Des tirs, nourris par intermittence, ont retenti une partie de la nuit et vendredi matin à Bissau entre les éléments de la Garde nationale, retranchés dans une caserne du sud de la ville, et les forces spéciales de la Garde présidentielle, a rapporté un correspondant de l'AFP.
Les affrontements ont fait deux morts, a dit un responsable militaire sans qu'apparaisse clairement dans quel camp. Il a tenu à rester anonyme compte tenu de la sensibilité de la situation.
Le calme est revenu en milieu de matinée avec l'annonce de la capture ou la reddition du commandant de la Garde nationale, le colonel Victor Tchongo.
L'activité a tourné au ralenti dans le centre de Bissau, parcouru par des patrouilles de militaires en pick-ups. La protection a été renforcée aux abords de la présidence, de l'état-major et de la police judiciaire.
L'armée a transmis aux médias une photo présentée comme celle du colonel Tchongo entre les mains des soldats sur un pick-up, le vêtement apparemment ensanglanté. Elle a aussi fait circuler une vidéo censée montrer huit captifs de la Garde nationale en uniforme allongés sur le ventre dans une cour de la caserne où ils s'étaient retranchés. On y voit un certain nombre d'armes automatiques saisies par l'armée.
"Le colonel (Victor) Tchongo est entre nos mains. La situation est totalement sous contrôle", a dit le capitaine Jorgito Biague, un porte-parole de l'état-major de ce pays lusophone d'environ 2 millions de personnes en Afrique de l 'Ouest, pauvre et politiquement instable.
Un responsable militaire a dit que le colonel Tchongo s'était rendu.
L'état-major a publié un communiqué pour appeler la population au calme.
Les éléments de la Garde nationale ont fait irruption jeudi soir dans les locaux de la police judiciaire pour en extraire le ministre de l'Économie et des Finances, Souleiman Seidi, et le secrétaire d'Etat au Trésor public, Antonio Monteiro qui y étaient interrogés, selon des responsables de l'armée et du renseignement. Puis ils se sont mis à l'abri dans un camp militaire, résistant par les arme s à l'armée.
Les deux membres du gouvernement ont été récupérés sains et saufs, a ajouté le responsable militaire. Ils ont à nouveau été placés en détention.
"Etat fractionnalisé"
"Mes enfants et moi n'avons pas fermé l'oeil à cause des tirs. Les enfants ont peur et se collent à moi chaque fois que les armes crépitent", a dit une institutrice jointe par téléphone et taisant son identité pour sa sécurité.
La Guinée-Bissau accuse une instabilité politique chronique et a connu depuis son indépendance du Portugal en 1974 une kyrielle de coups de force, le der nier en février 2022.
Les évènements de la nuit paraissent renvoyer à la réalité "d'Etat fractionnalisé" et aux rivalités anciennes entre la présidence d'Umaro Sissoco Embalo et l'historique Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), a dit à l'AFP Vincent Foucher, chercheur au Centre national de recherche scientifique (CNRS, France).
Les deux membres du gouvernement ont été entendus par la police judiciaire sur instruction du procureur général, nommé par le président. La Garde nationale répond, elle, essentiellement au ministère de l'Intérieur, dominé p ar le PAIGC comme les principaux ministères après la victoire de la coalition qu'il menait aux législatives en juin 2023.
"Si la Garde nationale y va (à la Police judiciaire), c'est parce qu'elle est sous l'autorité de l'Intérieur; si la Garde présidentielle intervient, c'est parce qu'elle est sous celle du président", a expliqué le chercheur. "Les choses fonctionnent ainsi en Guinée-Bissau, avec des espèces de coalition entre certains segments des forces de sécurité et des acteurs politiques".
Les deux membres du gouvernement avaient été placés en garde à vue jeudi. Ils ont été in terrogés plusieurs heures à propos d'un retrait de dix millions de dollars des caisses de l'Etat.
M. Seidi, questionné lundi à ce sujet lors d'une séance à l'Assemblée, avait dit que le retrait était légal et destiné à soutenir le secteur privé.
Ce nouveau coup de chaud est survenu alors que le président Embalo, élu en décembre 2019 pour cinq ans, se trouve à Dubaï pour assister à la 28e conférence des Nations Unies sur le climat (COP28).