Toute famille pauvre recevra ainsi, à partir du mois de décembre, une aide mensuelle de 500 dirhams (50 dollars environ) au minimum. Photo : TRT Afrika

Par Mohamed Touzani

TRT Afrika, Rabat-Maroc

Le gouvernement marocain met en œuvre un programme inédit de soutien aux familles pauvres qui bénéficient, à partir du mois de décembre, d’aides financières mensuelles directes.

Ce soutien financier, qui mobilisera un budget total de 25 milliards de dirhams (2,5 milliards de dollars) en 2024 avant d’atteindre 29 milliards (2,9 milliards) de dirhams à partir de 2026, profitera à 60% des familles marocaines qui ne bénéficient pas des allocations familiales et qui sont en situation de pauvreté ou de précarité.

Un bouclier social de 500 DH

Toute famille pauvre recevra ainsi, à partir du mois de décembre, une aide mensuelle de 500 dirhams (50 dollars environ) au minimum, une sorte de bouclier social selon le chef du gouvernement Aziz Akhannouch qui précise que ce soutien financier pourrait dépasser les 1.000 dirhams (100 dollars) en fonction du nombre d’enfants présents dans ces foyers.

Le dispositif mis en place par le gouvernement comprend également une prime de naissance. La famille touchera une prime de 2.000 dirhams (200 dollars) pour son premier accouchement contre 1.000 pour le deuxième.

"C’est un moment historique dans le processus en cours visant à consolider les fondements de l’État social et à construire le Maroc de progrès et de dignité (…) en poursuivant la mise en œuvre des chantiers nationaux solidaires pour généraliser la protection sociale", a déclaré M. Akhannouch devant les deux chambres du Parlement.

Il a ajouté que ce chantier permet d’améliorer les conditions de vie d’un plus grand nombre de familles et, en conséquence, "d’institutionnaliser une politique sociale nationale solidaire, plus équitable et plus durable (…) qui renforce les liens de confiance et augmente l’espoir en une stabilité sociale à l’avenir".

Les mesures prises par le gouvernement sont destinées à améliorer les indicateurs de développement social et humain, réduire les taux de pauvreté et de précarité, éliminer les inégalités sociales, en particulier dans la catégorie des femmes et des personnes âgées, et renforcer l’accès à l’éducation et à la santé, a assuré le chef du gouvernement.

Outre ce soutien financier direct, le gouvernement a décidé d’activer un autre levier en mettant en place un ambitieux programme de généralisation de l’accès à l’assurance maladie obligatoire, doté d’un budget annuel de 10 milliards de dirhams (près de 1 milliard de dollars).

Jusqu’à présent, seuls les salariés du secteur privé et les fonctionnaires du secteur public avaient droit à une couverture médicale et à des allocations familiales.

Des aides pour l’acquisition d’un logement

Le Roi Mohammed VI a également annoncé en octobre qu’une aide financière sera versée aux personnes qui désirent acquérir un logement pour la première fois, pouvant aller jusqu’à 100.000 dirhams (10.000 dollars), pour compléter ce bouclier social.

Ce programme, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2024, devrait coûter au budget de l’Etat environ 9,5 milliards de dirhams (Près de 1 milliard de dollars) selon la ministre de l’Habitat et de la Politique de la ville, Fatima Zahra El Mansouri.

Un communiqué du cabinet royal avait indiqué que ce nouveau programme "vise à renouveler l’approche d’aide à l’accès à la propriété et à venir en aide au pouvoir d’achat des ménages, à travers une aide financière directe à l’acquéreur".

Le nouveau programme d’aide au logement permettra de faciliter l’accès au logement pour les classes sociales à faible revenu et la classe moyenne, de réduire le déficit en logement et d’éliminer les bidonvilles qui persistent dans les périphéries des grandes villes marocaines.

Ces différentes mesures d’aide sociale devront se substituer à terme aux interventions de la Caisse de compensation qui soutient les prix du gaz, de la farine et du sucre.

Depuis 2015, l’Etat a dépensé 174 milliards de DH (17,4 milliards de dollars) pour soutenir ces trois produits, ce qui correspond à une moyenne annuelle de 19,4 milliards de DH (près de 2 milliards de dollars).

Mais dès 2024 et l’entrée en vigueur de ces aides financières aux familles pauvres, la décompensation va démarrer progressivement jusqu’à 2026 et entrainera l’augmentation des prix des produits subventionnés à partir d’avril prochain.

"Le budget de l’État ne peut pas absorber le financement de l’aide sociale directe tout en assumant intégralement les coûts de la Caisse de compensation", a averti le chef du gouvernement qui précise qu’après le démarrage des versements directs à partir de décembre 2023, la marge résultant de la réduction de la compensation sera allouée au financement des dispositifs du programme d’aide sociale directe aux familles.

Les syndicats se mobilisent contre l’inflation et l’abandon des subventions des prix

La perspective d’une suppression des subventions des produits de large consommation fait réagir les syndicats, surtout dans un contexte marqué par une flambée vertigineuse des prix des produits alimentaires.

La Confédération démocratique du travail (CDT) et l’Union marocaine du travail (UMT) ont organisé plusieurs marches et manifestations durant les derniers mois pour dénoncer la hausse des prix et réclamer le maintien de la compensation des prix des produits alimentaires de base, tout en saluant la prochaine distribution d’aides financières aux familles pauvres et la généralisation de la couverture médicale.

Le gouvernement, les principales organisations syndicales et le patronat avaient signé en avril 2022 dernier un "accord social" prévoyant une augmentation du salaire minimum dans les secteurs privé et public pour aider les salariés et fonctionnaires à faire face à cette inflation galopante en particulier des produits alimentaires, qui impacte fortement le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes.

Le taux d'inflation globale a atteint en effet +4,7% au troisième trimestre de l’année 2023, après +6,8% au deuxième trimestre et +8,1% un an plus tôt, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP).

Mais la hausse des denrées alimentaires reste très élevée (+16,3 % sur un an) et s’explique en partie par le déficit pluviométrique chronique qui affecte le secteur agricole, pilier de l’économie marocaine, et cause notamment l’envolée des prix des fruits et légumes.

Face à cette grogne sociale, le gouvernement tient à rassurer la population et les syndicats qu’ «il s’agit d’un plafonnement et non d’une suppression» des subventions des produits de large consommation.

TRT Afrika