Par Jean-Rovys DABANY
TRT Afrika - Libreville, Gabon
Dans son restaurant situé près du boulevard triomphal, Dorine n’a pas le choix : elle a besoin de lumière pour éclairer son restaurant. Alors, la jeune femme a investi dans des lampes solaires. Car lorsque l’électricité est coupée dans son quartier Cocotier, elle se retrouve non seulement dans les ténèbres, mais c’est aussi une perte pour son commerce.
"Depuis que j’ai acheté les lampes solaires, pour le rapport qualité/prix, c’est formidable. J’ai ma facture de courant que je recevais qui est passée à moins de 50%. Et je travaille sans interruption", explique Dorine à TRT Afrika.
Cette femme de 37 ans vit avec ses deux enfants dans de l’un des bidonvilles de Libreville où l’insécurité règne et où l’électricité est rare.
"C'est pourquoi nous avons installé quelques ampoules solaires, pour qu’il y ait de la lumière autour de nous et que nous soyons plus en sécurité", dit-elle.
La fréquence des délestages électriques dans les villes du pays, le déficit d’énergie provoquent plusieurs coupures par jour. Dans les rues comme dans les boutiques, les lampes solaires sont devenues omniprésentes et se vendent entre 6 000 et 15 000 FCFA.
"Il y a une grosse demande. Les stocks s’épuisent au bout de quelques jours. Les gens ont de plus en plus recours aux lampes solaires", explique Serge Azzi, revendeur des lampes solaires.
L’énergie solaire reste une lueur dans les nuits gabonaises, et d’autres villes du pays s’y sont mises. Des kits solaires importés d’Asie changent la vie des communautés rurales.
À plus de 240Km de Libreville, dans la ville de Lambaréné (centre-ouest), Jérémie et son équipe sont venus installer des panneaux solaires. Leur nouveau client : un complexe hôtelier, construit sur le bord du fleuve Ogooué, était jusqu’ici alimenté au kérosène.
Grâce à des boîtiers auxquels seront reliés des accumulateurs lithium alimentés par des panneaux solaires posés sur le toit de l’hôtel, il sera désormais possible de faire marcher une télévision plasma de 52 pouces, congélateurs et même un climatiseur de deux chevaux.
Toute la journée, les panneaux solaires emmagasinent de l’énergie pour produire la nuit tombée, de la lumière. De la lumière pour le progrès. De la lumière pour l’avenir. De la lumière pour cuisiner de nuit comme de jour.
"C’est une vraie révolution pour nous. Je peux désormais cuisiner à n’importe quel moment de la journée ou de la nuit", se réjouit Chef Sipio, du complexe hôtelier Gavilo Village.
Cette idée d’innover vient de Felix Ambourouet, le patron de l’hôtel. En pleine campagne, rares sont ceux qui, comme lui, tentent de conquérir le marché du solaire.
Car les coûts et les distances sont trop élevés. Pourtant, cela n’a pas découragé ce comptable à la retraite de se tourner vers ces petits panneaux qui changent désormais tout et lui épargnent surtout de dépenser de l’argent en kérosène.
"Le groupe électrogène nous revenait cher parce qu’en terme de kérosène pour faire fonctionner cette machine, il y a beaucoup de litres. Et nous avons pensé qu’avec l’énergie solaire, même si l’installation est lourd au départ, nous voyons aujourd’hui qu’en utilisant l’énergie solaire, nous avons moins de charges du côté de la consommation du kérosène", explique-t-il.
L’installation des panneaux solaires dans les zones rurales, la start-up Eco Gabon en a fait son cheval de bataille avec comme objectif : favoriser une production écologique et responsable de l’électricité.
En plus d’être une énergie décarbonée transmise directement par le soleil.
Elle se présente comme une alternative aux infrastructures traditionnelles.
"Nous sommes une entreprise qui vise à aider tous les clients à rendre leurs maisons autonomes avec les énergies renouvelables. Pas seulement l’énergie solaire parce qu’Eco Gabon ne fait pas que l’énergie solaire mais tout ce qui est énergies renouvelables en utilisant toutes les ressources naturelles dont possède notre pays qui est le Gabon afin de produire de l’énergie efficace qui peut combler les besoins énergétiques de nos clients", souligne Jérémie Yemba, fondateur d’Eco Gabon.
L’idée de court-circuiter les réseaux électriques traditionnelles n’est pas nouvelle en Afrique.
Au Gabon, les centrales thermiques alimentées au gaz ne suffisent plus à répondre à la demande croissante en électricité.
Environ 40% de l’énergie électrique distribuée dans le pays provient des centrales hydroélectriques et gazières. Insuffisantes d’après les experts pour couvrir les besoins nationaux. Cette crise énergétique pousse des nombreux ménages à recourir aux énergies renouvelables pour s’éclairer.
"Avant que nous n’arrivions, le client avait un groupe électrogène d’une puissance de 80 KVA et était justement soumis à beaucoup de dépenses pour l’achat du carburant et de la maintenance. Vous voyez bien que nous sommes sur un site qui est assez reculé donc pour déplacer un technicien à chaque fois pour la maintenance du groupe électrogène, ça lui revenait plus cher. C’est pourquoi, il a opté pour les solutions des énergies renouvelables, telle que l’énergie solaire afin de permettre à ce site d’être éclairé jour et jour à travers les panneaux solaires", dit Jérémie à TRT Afrika.
Le Gabon, pays côtier du centre de l’Afrique, bénéficie de 2080 heures d’ensoleillement par an, soit un peu plus de 68 heures d’ensoleillement par mois. Un véritable atout pour le marché au Gabon. Des ingénieurs comme Lucas Moukoumbi Boussamba estime que le marché du soleil est véritable atout pour le pays.
"Le Gabon est un terrain propice pour l’énergie solaire et cela à bien des niveaux, notamment sa localisation géographique car vous n’êtes pas sans savoir que le Gabon est situé sur la ligne équatoriale et en plus sous les tropiques, ce qui en fait un pays doublement baigné par le soleil. Nous sommes naturellement ensoleillés et ce, à très grande échelle. Il serait très avantageux pour le Gabon que de se doter de très grandes installations solaire", explique Lucas Moukoumbi Boussamba, assistant technique à Eco Gabon.
L’accès universel à l’énergie moderne, c’est l’un des objectifs de développement durable pour les pays les moins avancés.
Au Gabon, les sources énergétiques sont essentiellement hydro-électriques et géothermiques. Leurs coûts élevés se répercutent sur les factures mensuelles des consommateurs. Certains Gabonais estiment qu’à terme les panneaux solaires réduisent de près de moitié les coûts de l’électricité.