La méfiance gagne du terrain au Nigeria à l'égard des vendeurs d'argent mobiles, devenus une alternative aux banques traditionnelles, notamment dans les zones rurales désertées par les agences bancaires.
Appelés "opérateurs de points de vente" ("Point of Sale","POS"), ils s'installent en général au bord des axes routiers, proposent des retraits d'argent grâce à un terminal bancaire, avec des frais jugés par beaucoup "exorbitants".
"Les commissions qu'ils prélèvent sont de plus en plus élevées et il est difficile d'obtenir de l'argent dans les distributeurs de banque", a déclaré à l'AFP Ibrahim Adamu, un commerçant de 39 ans de la mégalopole de Lagos, capitale économique du pays le plus peuplé d'Afrique où les pénuries de billets de banque sont chroniques.
"Certains opérateurs exploitent la pénurie de liquidités en facturant des frais excessifs pour les retraits et les transactions", a indiqué Uzoma Dozie, fondateur de Sparkle, une banque nigériane entièrement digitale.
Présents dans les zones rurales dépourvues de banques et dans les rues des grandes villes du pays, les opérateurs POS se sont multipliés à partir de 2013 à travers le pays, permettant à de nombreux Nigérians d'accéder à des services bancaires.
En décembre 2023, 52% des adultes nigérians utilisaient les services des banques traditionnelles, selon un rapport de l'organisation Enhancing Financial Innovation & Access (EFInA).
Désormais, les points de vente constituent l'un des piliers du système bancaire du pays, en particulier depuis l'augmentation des pénuries d'argent liquide après la tentative de remplacement des billets de banque en circulation entre fin 2022 et début 2023.
"Il y en a trois dans ma seule rue. Je n'ai donc pas besoin de prendre un vélo ou un taxi pour atteindre le distributeur le plus proche", a indiqué Chi Etche, 29 ans, directeur dans un media.
Depuis quelques années, les commissions prélevées sur les transactions effectuées par les opérateurs sont de plus en plus critiquées au sein de la population, tout comme la responsabilité de la Banque centrale du Nigeria dans les difficultés bancaires qu'elle rencontre au quotidien.
Le gouverneur de la Banque centrale, Olayemi Cardoso, a reconnu le problème lors d'un récent dîner entre banquiers à Lagos fin novembre.
"Nous reconnaissons les difficultés actuelles liées à la disponibilité des liquidités dans les distributeurs automatiques, qui affectent de manière disproportionnée les Nigérians ordinaires", a-t-il déclaré.
Selon des économistes, les politiques de la Banque centrale ont grandement contribué à la prolifération des opérateurs de points de vente et des banques en ligne.
Retraits d'argent plafonnés
Quelques mois avant l'élection présidentielle de 2023, la Banque centrale du Nigeria a plafonné le retrait de billets aux guichets automatiques et dans les agences bancaires, arguant que "plus de 85% des espèces en circulation se trouvent en dehors des banques".
Aujourd'hui, les retraits aux guichets automatiques sont toujours plafonnés à 20.000 nairas (environ 12 euros) dans sa propre banque, 5.000 nairas (près de 3 euros) dans une autre.
Les retraits directs de sommes plus importantes dans les agences bancaires sont soumis à des frais.
Les longues files d'attente dans les banques et les interruptions fréquentes des services des distributeurs automatiques de billets aggravent la situation.
Beaucoup accusent les responsables des banques de s'enrichir en détournant de l'argent destiné aux distributeurs automatiques pour fournir les opérateurs des points de vente POS.
Le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria Olayemi Cardoso a récemment affirmé qu'il ne tolérerait pas les distributeurs de billets vides et averti que les banques défaillantes seraient strictement pénalisées.
Quelques opérateurs de POS avec lesquels l'AFP s'est entretenue ont expliqué obtenir l'argent nécessaire à leurs activités auprès d'autres sources que les banques.
Contacté, le porte-parole de l'influente Association of Mobile Money and Banking Agents of Nigeria n'a pas répondu dans l'immédiat aux sollicitations de l'AFP.
Pour le banquier Uzoma Dozie, une nouvelle réglementation est nécessaire pour venir à bout de la pénurie de liquidité et de l'augmentation des commissions des opérateurs de POS.