Le président nigérian Bola Tinubu (G) et le président sud-africain Cyril Ramaphosa lors de leur rencontre au Cap. / Photo : Reuters

Par Emmanuel Onyango

L'annonce par l'Afrique du Sud d'un assouplissement des règles en matière de visas pour les ressortissants nigérians souhaitant se rendre dans le pays pour le tourisme et les affaires suscite des débats.

Le président Cyril Ramaphosa a fait cette annonce après avoir reçu son homologue nigérian, Bola Tinubu, la semaine dernière pour des discussions bilatérales visant à renforcer les liens entre les deux pays.

Les tensions entre les citoyens des deux géants africains ont déjà conduit à des attaques xénophobes meurtrières dans les deux pays, avec des descentes dans des locaux commerciaux et des pillages de marchandises.

Le Nigeria est la principale destination des exportations et des investissements sud-africains en Afrique de l'Ouest. Par ailleurs, l'Afrique du Sud importe du pétrole et du gaz nigérians.

L'économie sud-africaine n'a pas connu un taux de croissance suffisant pour faire face à l'augmentation de la population et le pays est confronté à un grave problème de chômage, classé parmi les plus élevés au monde avec 30 %, selon les données de la Banque mondiale et de l'Organisation internationale du travail en juin 2024.

Le Nigeria est également confronté à des défis économiques et de nombreux citoyens quittent le pays en raison du chômage.

Le géant des télécommunications MTN est l'une des entreprises sud-africaines les plus présentes au Nigeria. Photo / Reuters

Il n'est donc pas surprenant que Ramaphosa, soucieux de susciter l'intérêt de la nation la plus peuplée d'Afrique, ait annoncé à Tinubu les changements apportés à la réglementation sur les visas, notamment l'extension de la période de validité des visas pour les hommes d'affaires nigérians et la simplification de la réglementation.

« Nous espérons voir davantage d'entreprises nigérianes investir en Afrique du Sud. En fait, nous voulons voir des produits nigérians sur les étagères des magasins sud-africains... Les hommes d'affaires nigérians qui remplissent les conditions requises peuvent obtenir un visa à entrées multiples de cinq ans », a-t-il déclaré.

« En outre, les touristes nigérians peuvent désormais demander un visa sans même présenter de passeport », a ajouté Ramaphosa.

Son homologue nigérian Bola Tinubu a qualifié l'Afrique du Sud de « notre frère sérieux » et a salué l'initiative comme « l'essence de la fraternité ».

L'Afrique du Sud accueille environ 2,3 millions d'immigrants, soit près de 3 % de la population. Certains Sud-Africains affirment que les ressortissants étrangers, y compris les Nigérians, occupent les emplois locaux.

Les autorités continuent de rassurer les citoyens quant à l'augmentation des opportunités économiques et expriment leur confiance dans les avantages que représente la présence d'hommes d'affaires et de touristes étrangers pour l'économie locale.

L'annonce de Ramaphosa sur l'assouplissement des règles relatives aux visas pour les ressortissants nigérians a mis mal à l'aise une partie de la population sud-africaine. Elle a été perçue comme étant en contradiction avec la promesse du gouvernement de lutter contre l'immigration irrégulière.

De nombreuses personnes ont également exprimé leur mécontentement sur les médias sociaux quant au fait que les touristes nigérians pourront désormais demander un visa sans même présenter de passeport.

La banque nigériane Access Bank fait partie des grands acteurs du secteur financier sud-africain. Photo / Reuters

Le bureau du président s'est empressé de « clarifier un malentendu » sur la procédure simplifiée de demande de visa pour les ressortissants nigérians.

Elle précise que les visiteurs nigérians devront toujours présenter un passeport, même si c'est à la fin de la procédure de demande de visa.

« La modernisation de la procédure de demande de visa ne compromet pas l'intégrité du système de visa », a assuré la Commission dans un communiqué.

« Une fois que le visa a été approuvé, les demandeurs doivent présenter leur passeport pour que la procédure soit terminée et que le visa soit apposé dans le passeport ».

Certains analystes estiment que la décision de l'Afrique du Sud est une bonne chose, car le continent poursuit ses efforts pour faciliter les mouvements transfrontaliers et renforcer les accords de libre-échange.

Le commerce entre les pays africains représente moins de 16 % et un récent rapport soutenu par l'Union africaine a critiqué l'ouverture des pays africains aux visiteurs d'autres pays africains.

L'industriel nigérian Aliko Dangote, deuxième fortune d'Afrique, a déjà fait part de la difficulté de voyager sur le continent avec un passeport nigérian.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a lancé en janvier 2024 la première expédition dans le cadre de l'Accord de libre-échange continental africain (ZLECAF). Photo /AFP

« En tant qu'investisseur, en tant que personne qui veut vraiment rendre l'Afrique formidable, je dois maintenant demander 35 visas différents sur mon passeport. Je n'ai vraiment pas le temps d'aller déposer mon passeport dans les ambassades pour obtenir un visa », a-t-il déclaré lors d'un forum de dirigeants d'entreprises africaines qui s'est tenu en septembre.

L'UA a incité les États membres à créer les conditions nécessaires pour faciliter la circulation des Africains à travers l'Afrique, afin qu'il soit plus facile de faire des affaires sur le continent.

Elle a lancé la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) en janvier 2021 afin de créer l'une des plus grandes zones de libre-échange au monde, avec une population de plus de 1,2 milliard de personnes.

Toutefois, la réalité décrite dans le rapport sur l'ouverture des visas montre que le continent a encore un long chemin à parcourir. Seuls le Bénin, le Rwanda, la Gambie et les Seychelles autorisent l'entrée sans visa des ressortissants de tous les pays africains.

« Plusieurs pays restent réticents... Il reste un long chemin à parcourir et une grande marge de progression en matière d'ouverture des visas », a constaté Minata Samate Cessouma, commissaire de l'Union africaine chargée des affaires humanitaires.

TRT Afrika