Sous un soleil brûlant, Mifie et ses voisins travaillent dur pour faire pousser des légumes, dans des champs et au bord d'une rivière pollués par vingt ans d'exploitation industrielle de la mine de cuivre et cobalt toute proche.
"On ne peut pas bien vivre avec cette eau polluée", se désole la jeune femme de 23 ans, enceinte, debout près de ses platebandes de choux, amarantes et autres végétaux.
Depuis plus d'un siècle, les mines font la richesse de la région de Lubumbashi, dans le sud-est de la République démocratique du Congo, vaste pays d'Afrique centrale qualifié de "scandale géologique" tant son sous-sol regorge de minerais.
Mais elles sont aussi une source constante de pollution, de l'eau, du sol, de l'air, dénoncée par des ONG locales qui appellent à une réglementation plus rigoureuse du secteur.
Trois d'entre elles ont publié en 2021 un rapport sur une étude menée auprès des communautés riveraines de la grande mine à ciel ouvert de Ruashi dont les eaux usées, disent les ONG, sont rejetées principalement dans la rivière Luano, qui sert à l'irrigation des cultures.
Quelque 400.000 personnes vivent dans ces communautés. Certaines, hommes, femmes et enfants, travaillent dans les mines, grattant, cassant et tamisant la roche pour tenter de gagner leur vie.
Mais la plupart sont des agriculteurs, qui ont perdu en grande partie leur moyen de subsistance à cause de la pollution, affirme Christian Bwenda, coordonnateur d'une de ces ONG, PremiCongo.
L'extraction minière était autrefois artisanale, mais les vrais problèmes ont commencé il y a une vingtaine d'années avec l'exploitation industrielle de la mine par Ruashi Mining, devenue en 2013 une filiale à 75% de la multinationale chinoise Jinchuan Group Ltd, les 25% restants étant détenus par la compagnie minière publique congolaise Gécamines.
La terre, acide, ne produit plus comme avant et les paysans utilisent de l'engrais chimique pour augmenter les rendements.
Mifie dit qu'elle peut gagner 200.000 francs congolais (70 dollars) par mois avec ses cultures, mais se lamente d'en dépenser une partie en engrais. Un paquet coûte 2.500 francs (0,9 dollar) et elle en achète parfois jusqu'à cinq par jour.
"Risque énorme"
Célestin, lui, producteur de fraises, n'utilise pas d'engrais chimique parce que, dit-il, ses clients veulent du "bio". Mais il doit bien reconnaître que même sans fertilisant chimique ajouté, les consommateurs ne sont pas friands de ses fruits arrosés à l'eau polluée, qui lui a d'ailleurs causé des problèmes de peau.
Chaussé de bottes en caoutchouc, il raconte, à l'ombre d'un arbre en bordure de son champ, que quand il travaillait sans ce type de protection, il avait "des blessures" et que ça lui "faisait mal".
Thérèse Ngoy, enseignante de 58 ans, affirme qu'environ 60% des enfants qu'elle connaît ont des problèmes de santé liés à l'eau et à la poussière de la mine.
"Nous avons des gens qui ont mal aux yeux", constate-t-elle.
"Le problème de la pollution existe partout où des mines sont exploitées", affirme Georges Mawine, ancien ministre des mines du Haut-Katanga, province dont Lubumbashi est le chef-lieu.
Arthur Kaniki, professeur et responsable du laboratoire d'analyse environnementale à l'université de la ville, confirme que l'eau à proximité des mines est polluée, ce qui présente "un risque énorme pour la santé" des riverains.
"Nous avons demandé à la population d'éviter d'utiliser cette eau, surtout pour la consommation directe ou pour arroser", déclare-t-il, évoquant lui aussi des maladies de peau mais également des malformations congénitales.
Dans leur rapport, les ONG reprochent à Ruashi Mining d'avoir "refusé de partager les informations" sur ses études environnementales avec "les communautés locales et le public".
Interrogée par l'AFP, Elisa Kalasa, responsable du département social et communautaire de Ruashi Mining, a répondu par écrit que l'entreprise avait un "département environnement, qui prélève régulièrement des échantillons d'eau et d'air".
Ruashi Mining "a amélioré l'eau pour la communauté, en partenariat avec la (compagnie des eaux) Regideso", a-t-elle assuré.
Mais pour Christian Bwenda, ce n'est pas suffisant. "L'entreprise doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que les impacts négatifs sur la vie des gens soient le plus possible réduits", dit-il.