Par Jean-Rovys Dabany
Répertoriés en danger critique de disparition par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les éléphants de forêts n’étaient que 62 000 dans les années 2010.
Cette hausse est le résultat d’une politique de préservation menée par le gouvernement depuis l’interdiction de la grande chasse, en 1981, explique une source locale du WWF, une ONG internationale de préservation de l’environnement. Cette politique s’est intensifiée à partir de 2002 avec la création de treize parcs nationaux, dans lesquels l’éléphant vit librement au plus grand regret des autochtones voisins.
Mais la cohabitation entre les villageois et les éléphants est très houleuse en raison des ravages des plantations par les éléphants entraînant de facto un conflit entre les paysans et les pachydermes.
"Le problème est réel. Mais cela a été négligé pendant longtemps", confesse une source au ministère des eaux et forêts.
"Les éléphants voteront Ali Bongo"
A plusieurs reprises, les villageois ont tiré la sonnette d’alarme. En vain. Les populations sont devenues très vulnérables depuis que les éléphants ont commencé à envahir leurs champs. Face à cette situation, le gouvernement avait proposé d’abattre trois éléphants par mois pour réduire leur nombre. Une solution qui a montré ses limites face à l’augmentation rapide de la population de pachydermes.
D’après le ministère gabonais des Eaux et forêts, entre 2016 et 2023, plus de 11 959 plaintes écrites relatives à la destruction des cultures vivrières par des éléphants ont été enregistrés dans le pays.
Le phénomène inquiète dans la région de Mekambo, dans le nord-ouest, ainsi que dans la localité de Cocobeach près de Libreville où une dizaine de personnes ont trouvé la mort après des attaques d’éléphants.
En mars dernier, les villageois de Mekambo ont marché pour attirer l’attention des autorités, avec des pancartes sur lesquelles écrits « Les éléphants voteront Ali Bongo à la présidentielle », prévue en septembre prochaine. Une action qui avait obligé le gouvernement à organiser des assises nationales sur la question un mois après et à l’issue desquelles, une panoplie des recommandations ont été faites pour soulager la souffrance des paysans.
Les villageois exigeaient des indemnisations et les battues administratives pour diminuer la surpopulation des éléphants.
"Le conflit Homme-Faune et tout particulièrement Homme-Eléphant constituent une problématique technique, sociale et économique car ils mettent à mal la sécurité physique et alimentaire ainsi que la paix sociale des populations rurales dans une grande partie du territoire national », avait reconnu Lee White, le ministre des eaux et forêts lors de ces assises. L’objectif étant d’essayer de trouver des solutions efficientes et pragmatiques aux ravages provoqués par ces pachydermes sans oublier les pertes en vies humaines.
"Au début, le sentiment général était la défiance. Plus aujourd'hui, car nous faisons comprendre aux populations le bien-fondé de nos actions’’, explique pour sa part Patrick Evozo, conservateur du parc national de la Pongara interrogé sur le sujet.
Indemniser les populations
Face à cette situation, le gouvernement a créé un fonds destiné à dédommager les paysans qui subissent les pertes agricoles causées par les éléphants et à prendre en charge les victimes d’agressions physiques par des animaux. 4 milliards de FCFA destinés à 13 000 victimes ont été débloqués, d’après la présidence gabonaise.
Pour renverser la tendance, l’ONG Space for Giants Gabon, a déployé 29 nouvelles clôtures électriques mobiles à proximité des villages où sévissent les éléphants afin d’atténuer les risques de ravages dans trois provinces du pays où le phénomène est grandissant ces dix dernières années.
Le Gabon fait de la protection de sa biodiversité une priorité et se présente comme le bon élève d'une région tourmentée par des guerres, les destructions de l'habitat forestier de certaines espèces et le trafic de viande de brousse.
Pour protéger ses espèces emblématiques comme l'éléphant, le gorille, le chimpanzé ou la panthère, le Gabon a déployé en 2002 un réseau de 13 parcs nationaux qui couvrent aujourd'hui 11% du territoire.
Il a aussi créé, en 2017, 20 aires marines protégées, sur plus de 53.000 km2, soit la plus grande réserve d’Afrique qui protège 27% des eaux territoriales gabonaises.