande Muraille Verte aspire à devenir la plus grande structure vivante de la planète, trois fois plus grande que la Grande Barrière de Corail d'Australie.

Près de 40 ans après que Thomas Sankara, premier président du Burkina Faso, a évoqué la nécessité d'arrêter l'avancée inexorable du Sahara, une initiative de l'ancien président sénégalais Abdoulaye Wade a permis de relancer le projet en 2007.

Le projet de la Grande Muraille Verte a pris de l'ampleur dans les années qui ont suivi, avec des politiques et des actions de reboisement menées par les États sahélo-sahariens qui ont pris racine sur le continent.

Au cœur de cette collaboration des Etats de la région du Sahel se trouve l'Agence panafricaine de la Grande Muraille Verte, dont la création, le 17 juin 2010, a marqué le début de la phase opérationnelle du projet.

La Grande Muraille Verte aspire à devenir la plus grande structure vivante de la planète. Photo : ANGMV

Focus sur le point zéro

Au Tchad, l'un des 11 pays africains sélectionnés comme zones d'intervention pour la Grande Muraille Verte, le projet se concentre sur la mobilisation des communautés pour planter autant d'arbres que possible afin de contrer l'avancée du désert sur un tronçon de plus de 2 300 km.

Les efforts du Tchad s'inscrivent dans le cadre d'un plan plus vaste visant à établir une barrière végétale d'au moins 7 000 km et de 15 km de large le long du Sahel.

L'objectif est de couvrir 100 millions d'hectares de végétation, de Dakar à l'ouest du continent jusqu'à Djibouti à l'est. Le mur devrait être achevé en 2030.

L'Agence Nationale De La Grande Muraille Verte (ANGMV), créée en 2012, est chargée de la mise en œuvre du projet de la Grande Muraille Verte du Tchad.

"Depuis sa création, l'ANGMV a contribué à la restauration de plus de 36 000 hectares de terres, à la création de milliers d'emplois verts, à la production de deux millions de plants à travers 12 grandes pépinières, et au creusement de 76 forages", explique à TRT Afrika le directeur général de l'agence, Kodou Choukou Tidjani.

L'ANGMV a également formé les communautés locales aux pratiques de gestion durable des terres et a établi des partenariats essentiels avec des organisations régionales et internationales.

Nahadja Basile, secrétaire général du département de Dar-Tama dans la province de Wadi Fira, reconnaît l'impact de l'action de l'ANGMV dans le nord-est du pays, notamment dans sa circonscription de 180 000 habitants.

"J'ai pu constater de visu les actions de l'agence dans les camps de réfugiés de Koungou et de Mile. Entre juin et septembre, 250 personnes ont été recrutées. L'ANGMV ne cesse de renforcer ses équipes et de redonner de la verdure à des terres devenues arides", explique-t-il.

L'ANGMV a contribué à la restauration de plus de 36 000 hectares de terres. Photo de l'ANGMV

Dans le cadre du projet Albiä financé par la Banque mondiale, l'ANGMV intensifie ses activités de reboisement dans la région grâce au financement de partenaires tels que le Programme des Nations unies pour le développement, le Programme alimentaire mondial, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture et d'autres bailleurs de fonds. Le gouvernement tchadien contribue également au programme.

"À ce jour, au moins 130 000 plants ont été mis en terre. Les groupes communautaires sont formés à la culture de plantes fourragères ou de plantes appréciées par le bétail", dit Basile à TRT Afrika.

Des équipements spécialisés sont utilisés pour fertiliser les terres arides, y compris les sols les plus difficiles.

La communauté au cœur du projet

Une grande partie du succès obtenu jusqu'à présent est due à des bénévoles comme Brahim Ali, un passionné de la nature et un gardien de l'environnement. Au cours des cinq dernières années, il a participé à toutes les initiatives de reboisement prises par l'agence dans sa région natale du Kanem.

"J'ai contacté l'agence nationale lors d'une campagne de sensibilisation organisée dans ma région. Après plusieurs réunions et formations sur le reboisement et la gestion durable des terres, j'ai décidé de m'impliquer en tant que volontaire dans ce vaste projet de reboisement", se souvient-il.

En plus de soutenir les volontaires comme Brahim Ali par des formations, l'ANGMV fournit des semences, des outils et d'autres infrastructures nécessaires, telles que des pépinières, pour faciliter le travail sur le terrain.

Tidjani estime que la réalisation d'objectifs limités dans le temps et un effort soutenu sont essentiels à la réussite de la mission.

"Cette année, l'ANGMV a prévu des actions spécifiques telles que l'extension de la régénération naturelle assistée, les programmes de reboisement autour des camps de réfugiés et la sensibilisation au changement climatique. Un volet spécifique sur les partenariats avec les communautés pour la gestion durable des sites est également à l'ordre du jour", détaille -t-il à TRT Afrika.

Un pas après l'autre

Le calendrier fixé par les Nations unies pour l'achèvement de la Grande Muraille verte peut sembler ambitieux, mais les personnes impliquées dans le projet savent qu'elles sont sur la bonne voie pour atteindre l'objectif.

Une fois achevée, la muraille permettra non seulement de freiner l'avancée du désert, mais aussi de créer un système de capture et de stockage de 250 millions de tonnes de CO2, luttant ainsi contre le réchauffement de la planète.

Brahim Ali souligne que les populations locales doivent être impliquées et pleinement engagées dans le projet au Tchad et dans tous les autres pays. "Elles doivent être sensibilisées et formées à l'importance de la reforestation tout en intégrant des pratiques de gestion durable des ressources naturelles", explique-t-il.

Selon les experts, davantage de programmes éducatifs et d'incitations économiques, telles que la promotion de l'agroforesterie, pourraient encourager une plus grande participation.

"Il est également important de surveiller et d'entretenir les plantations. Planter des arbres n'est que la première étape. Notre succès dépend en grande partie du suivi et de l'entretien", explique Brahim Ali à TRT Afrika.

La promotion de l'agroforesterie pourrait favoriser une plus grande participation. Photo de l'ANGMV

Ces idées s'alignent sur les recommandations stratégiques formulées par diverses institutions internationales et ont déjà été appliquées par certains des États travaillant sur la Grande Muraille verte.

Une étude réalisée en 2020 par l'ONG Transparency International a révélé que l'Éthiopie était en tête pour ce qui est de la réalisation des objectifs. Au Tchad, les responsables du projet rappellent qu'il s'agit d'un marathon et non d'un sprint.

"Pour garantir des résultats de qualité à la fin du projet, l'ANGMV sélectionne soigneusement chaque arbre à planter", affirme Tidjani.

"Nous privilégions les espèces locales telles que la maralfalfa, le moringa, l'acacia et le baobab, qui se sont toutes adaptées aux conditions climatiques de la région et sont bénéfiques pour le sol et les communautés locales. Ces plantes sont choisies pour leur résistance à la sécheresse, leur capacité à améliorer la fertilité des sols et à fournir des produits forestiers non ligneux."

TRT Afrika