Consciente des enjeux après une grave crise, la diaspora sénégalaise est "soulagée" d'aller au vote dimanche, avec l'espoir qu'il ait lieu dans le calme et de passer ensuite "à autre chose".
"Je suis venu pour remplir mon droit! Pour dimanche: 5ème président, Amadou Ba!", lance M. Seck en référence au candidat de la coalition gouvernementale, avant de disparaître au milieu d'un flux continu de Sénégalais venus au consulat retirer leurs cartes.
Sept millions de Sénégalais sont appelés à choisir dimanche - entre le candidat du pouvoir et 18 concurrents (dont la tête d'affiche de l'opposition Bassirou Diomaye Faye) - un successeur au président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012.
Aicha Diaby, auto-entrepreneuse de 28 ans, sort avec discrétion du consulat, carte électorale en main. "Je dois vraiment voter, c'est très important pour le pays, et pour moi en tant que jeune", confie-t-elle à l'AFP. "Je vais voter pour le changement! On veut voir un autre Sénégal!", lance-t-elle en référence au "candidat du changement de système", Bassirou Faye.
A l'instar de plusieurs interlocuteurs de l'AFP parmi la diaspora, elle confie avec émotion ne pas être "tranquille" à quelques jours du scrutin.
Le premier tour de cette présidentielle se tient après une grave crise. Macky Sall avait causé un choc en décrétant le 3 février un report de dernière minute et de dix mois de la présidentielle. Des manifestations ont fait quatre morts. Le Conseil constitutionnel a finalement forcé l'exécutif à organiser l'élection ce 24 mars.
Le Sénégal avait déjà connu depuis 2021 des épisodes de troubles meurtriers provoqués par le bras de fer entre l'opposant Ousmane Sonko et le pouvoir, conjugué au flou maintenu par Macky Sall sur un troisième mandat et aux tensions sociales.
Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées.
"Ce que souhaite la diaspora? C'est qu'on aille aux élections et qu'on passe à autre chose", résume le consul du Sénégal à Paris Amadou Diallo, qui constate "une effervescence politique de chaque camp".
Selon les chiffres communiqués par le consul, le nombre de Sénégalais avec un titre de séjour installés en France est d'environ 200.000. Mais ce chiffre atteint 1,1 million si l'on inclut les binationaux, selon le consul. Quelque 81.000 personnes sont inscrites sur les listes électorales, précise-t-il.
Fébrilité
Ces dernières semaines, les partisans des candidats ont accéléré cette campagne en France: distribution de tracts sur des marchés, porte-à-porte chez l'habitant, meetings avec des responsables de section des partis.
"Je fais campagne tout le temps, j'ai des flyers en permanence dans ma voiture!", lance à l'AFP Issa-Isaac Ngom, 39 ans, responsable de la coalition "Diomaye Président" pour le sud de la France, interrogé par téléphone.
"On s'est mobilisé tout le weekend pour faire le tour de tous les marchés à Marseille, les foyers de travailleurs (immigrés), des visites dans les familles".
Parmi la diaspora rencontrée ces derniers jours, il dit avoir ressenti "l'enthousiasme que cette élection capitale se tienne enfin".
Une fébrilité partagée par Lamine Seye, employé du restaurant de cuisine sénégalaise "Le Wiri Wiri", dans le XIIème arrondissement de Paris. A l'heure du déjeuner en ce jeûne du mois de ramadan, le lieu est beaucoup moins fréquenté qu'à l'accoutumée.
"J'irai voter, je ne laisserai pas les autres voter pour moi!"
Il se dit "soulagé" de la tenue du vote, mais confie avoir eu "peur que le Sénégal chavire". "J'ai 30 ans et je n'ai jamais vécu ça: une cinquantaine de morts!"
Le musicien franco-sénégalais Neega Mass, qui se présente comme un "artiste panafricain engagé", s'est de son côté "beaucoup mobilisé pour conscientiser" ses compatriotes, en plaidant sur ses réseaux sociaux pour "un nouveau souffle" et un président qui apporterait "l'emploi pour les jeunes, l'éducation, la santé, le pouvoir d'achat".
Emile Bakhoum, 42 ans, un des responsables en France du parti de Macky Sall (APR), se dit "très serein".
Il se félicite du "sursaut qui nous a permis d'aller vers une élection apaisée", même s'il juge "regrettable" les décès lors des troubles et les dégâts matériels.
Pour Issa-Isaac Ngom, cette campagne reste marquée par "un sentiment de tristesse, parce qu'une seule perte en vie humaine c'est une perte de trop", dénonçant les "milliers d'arrestations" et les "centaines de blessés dont certains garderont des séquelles à vie". "Le Sénégal ne méritait pas cela", déplore-t-il.