À Goma, les habitants ont peu à peu pu ressortir de chez eux pour aller acheter de la nourriture malgré des combats qui se sont déroulés jusque dans le centre-ville entre les rebelles du M23 et l’armée congolaise. Les dégâts sont importants, certains civils ont été blessés alors qu’ils étaient chez eux, les balles traversant les murs. Pendant une semaine, l’électricité et l’eau étaient coupées.
Emmanuel Lampaert est responsable de MSF pour la RDC et a suivi la situation de près. “L’eau et l'électricité sont revenus dans une grande partie de la ville, on voit donc des blessés arriver pour se faire soigner (MSF gère l’hôpital de Kyeshero), et il y a plusieurs hôpitaux qui sont à nouveau opérationnels, donc le panel de soins est plus normal“, assure M. Lampaert. Malgré tout, le bilan humain des combats s’alourdit de jour en jour, on parle aujourd’hui de 3 000 morts.
Christelle Huré, est responsable plaidoyer pour l’Afrique centrale et de l’ouest pour Norwegian Refugee Council (NRC), qui opère à Goma. Son ONG travaille notamment dans les camps de déplacés qui entourent la grande ville de Goma, où vivent 700 000 personnes. Avec le cessez-le-feu unilatéral décidé par le M23, l'ONG a pu se rendre sur place et faire un point de la situation. “Certains camps ont été bombardés et les populations les ont fui. Elles se sont repliées vers la ville de Goma et s’entassent dans des lieux absolument surpeuplés. D’autres camps n’ont pas été bombardés, et les personnes y sont revenues. Il faut ajouter qu’on estime à 500 000 le nombre de nouvelles personnes déplacées par les combats depuis le début de l’année.”
Le travail de l’ONG est pour l’instant limité, car tout déplacement est dangereux. “Des groupes armés secondaires ont récupéré des armes et nous devons négocier notre accès aux camps, ou aux lieux où les personnes se sont regroupées,” explique Christelle Huré.
Une population déplacée avec des besoins primaires
Emmanuel Lampaert insiste sur le fait que les gens se déplacent ces derniers jours. “Les grands camps au nord de la ville se sont vidés, on voit des gens se réfugier à Goma dans des écoles, des églises, on voit aussi des personnes quitter Goma et les camps pour aller vers l’ouest. Ces personnes vont sans doute essayer de trouver refuge ici ou là, dans des villages. Pour les ONG, ces déplacements rendent bien entendu difficile l’évaluation des besoins.”
Ces populations ont des besoins d’urgence c’est-à-dire des tentes, des colis de nourriture et un accès à l’eau, ce qui, dans cette région est un peu compliqué car la ville est située sur un socle volcanique. On a vu les déplacés remplir bidons et jerricans dans le lac Kivu, au risque de contracter des maladies. NRC alerte également sur les besoins des enfants, elle estime que 200 000 enfants n’ont plus accès à une école aujourd’hui à Goma.
Les ONG alertent sur une situation humanitaire qui peut déraper car le nombre de déplacés est énorme. De nouveaux cas de choléras ont été répertoriés à cause des difficultés d’accès à l’eau, cette zone est aussi une zone où le Mpox et les fièvres hémorragiques comme Ebola sont présentes.
Après la prise de Goma, les rebelles du M23 appuyés par le Rwanda visent la ville de Bukavu, la capitale du Sud-Kivu. Une perspective qui inquiète l’ONU.
Une situation humanitaire catastrophique
Emmanuel Lampaert insiste pour que l’aéroport de Goma soit rouvert, afin de pouvoir affréter de l’aide, envoyer des médicaments, et des tentes avant la saison des pluies. “On a besoin d’apports réguliers et de gros volumes”. Concernant la mobilisation internationale, il pèse ses mots. “Est-ce qu’il y a une prise de conscience qu’il y a une urgence et un impératif humanitaire absolu, non ! Cela ne se traduit pas sur le terrain, on n’a pas pris conscience de la catastrophe humaine qui a eu lieu, qui est en cours et qui risque d’avoir lieu si on n’est pas en capacité de répondre aux besoins maintenant.”
Les ONG locales et les associations humanitaires essaient actuellement de négocier avec les deux belligérants par l’intermédiaire de l’OCHA (Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies), l’assurance de pouvoir livrer de l’aide sans être mis en danger.
Dans le nord-Kivu, la situation est normale, NRC peut à ce jour travailler et a lancé une grande distribution d’aide à 12 000 foyers.