Des militaires ivoiriens défilent lors du 64e anniversaire de l'indépendance de la Côte d'Ivoire à Grand-Bassam, le 7 août 2024/ Photo: AFP

Pendant des mois après l'attaque terroriste meurtrière de 2020, Kafolo a eu des allures de village fantôme. Quatre ans plus tard, la vie a repris son cours dans le nord ivoirien, le fruit selon ses habitants d'une double réponse de l'Etat : sociale et militaire.

En juin 2020, une première attaque avait fait 14 morts, avant que deux autres soldats ne soient tués en mars 2021.

Longtemps, les habitants ont déserté les champs, fermé leurs commerces et sont restés cloîtrés chez eux de peur que les terroristes ne reviennent.

Aujourd'hui, Kafolo a retrouvé les allures d'une ville normale : restaurants, salons de coiffure, garages sont ouverts et les habitants vaquent à leurs occupations. Un collège a même ouvert ses portes l'an dernier.

"On ne nous a pas laissé tomber", affirme à l'AFP le chef du village, Tiémogo Bamba.

"Il y a eu beaucoup de changements positifs, la jeunesse a été impliquée dans le développement, les jeunes ont été pris dans des ateliers, des formations, de l'apprentissage", détaille-t-il.

Début 2022, la Côte d'Ivoire a lancé un vaste programme d'aide pour la jeunesse, en particulier pour les régions du nord, frontalières du Burkina et du Mali où sévissent les groupes armés.

L'objectif: former les jeunes à un nouveau métier pour qu'ils ne cèdent pas aux sirènes des terroristes qui recrutaient dans la zone ou des orpailleurs illégaux qui sont encore très actifs.

Dans l'atelier de ferronnerie de Kafolo, Kambiré Koko, 18 ans, s'applique à découper des fenêtres en métal.

"Apprendre un métier c'est mieux que de traîner à ne rien faire. Quand tu ne fais rien, tu es tenté si on vient te proposer de l'argent et une moto pour aller dans de mauvais coins", explique-t-il.

Chaque mois, il touche 30.000 francs CFA (45 euros) via le programme d'aide pour récompenser son apprentissage et il espère pouvoir bientôt ouvrir son propre atelier.

"Ca m'encourage"

"Avec cette somme, je peux m'acheter à manger. Ca m'encourage pour apprendre mon métier", abonde Augustin Pale Sansan, apprenti maçon qui espère toutefois que l'allocation "va augmenter".

D'autres ont bénéficié de prêts comme Naminata Bamba qui en a profité pour rouvrir son restaurant et en agrandir la carte ou Lamissa Traoré, commerçant et président des jeunes de la ville.

"Après les attaques, mon commerce s'était arrêté. Grâce à un crédit et à une subvention, non seulement j'ai pu reprendre, mais j'ai eu les moyens d'envoyer deux enfants de plus à l'école", se réjouit-il.

"La méthode a porté ses fruits, aujourd'hui on peut venir dans cette zone sans escorte armée. Nous sommes heureux de voir tous ces jeunes occupés. Ils ont un autre regard sur eux-mêmes", assure Casimir Djé Bi, chef de l'Agence emploi jeunes de la région.

Au total, près de 54.000 jeunes ont été soutenus dans les zones nord du pays, selon le ministère de la Jeunesse.

En ce jeudi de septembre, le chef du village est davantage préoccupé par les inondations qui touchent son village, depuis que la Comoé est sortie de son lit, engloutissant quelques maisons.

Ce fleuve sert de frontière naturelle avec le Burkina Faso où des groupes terroristes opèrent toujours, parfois à quelques kilomètres de Kafolo.

Côté ivoirien, aucun incident sécuritaire n'a été relevé depuis près de trois ans.

Le dispositif militaire a été renforcé depuis les attaques et la présence des soldats en ville rassure les habitants.

"Beaucoup de militaires sont là et veillent sur nous, ça a fait revenir la confiance, on n'a plus peur. L'agriculture a même repris", assure le chef Bamba.

Mais si la sécurité est de retour à Kafolo, la situation reste bien différente de l'autre côté du fleuve et les échanges entre les deux rives se sont taris.

"J'ai des parents juste là-bas au Burkina mais je n'y ai pas remis un pied depuis l'attaque de Kafolo. Les terroristes sont juste là!", confie Lamissa Traoré.

Et les relations diplomatiques tendues entre la Côte d'Ivoire et les militaires au pouvoir au Burkina Faso n'aident pas.

"On avait un marché 5 jours par semaine, les gens du Burkina venaient et nous on allait là-bas sur leurs marchés, mais c'est fini. En plus si au Burkina, tu dis que tu viens de Kafolo en Côte d'Ivoire tu peux avoir des problèmes. On a peur si on va là-bas, que ce soit des groupes terroristes ou des VDP", les supplétifs civils (Volontaires pour la défense de la patrie), confie Tiémogo Bamba.

Ces supplétifs recrutés pour renforcer l'armée dans les localités du Burkina Faso sont parfois accusés d'exactions contre des civils.

AFP