Le président du Rwanda, Paul Kagame, s'adresse aux médias lors d'une conférence de presse à la suite de la commémoration du 30e anniversaire du génocide de 1994 contre les Tutsi, le 8 avril 2024 à Kigali, au Rwanda. Photo : Getty images

L'Union européenne a décidé de suspendre les consultations avec le Rwanda sur les questions de défense et demandé à Kigali de retirer ses troupes du territoire de la République démocratique du Congo (RDC).

C'est ce qui ressort d'une déclaration de Kaja Kallas, haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères et de la politique de sécurité, vice-présidente de la Commission européenne, à l'issue d'une réunion du Conseil des affaires étrangères, tenu lundi à Bruxelles.

Kallas a également indiqué que le mémorandum d'entente avec le Rwanda concernant les matières premières critiques sera réexaminé.

"La situation est très grave et risque de dégénérer en conflit régional. L’intégrité territoriale n’est pas négociable, en RDC comme en Ukraine. La Charte de l’Onu s’applique de la même manière partout", a souligné la vice-présidente de la Commission européenne.

"C’est pourquoi nous soutenons les processus de paix de Luanda et de Nairobi, afin de parvenir à des résultats par des moyens diplomatiques", a-t-elle expliqué, annonçant que plusieurs mesures ont été prises.

"Tout d’abord, les consultations sur les questions de défense avec le Rwanda ont été suspendues. Nous avons demandé au Rwanda de retirer ses troupes du territoire de la RDC. Enfin, le protocole d’accord avec le Rwanda concernant les matières premières critiques sera réexaminé", a-t-elle détaillé.

Sanctionner en fonction de la situation

La Haute représentante de l'Union européenne a également annoncé une décision politique "d’appliquer des sanctions en fonctions de la situation sur le terrain".

Ces décisions interviennent moins de deux semaines après l'adoption par le Parlement européen d'une résolution, le 13 février courant, appelant le Conseil et la Commission des 27 à suspendre immédiatement le mémorandum d’entente conclu entre l’Union européenne et le Rwanda sur les chaînes de valeur des matières premières durables, signé le 19 février 2024.

Dans leur résolution, les députés européens ont également demandé “à la Commission, aux États membres de l'UE et aux institutions financières internationales de geler l'aide budgétaire directe au Rwanda”, soutenant que la Commission et les pays de l'UE “devraient également cesser leur assistance militaire et sécuritaire aux forces armées rwandaises pour éviter de contribuer directement ou indirectement à des opérations militaires abusives dans l'est de la RDC”.

“Le gouvernement rwandais doit retirer ses troupes du territoire de la République démocratique du Congo et cesser sa coopération avec les rebelles du M23”, avait plaidé le Parlement européen.

Pour rappel, l’Union européenne et le Rwanda avaient conclu le 19 février 2024 un accord important pour “favoriser le développement de chaînes de valeur durables et résilientes pour les matières premières critiques”, dont le tantale, l’étain, le tungstène, l’or et le niobium.

Dans un communiqué rendu public le jour même, il était mentionné clairement que ledit accord avait "pour objectif de renforcer le rôle du Rwanda dans la promotion du développement durable et des chaînes de valeur résilientes en Afrique".

Cet accord avait été critiqué par le président congolais Félix Tshisekedi le qualifiant de “condamnable”, dans la mesure où il devait permettre au Rwanda d’exporter à l’Union européenne des produits miniers dont il ne disposait pas, mais qu'il pillait illégalement en RDC, entre autres, à travers le M23.

Kinshasa refuse de négocier avec "un groupe terroriste"

Le Mouvement du 23 Mars a été créé en 2012 par des militaires dissidents de l’armée congolaise. Après une brève montée en puissance, il a été défait en 2013 par les Fardc, appuyées par les Casques bleus de la Monusco. Cependant, le M23 a repris les armes en 2022, s’emparant de plusieurs localités dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, situées à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda.

Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir activement le M23 pour accéder aux richesses minières de la région. Ces accusations sont étayées par des rapports d’agences onusiennes, qui pointent un appui militaire rwandais au mouvement rebelle.

Le Rwanda réfute ces allégations, affirmant que le M23 est un mouvement congolais dirigé par des Congolais, bien que ses membres parlent le kinyarwanda, la langue rwandaise. Kigali rejette également les conclusions des rapports onusiens et rappelle avoir désarmé les rebelles du M23 qui s’étaient réfugiés sur son sol en 2012-2013, avant de remettre leur arsenal aux autorités congolaises.

Les rebelles du M23 revendiquent désormais le contrôle de Goma et de Bukavu, mettant en place une administration parallèle.

Depuis le 26 janvier, plus de 3 000 personnes ont été tuées, 2 880 blessées et plus de 500 000 déplacées, qui s'ajoutent aux 6,4 millions de personnes déjà déplacées à l'intérieur du pays, selon l'ONU.

Au moins 20 Casques bleus, dont 14 Sud-Africains, ont été tués lors des affrontements entre les rebelles du M23 et les forces congolaises.

Des médiations issues de deux processus, dits de Lunada et de Nairobi, ne sont pas parvenus à trouver un compromis politique entre Kinshasa et Kigali.

Pour la RDC, le M23 est un groupe ‘’terroriste’’ et toute forme de négociation avec lui est catégoriquement rejetée.

AA