Le gouvernement de transition au Mali a mis fin, “avec effet immédiat”, à l’Accord de paix d’Alger signé avec les groupes rebelles indépendantistes du Nord en 2015, afin de ramener la paix.
Cet accord parrainé par l’Algérie a été signé à Bamako les 15 mai et 26 juin 2015 entre l’État malien et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Il prévoit l’incorporation dans une nouvelle armée nationale des combattants de mouvements rebelles, la décentralisation avec l’octroi de vastes pouvoirs aux régions, le développement socio-économique des régions du nord Mali, entre autres.
Le gouvernement de la transition, dans un communiqué lu à la télévision nationale malienne par le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement, dit avoir constaté “l’inapplicabilité de l’accord” et explique les motivations de sa décision.
Il évoque, dans ce contexte “le changement de posture de certains groupes signataires de l’accord (...) devenus des acteurs terroristes et poursuivis par la justice malienne…” et “l’incapacité de la médiation à assurer le respect des obligations incombant aux groupes armés signataires”. Enfin, le Mali s’insurge contre ” Les actes d’hostilité et d’instrumentalisation de la part des autorités algériennes dont le pays est chef de file de la médiation…”.
Cette décision apparaît ainsi comme l’épilogue d’une série de blocages, d’incidents et décisions qui rendaient l’accord d’Alger inapplicable sur le terrain.
“Décision logique”
Depuis 2O23, l’on a noté une reprise et une intensification des hostilités contre l'État central et l'armée malienne par les groupes indépendantistes à dominante touareg du Nord, dans le sillage du retrait de la mission des Nations unies (Minusma), poussée vers la sortie par le gouvernement de transition après dix années de présence.
L'accord avait reçu un rude coup supplémentaire le 31 décembre quand le chef d’État de transition, le colonel Assimi Goïta, avait annoncé lors de ses vœux du Nouvel An la mise en place d'un "dialogue direct inter-malien", donc sans médiation internationale, contrairement à l'accord d'Alger.
"Tous les canaux de négociations sont désormais fermés", a dit à l'AFP Mohamed El Maouloud Ramadane, porte-parole du Cadre stratégique permanent, alliance de groupes armés qui avaient signé l'accord de 2015 avant de reprendre les armes l'an dernier.
"Nous n'avons pas d'autre choix que de livrer cette guerre qui nous est imposée par cette junte illégitime avec qui le dialogue est impossible", a-t-il soutenu.
La coopération militaire avec la Russie et l’achat de drones a inversé les rapports de forces en faveur de l’armée malienne qui a reconquis Kidal, place forte de toutes les rébellions.
Les relations déjà tendues entre Bamako et Alger sont en passe de connaître une nouvelle remise en question. Bamako a particulièrement mis à l’index son voisin du nord avec qui il partage une longue frontière de 1329 kilomètres.
Alger mis en cause
Le gouvernement "constate avec une vive préoccupation une multiplication d’actes inamicaux, de cas d’hostilité et d’ingérence dans les affaires intérieures du Mali par les autorités" algériennes, a accusé le porte-parole du gouvernement malien.
Il dénonce "une perception erronée des autorités algériennes qui considèrent le Mali comme leur arrière-cour ou un État paillasson, sur fond de mépris et de condescendance".
Parmi différents griefs, la junte reproche à l'Algérie d'héberger des bureaux de représentation de certains groupes signataires de l'Accord de 2015 et devenus "des acteurs terroristes" et "exige des autorités algériennes de cesser immédiatement leur hostilité".
Face à ce qui apparait comme une nouvelle dégradation des relations algéro-maliennes, le politologue malien Idrissa Sangaré relativise. “Il faut sans doute y voir une divergence d’approche et non un problème de fond, explique-t-il. Les diplomates ont une démarche soft qui contraste avec les militaires, formatés à un style rigide, peu enclin aux longues discussions, aux concessions et friands de résultats immédiats.”
“Algériens et Maliens ont tellement d'intérêts communs que cette brouille ne saurait perdurer. Il faudra laisser le temps apaiser la situation”, insiste Sangré qui considère que la présence à Alger de l’imam Amadou Dicko s'inscrit dans le cadre de la volonté d’aider à “contenir un dangereux endoctrinement des jeunes algériens” du fait de son “son charisme de chef religieux”.
Même la présence dans la capitale algérienne de certains officiels des groupes rebelles signataires de l’accord d’Alger “ne saurait être un obstacle insurmontable au retour à la normale entre les deux voisins”, tempère encore le politologue malien.