Jean Charles Biyo’o Ella
La Commission nationale anti-corruption(Conac), institution camerounaise en charge de la lutte contre cette gangrène, a rendu public fin octobre, son rapport 2022 sur l’état de la corruption dans le pays.
Selon la Conac, l’Etat du Cameroun a enregistré un préjudice financier de l’ordre de 4,6 milliards de fcfa en 2022, contre 43, 947 milliards de Fcfa en 2021. Une baisse globale de plus de 39 milliards de Fcfa. Ce qui représente 89%, comparé à l’année dernière, s’est félicité l’institution en charge de la lutte contre la corruption au Cameroun.
Une baisse rendue possible grâce à l’augmentation en 2022 du nombre de dénonciations. 7061 dénonciations contre 6705 en 2021 soit une hausse de 356. La commission nationale anti-corruption a mis en place en 2018, un numéro vert, un contact WhatsApp et d’autres canaux, à l’effet d’interagir sous anonymat, avec des dénonciateurs.
L’infraction qui est le plus revenue en 2022 porte sur des soupçons de détournement de biens publics, soit 1135 fois. Bien plus, ajoute Dieudonné Massi Gams, le président de la conac, la baisse du taux de corruption a également été favorisée par l’augmentation du nombre de contributions externes.
Celles-ci provenaient des institutions de contrôle, des communautés religieuses, la société civile et certains ministères. Les contributions externes sont passées de 96 en 2021 à 129 en 2022. Cependant, le rapport note la non-participation de certaines institutions publiques à l’instar des ministères des domaines et des affaires foncières; l'administration territoriale; les finances; l'éducation et les marchés publics.
Ces derniers sont pointés « comme ayant le plus enregistré des faits de corruption» déclare la Conac. « Nous ne savons pas pourquoi ces institutions ne veulent pas prendre part au combat que nous menons » a regretté le pasteur Dieudonné Masse Gams, le président de la Conac.
Décisions de justice
Dans ce nouveau rapport comme chaque année, la Conac s’est aussi appuyée sur des décisions rendues par le Conseil de discipline budgétaire et financière du Cameroun. Celui-ci a évalué des pertes de l’Etat l’année dernière à plus de à 249 millions de Fcfa.
Mais aussi aux décisions rendues par le TCS (Tribunal criminel spécial) qui lui, a révélé un trou de près de 4 milliards de Fcfa, dans des caisses de l’Etat. Le TCS est une institution juridictionnelle mise en place en 2011, dans le cadre d'une politique de lutte contre la criminalité économique en général, et particulièrement contre les détournements des biens publics.
Créée en 2006 et placée sous le contrôle direct du président de la république, la commission nationale anti-corruption a pour mission essentielle de contribuer à la lutte contre la corruption.
Mais aussi de suivre et d’évaluer l’application effective du plan gouvernemental dans le même secteur; de recueillir, de centraliser et d’exploiter les dénonciations et informations dont elle est saisie pour des pratiques, faits ou actes de corruption et infractions assimilées.
La conac a aussi pour compétence de mener toutes études ou investigations et de proposer toutes mesures de nature à prévenir ou à juguler la corruption; de procéder, le cas échéant, au contrôle physique de l’exécution des projets, ainsi qu’à l’évaluation des conditions de passation des marchés publics; d’identifier les causes de la corruption et de proposer aux autorités compétentes les mesures susceptibles de permettre de l’éliminer dans tous les services publics ou parapublics.
C’est dans ce contexte qu’elle lance chaque année à la veille des rentrées scolaires, une campagne baptisée : « Rentrée scolaire sans corruption ».
Le projet vise à éveiller les consciences des différents acteurs impliqués dans les opérations relatives à la rentrée scolaire, sur l'importance d'écarter toute pratique de corruption dans le secteur éducatif en général et particulièrement en cette période.
Des formations sont aussi initiées à l’intention des autres acteurs qui accompagnent la lutte, notamment la société civile. Des émissions radio et télé sont du reste régulièrement produites.
La revanche du Cameroun
Apres avoir enregistré le triste record de premier pays le plus corrompu au monde en 1998, à la suite d’un classement de Trasparency International, le Cameroun a mis en place une batterie de mesures.
Outre la Conac, le pays s’est doté d’autres institutions chargées de lutter contre ce fléau. C’est le cas de l’Agence d’investigation Financière (ANIF), de la Cour des Comptes, du Tribunal Criminel Spécial (TCS).
A celles-là, s’ajoute l'Observatoire de lutte contre la corruption. Il s’agit d’un organisme gouvernemental placé sous l’autorité du premier ministre. Il est chargé de mener des enquêtes sur la corruption politique, organiser des initiatives anti-corruption et diriger les efforts du gouvernement contre la corruption.
En 2006, le président Paul Biya a lancé une vaste opération judicaire baptisée « Opération Épervier ». Cette action a emportée à ce jour, un ancien premier ministre, d'anciens membres du gouvernement et des dirigeants d'entreprises publiques et parapubliques.
Dans son discours de vœux à la Nation le 31 décembre 2022, le Chef de l’Etat a annoncé la relance de cette opération contre les détournements de fonds publics et la corruption.