Par Samantha Ram
La pression monte alors que ses chefs d'état-major se réunissent de mercredi à vendredi à Abuja. La Cédéao menace d'intervenir militairement.
La France, ancien colonisateur du Niger, pour sa part, rejette catégoriquement la chute de son principal allié au Sahel. Il soutient les mesures de l’organisation régionale africaine pour évincer les putschistes.
Ces derniers ont accusé Paris de vouloir également s'ingérer militairement au Niger, une allégation démentie par la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna. La France a également évacué ses ressortissants.
La France et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), ne ménagent aucun effort pour rétablir Mohamed Bazoum à la présidence du Niger.
Bazoum n'a pas encore démissionné, même si l'armée prétend l'avoir renversé. Il est détenu depuis le 26 juillet, date du coup d'État.
Les chefs d'état-major de la CEDEAO se réunissent dans la capitale nigériane Abuja pour prendre une décision sur la question de l'usage de la force contre les putschistes.
Le 27 juillet, l'organisation régionale a donné aux putschistes un ultimatum d'une semaine pour revenir à l'ordre constitutionnel. Dans le cas contraire, elle a menacé de prendre « les mesures nécessaires », précisant que « celles-ci peuvent inclure le recours à la force ».
C'est un avertissement qu'il faut prendre très au sérieux, d'autant plus que le président du Nigéria Bola Ahmed Tinubu avait déclaré lors de sa prise de fonction à la présidence de la CEDEAO début juillet, que « nous ne permettrons pas coup d'État après coup d'État en Afrique de l'Ouest »
Le cas du Niger soulève des questions notamment pourquoi la CEDEAO menace de recourir à la force pour rétablir l'ordre constitutionnel dans le pays, alors qu'elle ne l'a pas fait contre le Mali et le Burkina Faso ?
Les enjeux sont différents. La raison en est la position hautement stratégique du Niger. Il borde le Nigeria, qui fait face aux rebelles du « Boko Haram ». Sa position géostratégique en fait une base de surveillance idéale dans la zone sensible dite des "frontières tripartites", zone qu'elle partage à la fois avec le Mali et le Burkina Faso.
Enfin, avant le coup d'État, le Niger était un grand allié de la France, notamment en termes de stratégie militaire au Sahel. Les tensions diplomatiques avec Bamako et Ouagadougou ont contraint la France à retirer ses troupes de ces deux pays et à renforcer sa présence au Niger.
Avec la fin de l’opération militaire « Barkhane » au Mali et le départ des troupes françaises du Burkina Faso, Paris espérait redynamiser sa présence armée en Afrique de l'Ouest. La perte d'un allié aussi stratégique que le Niger remet en cause la présence militaire française dans la région.
Outre les intérêts militaires, il y a aussi des intérêts économiques. Autre enjeu majeur, l'avenir du parc nucléaire français. Le Niger est le 7e producteur mondial d'uranium.
Depuis près de 50 ans, la France y exploite plusieurs mines d'uranium par l'intermédiaire de l'ex-société Areva, aujourd'hui connue sous le nom d'Orano.
La multinationale française concentre ses efforts sur le démarrage de l'exploitation du gisement d'Imouraren dans le nord-est du pays. Son potentiel est immense : près de 200 000 tonnes.
Selon la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom), le Niger a contribué à hauteur de 19 % aux approvisionnements français en uranium sur la période 2005-2020, derrière le Kazakhstan et l'Australie, un chiffre sous-estimé par les anti-nucléaires.
Et dans le contexte géopolitique actuel, avec la guerre en Ukraine, la France se trouve inévitablement dans une situation de dépendance énergétique du Niger et d'ailleurs. Une rupture avec le Niger nuirait donc à l'ancien colonisateur.
L'uranium est un sujet sensible au Niger, où 80% de la population vit en milieu rural et où l'accès à l'électricité est très faible.
Les souverainistes et les panafricanistes font également campagne contre l'exploitation continue des ressources naturelles du continent par des éléments étrangers. Ils demandent plus de mesures pour que les populations et les entreprises africaines profitent mieux des ressources. Près de 60% de la population nigérienne vit en dessous du seuil de la pauvreté.
Le temps semble jouer contre la France et la CEDEAO. À Niamey, des manifestants pro-coup d'État se sont rassemblés pour dénoncer la France et toute ingérence étrangère, et souligner la souveraineté du pays. C'est un message que les putschistes voudraient faire passer aux citoyens.
La menace d'une intervention militaire des pays d'Afrique de l'Ouest reste sensible et compliquée, car elle pourrait être perçue comme une atteinte à la souveraineté du Niger.
Le Mali et le Burkina Faso, deux voisins du Niger également sous régime militaire, ont déjà mis en garde contre toute intervention militaire au Niger.
Par ailleurs, d'un point de vue opérationnel, l'action militaire s'avère complexe à mettre en place. En effet, les putschistes détiennent toujours le président déchu Mohamed Bazoum. Du coup, la situation actuelle incite à la prudence car des solutions restent à trouver.
L'auteur, Samantha Ram, est une journaliste indépendante et une experte des affaires africaines.
Avertissement : les points de vue exprimés par l'auteur ne reflètent pas nécessairement les opinions, les points de vue et les politiques éditoriales de TRT Afrika.