Par Sylvia Chebet
Un grondement se fait entendre dans la jungle, lourd de conséquences pour l'humanité.
Le rapport Planète vivante 2024 du WWF International indique qu'en 50 ans, jusqu'en 2020, les populations d'espèces sauvages surveillées dans le monde ont diminué en moyenne de près de trois quarts.
L'indice Planète vivante, considéré comme une mesure de l'état de la diversité biologique mondiale basée sur les tendances démographiques des espèces vertébrées des habitats terrestres, d'eau douce et marins, évalue le déclin en Afrique à 76 %.
C'est en Amérique latine et dans les Caraïbes que le déclin a été le plus rapide (95 %), tandis que l'Amérique du Nord a enregistré un déclin moyen de 39 %. L'Europe et l'Asie centrale ont enregistré un recul moyen de 35 %.
« Ces chiffres sont alarmants pour tous ceux qui se préoccupent de l'état de notre monde naturel », note Kirsten Schuijt, directrice générale du WWF International, dans le rapport.
Les experts attribuent cette tendance à la perte d'habitat, à la surexploitation et à la pollution. La prolifération d'espèces envahissantes, les maladies et le changement climatique constituent d'autres menaces.
Schuijt estime que ce déclin est « un indicateur de la pression incessante exercée par la double crise du climat et de la perte de la nature, ainsi que de la menace d'effondrement du système de régulation naturelle qui sous-tend notre planète vivante ».
Les populations d'eau douce ont subi le plus fort déclin (85 %), suivies par les écosystèmes terrestres (69 %) et marins (56 %).
Selon les experts, cette situation reflète les pressions croissantes exercées sur les rivières, les lacs, les océans et les zones humides par le pâturage excessif, la pêche, l'utilisation des terres, la déforestation, la pollution et le captage d'eau.
Les poissons d'eau douce, par exemple, sont souvent menacés par des barrages et d'autres modifications de leur habitat, qui bloquent tous leurs voies de migration.
La production alimentaire est la principale cause de perte d'habitat, représentant 70 % de l'utilisation de l'eau et responsable de plus d'un quart des émissions de gaz à effet de serre. Ces dernières contribuent au réchauffement rapide de la planète.
Le rapport du WWF avertit que la dégradation des écosystèmes pourrait faire franchir au continent des seuils critiques si des plans de rétablissement et d'action ciblés ne sont pas mis en œuvre d'urgence.
Selon le rapport, ce qui se passera dans les cinq prochaines années déterminera l'avenir de la vie sur Terre. Alors, le monde est-il en train de sombrer dans la sinistrose ?
"Le temps presse, mais nous n'avons pas encore franchi le point de non-retour", rassure Schuijt.
"Le pouvoir et l'opportunité de changer la trajectoire sont entre nos mains."
Modèle africain
Le Kenya est considéré comme un phare dans les efforts de conservation après avoir franchi plusieurs étapes, prouvant que la cohérence et les interventions concertées permettent de sauver les espèces de l'extinction et d'assurer leur prospérité.
Face au déclin des populations mondiales d'animaux sauvages, le pays d'Afrique de l'Est a rétabli le nombre décroissant d'espèces prioritaires telles que le lion d'Afrique, l'éléphant et le rhinocéros noir.
D'intenses efforts de conservation ont permis de stabiliser la situation et d'augmenter les effectifs de ces trois espèces.
"Le rétablissement du rhinocéros noir au Kenya, qui est passé de 400 individus dans les années 1980 à 1 004 en 2023, est une étape importante pour cette espèce gravement menacée", explique Jackson Kiplagat, responsable des programmes de conservation au WWF-Kenya, à TRT Afrika.
Le Kenya a défini des objectifs ambitieux dans ses stratégies et plans d'action nationaux en matière de biodiversité afin de garantir la restauration des écosystèmes et l'utilisation durable de la diversité biologique.
"Le Kenya est en première ligne pour apporter des contributions significatives à la lutte contre le changement climatique et à la restauration de la nature, puisqu'il s'est engagé dans le Cadre mondial pour la biodiversité et l'Accord de Paris, entre autres engagements mondiaux et nationaux", indique Mohamed Awer, directeur général du WWF-Kenya.
"Le redoublement de l'ambition de la nation pour atteindre le Défi de Bonn visant à restaurer 10,6 millions d'hectares de paysages dégradés est un pas dans la bonne direction."
Mentalité de marathonien
Ces efforts sont toutefois loin d'être suffisants.
Des efforts concertés à travers le continent et dans le monde entier sont nécessaires pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de nature, de climat et de développement durable d'ici à 2030.
"Si nous voulons stopper la perte de la nature à l'échelle nécessaire pour éviter des points de basculement mondiaux et dévastateurs, le financement du climat doit aller du niveau mondial à la base pour renforcer la résilience des communautés locales qui subissent de plein fouet la perte de la nature et le changement climatique", insiste Awer.
Le rapport du WWF est un autre indicateur d'alerte précoce de l'augmentation du risque d'extinction et de la perte potentielle de la fonction et de la résilience des écosystèmes.
Il donne au monde l'occasion d'intervenir à temps pour inverser les tendances négatives, rétablir les populations d'espèces et préserver le fonctionnement et la résilience des écosystèmes.