En juin 2021, pour la première fois de l’histoire, un pays africain a été payé pour ses efforts contre la déforestation. Recouverts à 88% de forêt, le Gabon a obtenu 17 millions de dollars de l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale (CAFI), un programme soutenu par l’ONU, pour sa contribution à l'absorption du CO2 dans le monde grâce à ses programmes de préservation de sa forêt.
C’est grâce à sa performance que la capitale gabonaise a d’ailleurs été choisie pour accueillir les assises de la “Semaine africaine du Climat” qui s’est déroulée du 29 août au 2 septembre. Les travaux ont permis d’initier des concertations entre sociétés civiles et dirigeants pour définir la position des États africains avant la COP27 de novembre.
Opportunité économique de 2 milliards de dollars
Le Gabon, salué unanimement pour son combat exemplaire pour préserver sa biodiversité et lutter contre le réchauffement climatique, est un des rares pays dans le monde dont l’économie affiche un bilan carbone négatif. Le pays absorbe 140 millions de tonnes de carbone de l’atmosphère alors qu’il en émet que 40 millions de tonnes.
Et pour le gouvernement gabonais, la préservation de la biodiversité a un coût que doivent assumer les plus grands pollueurs et responsables du réchauffement climatique. Grâce à son bilan carbone négatif, le deuxième poumon du monde veut être récompensé pour son succès en matière de défense et de préservation de la nature plutôt que de l’avoir exploitée pour le bois et la plantation d’huile de palme, le cas d’un certain nombre de pays africains.
Lee White, spécialiste de l’écologie et ministre gabonais de l’Environnement, des Eaux, des Forêts et de la Mer a déclaré que son pays voulait “exploiter ses forêts de manière durable pour générer des revenus”.
Crédits carbones
Rendus possibles par le mécanisme “Réduction des Émissions dues à la Déforestation et à la Dégradation forestière” de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques, les crédits carbones représentent une opportunité importante pour le Gabon. Ce marché qui est réservé aux pays et aux entreprises, pourrait permettre de tirer des revenus plus importants qu’en exploitant la forêt pour l’agriculture.
En Europe, les pays doivent respecter un quota maximum d’émissions de CO2, par exemple, en 2020 en France ce quota était limité à 450 millions de tonnes. Si un pays ou une entreprise émet plus que le quota autorisé, il doit en acheter pour compenser son quota. Une usine en France pourrait par exemple compenser ses émissions de carbone en achetant des crédits de carbone du Gabon.
Libreville veut créer 187 millions de crédits carbones (un crédit carbone équivaut à une tonne de CO2) et prévoit d’en vendre la moitié pour générer 2 milliards de dollars.
Le pays finalise également une loi sur la gestion des recettes issues de la vente des crédits-carbone. Il est prévu que 35% des revenus soient réinvestis dans la protection des forêts et le développement durable, 15% aux communautés rurales et 50% au service de la dette et au soutien budgétaire.
Si des critiques émanent quant à l’éthique du marché, pour White, ce marché est indispensable pour sauver les forêts tropicales.
Biodiversité marine
Pour atteindre ses objectifs fixés dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, le gouvernement a mis sur pied plusieurs initiatives dont la forestation, les protections maritimes et des espèces fauniques, ainsi que différents plans d’action.
En créant la plus grande réserve océanique de l’Afrique, Libreville protège sa biodiversité marine et instaure en partie la mise en œuvre d’une pêche durable. Ce réseau composé de 20 parcs marins et réserves aquatiques protège 26 % des eaux territoriales du Gabon et s'étend sur 53 000 kilomètres carrés. Les pêcheurs n’ont plus le droit d’utiliser des techniques de pêche non-durables et certaines zones ont été interdites à la pêche.
Si les scientifiques ne prétendent pas que les zones marines protégées permettent aux habitats marins de résister au changement climatique, ils soutiennent que des habitats en meilleure santé les rendent plus résistants contre les changements néfastes. Il est par exemple impossible de préserver les récifs coralliens de la hausse des températures mais la protection des récifs contre la surpêche et la pollution peut réduire la sensibilité des coraux au réchauffement océanique et favoriser leur rétablissement.
Par exemple, plus de 90% du récif de la zone marine protégée de l'archipel des Chagos avait disparu à cause du phénomène de blanchissement en 1998, mais en 2010 le récif qui a été mis sous protection s’est rétabli.
Protection forestière et lutte contre braconnage
Le gouvernement a créé 13 parcs nationaux, couvrant près de 11 % du territoire national pour maintenir la couverture forestière du pays en bonne santé. Une des autres priorités du pays est la préservation des espèces animales menacées d’extinction.
Si le déploiement des 13 parcs permet en partie la protection des animaux dont l'éléphant, le gorille, le chimpanzé ou la panthère, des brigades traquent les braconniers dans plusieurs endroits de la forêt. Les effets sont observables : alors que la population des éléphants de forêt a chuté de 86% dans le monde en 30 ans, elle a doublé en 10 ans au Gabon.
Si les populations sont souvent sensibilisées aux restrictions à la chasse, la cohabitation entre les hommes et les animaux protégés n’est pas encore établie, notamment auprès des habitants vivant essentiellement de l’agriculture et de la chasse.
Certains dénoncent l’impact des animaux sur leurs plantations. Des animaux, notamment les éléphants, ravagent les cultures vivrières et les habitants n’ont pas le droit d’intervenir sur l’animal. Les animaux détruisant les champs, les habitants contestent de ne pas pouvoir défendre leur source de nourriture.
Mais avant tout, le pays sensibilise la population aux questions climatiques. Des réunions de sensibilisation sont organisées pour expliquer l'intérêt de protéger faune et flore, l’importance de la préservation des services écosystémiques et leur impact sur leurs moyens de subsistance et leur avenir.