Par Franck Noudofinin, envoyé spécial à Kazan
Le 16ème sommet des BRICS marque un virage important : pour la première fois, le bloc adopte une approche plus offensive afin de se défaire de la dépendance au dollar, monnaie dominante dans les échanges internationaux depuis des décennies.
Les pays des BRICS estiment que le système financier international, tel qu’il existe aujourd’hui, est trop centré sur le dollar américain, ce qui favorise les économies occidentales, notamment les États-Unis, au détriment des autres nations.
Leur objectif est clair : créer une alternative crédible à ce système qui perpétue les inégalités mondiales.
C’est d’ailleurs ce qui a amené le président russe Vladimir Poutine dont le pays dirige la présidence tournante des BRICS à déclarer : « Le PIB des pays BRICS a dépassé celui du G7. L'Occident dans son ensemble perd face aux pays BRICS en termes économiques.”
L’idée d’une monnaie commune au sein des BRICS a été mentionnée à plusieurs reprises dans le passé, mais ce sommet pourrait être le déclencheur d’une stratégie plus concrète et audacieuse en matière de dédollarisation.
L’importance des nouveaux membres
Pour renforcer cette ambition, les BRICS comptent sur l’arrivée de nouveaux membres. Lors de ce sommet, quatre nouveaux pays rejoignent officiellement l’organisation : l’Iran, l’Éthiopie, l’Égypte et les Émirats arabes unis.
Ces nations, qui apportent une richesse en ressources naturelles et une influence géopolitique stratégique, sont perçues comme des acteurs clés pour soutenir l’effort de création d’un nouvel ordre financier mondial.
L’Iran, avec ses vastes réserves pétrolières, pourrait jouer un rôle crucial dans la diversification des échanges commerciaux en dehors du cadre du dollar. Les Émirats arabes unis, quant à eux, apportent une expertise financière et des ressources importantes dans les domaines de l’énergie et de l’investissement.
Mais les deux pays africains qui intègrent l’organisation pourraient également s’avérer d’une importance capitale. L’adhésion de l’Égypte et de l’Éthiopie aux BRICS en 2024 représente un tournant significatif pour l’organisation et pour l’Afrique.
Ces deux nations, fortes de leurs positions géopolitiques et de leurs économies respectives, peuvent apporter des contributions importantes aux BRICS, tout en renforçant les efforts de dédollarisation.
L’Égypte située à la croisée de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Europe contrôle le canal de Suez, une route maritime clé pour le commerce mondial.
Son intégration aux BRICS peut renforcer les liens commerciaux entre les membres de l’organisation, facilitant l’accès aux marchés européens et asiatiques tout en influençant les routes commerciales mondiales.
L’Éthiopie, elle, avec une position centrale dans la Corne de l’Afrique joue un rôle crucial dans la sécurité régionale et les dynamiques politiques du continent africain.
En tant que puissance émergente, son influence croissante dans la région est stratégique pour l’organisation, en particulier pour l’accès au marché africain de plus de 1,4 milliard d’habitants.
La Turquie : un partenaire attendu
Outre ces nouveaux membres, l’arrivée potentielle d’un autre acteur de taille, la Turquie, pourrait véritablement bouleverser l’équilibre au sein des BRICS. Située à la croisée de l’Europe et de l’Asie, la Turquie occupe une position géographique stratégique.
Les discussions pour l’adhésion du pays sont encore en cours, mais de nombreux experts estiment que sa présence au sein des BRICS renforcerait considérablement l’influence du groupe sur la scène internationale.
En tant qu’acteur économique majeur et membre de l’OTAN, la Turquie pourrait offrir un contrepoids face aux économies occidentales, tout en facilitant les échanges commerciaux entre l’Asie, l’Europe et le Moyen-Orient.
Un avenir prometteur pour les BRICS Le sommet de Kazan marque donc une nouvelle ère pour les BRICS, celle d’une organisation qui ne se contente plus de coopérer économiquement, mais qui vise à remodeler l’ordre mondial.
Avec l’arrivée des nouveaux membres et la perspective d’une adhésion future de la Turquie, les BRICS semblent prêts à relever le défi. Cependant, il reste à voir comment ces ambitions se concrétiseront, notamment dans un monde où les tensions géopolitiques sont croissantes.
Le projet de dédollarisation est audacieux, mais il devra surmonter de nombreux obstacles pour s’imposer face à un système économique solidement établi.