Le président sud-africain Cyril Ramaphosa, qui conserve une forte popularité et la réputation d'être un fin négociateur sous ses airs de père de famille affable, pourra-t-il se maintenir au pouvoir après la déflagration des législatives qui a vu l'ANC perdre sa majorité absolue pour la première fois de son histoire?
La question commence à circuler dans le pays et au sein du Congrès national africain (ANC), déjà très divisé avant le score coup de massue des législatives, qui s'établissait samedi à 40%.
L'ANC, au pouvoir depuis la fin de l'apartheid, demeure cependant le parti le plus important au Parlement. Et c'est la nouvelle Assemblée qui sera chargée d'élire le prochain président courant juin.
Scénarios possibles
D'ici là, les tractations vont se multiplier autour de différents scénarios possibles, que Ramaphosa devra soumettre au tout-puissant Comité exécutif national (NEC) de l'ANC.
En perdant sa majorité absolue, le parti au pouvoir doit forger des alliances, soit pour former un gouvernement de coalition avec un ou plusieurs partis, soit pour constituer un gouvernement minoritaire qui devra chercher au coup par coup des alliés pour faire passer ses projets de loi.
"Le parti s'est rallié à lui dans une certaine mesure. Il y a eu des commentaires de très haut niveau disant +nous n'allons pas rappeler Ramaphosa+" mais son avenir "va vraiment dépendre des négociations et discussions" autour des alliances possibles, note Christopher Vandome, chercheur au think-tank Chatam House.
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Avant l'élection, Ramaphosa, 71 ans, bénéficiait d'un large soutien au sein de l'ANC, forcément "entamé par les résultats" électoraux, mais pour l'expert, "la préséance" et discipline de parti vont jouer: "Ils ne veulent pas que quelqu'un de l'extérieur vienne leur dire qui doit être leur président".
La secrétaire générale adjointe de l'ANC, Nomvula Mokonyane, a d'ailleurs déclaré qu'il n'était pas question pour Ramaphosa, surnommé "Oncle Cyril" pour sa bonhommie mais aussi parfois "Le Buffle" pour sa ténacité, de démissionner.
"Ce n'est pas le sujet"
"Il a assuré" au nom de l'ANC pendant la campagne et "tous ceux qui se livrent à des spéculations" sur son avenir "ne connaissent pas l'ANC", a-t-elle mis en garde. "Aucune structure de l'ANC n'a discuté" d'un départ de Ramaphosa, "pour l'instant ce n'est pas le sujet", a-t-elle insisté samedi.
Si un accord est trouvé entre l'ANC et le premier parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA, centre libéral), qui a obtenu 21,6% des voix, "Ramaphosa restera en place", estime encore M. Vandome.
Car ce parti pro-business, qui plaide pour une gouvernance saine, "voudra garder Ramaphosa à la tête du pays et rejettera toute autre option", notamment une alliance de l'ANC sur sa gauche radicale et populiste.
En outre, la claque imposée à l'ANC par le tout nouveau parti (MK) fondé par l'ex-président Jacob Zuma, qui devient la troisième force du pays avec plus de 14% des voix, peut permettre à l'ANC de minimiser sa contre-performance.
Le parti pourra accuser le MK, qui a remporté la province zouloue, d'avoir capturé les électeurs naturels de l'ANC dans cette région densément peuplée. L'ANC pourra ainsi "bâtir un récit" pour expliquer que Ramaphosa n'est pas responsable des piètres résultats, estime M. Vandome.
"Pas d'alternative"
Pour la politologue Susan Booysen, "il n'y a pas de véritable alternative" à Ramaphosa au sein de l'ANC, notamment parce que le président et son noyau proche "ont travaillé si dur pour s'établir, pour se consolider" au sein du parti.
Et l'opposition, morcelée, n'a aucun président "charismatique, dynamique et populaire" à proposer en face, ajoute-t-elle.
Protégé de Nelson Mandela qui l'avait distingué comme le plus prometteur de sa génération, M. Ramaphosa avait été mis en difficulté en 2022 par un scandale fleurant la corruption. Mais le parti avait fait corps et l'avait reconduit à sa tête.
Ce fils de policier, originaire de Soweto, foyer de la lutte contre l'apartheid, avait succédé au sulfureux Jacob Zuma en 2018, faisant de la lutte contre la corruption une priorité.