En trois questions, Hamza Karcic, professeur à la faculté de sciences politiques de l'université de Sarajevo, évalue les dernières tensions au Kosovo, les réactions de la communauté internationale et les scénarios possibles pour l'avenir.
Qu'est-ce qui a provoqué les tensions dans la région ?
Le dernier cycle de tensions au Kosovo a commencé fin mai, lorsque des maires albanais ont tenté de prendre leurs fonctions dans quatre municipalités à majorité ethnique serbe dans le nord du pays. Les Serbes avaient boycotté les élections d'avril qui s'étaient soldées par la victoire des candidats albanais. Des manifestants serbes ont alors recouru à la violence pour empêcher les nouveaux élus de prendre leurs fonctions. Cela a conduit à des affrontements entre les manifestants serbes et les troupes de la mission internationale de maintien de la paix au Kosovo (KFOR) dirigée par l'OTAN dans le pays. Une trentaine de soldats de la KFOR ont été blessés au cours de ces affrontements.
Les observateurs et les analystes de la région s'accordent à dire que Belgrade est à l'origine des tensions au Kosovo. Les images et les photos des soldats blessés de la mission dirigée par l'OTAN au Kosovo, largement diffusées dans les médias et sur les réseaux sociaux, ont eu pour effet d'humilier les troupes internationales qui font partie de la KFOR.
Si la cause immédiate est apparemment liée à la question de savoir qui exercera le pouvoir dans quelques municipalités du nord, la véritable cause profonde est le refus de Belgrade de reconnaître la réalité de l'indépendance du Kosovo. Au lieu de poursuivre la normalisation et la reconnaissance mutuelle avec Pristina, Belgrade a choisi de mettre en place des institutions parallèles dans le but de projeter son pouvoir dans cette partie du Kosovo. Pour Pristina, il s'agit là d'une ingérence inacceptable dans les affaires intérieures du Kosovo.
Quelles ont été les réactions ?
Après que ses soldats ont été blessés, l'OTAN s'est engagée à envoyer 700 soldats supplémentaires au Kosovo. Cette décision de déployer des commandos renforcera la présence de la KFOR au Kosovo, qui est actuellement estimée à environ 3 800 soldats issus de 27 pays.
La Turquie a envoyé des unités militaires spéciales dans le pays à la demande de l’OTAN. Il s'agit d'un message important de la part de la Turquie quant à son engagement en faveur de la paix dans les Balkans. La décision de la Turquie a été saluée dans la région comme un pas important vers l'apaisement de la situation. La Turquie est bien placée pour jouer un rôle de médiateur afin d'apaiser les tensions et constitue une voix essentielle au sein de l'OTAN qui peut plaider en faveur de l'adhésion du Kosovo à l'Alliance.
Un certain nombre de responsables occidentaux ont injustement rendu les dirigeants du Kosovo, et en particulier le premier ministre Albin Kurti, responsables de la dernière flambée de violence dans cette partie des Balkans. En fait, Pristina a réagi en exerçant sa souveraineté sur une partie de son propre territoire.
Pour les observateurs des Balkans, il est incompréhensible que la condamnation internationale de la violence ait été dirigée contre Pristina et non contre Belgrade. Confronté à des manifestations de plus en plus nombreuses contre son pouvoir, le président serbe Aleksandar Vucic a opportunément cherché à détourner l'attention en se positionnant, dans l'embrasement actuel, une fois de plus, comme un "défenseur des Serbes du Kosovo".