Quelque part dans l'Atlantique Nord, un submersible avec cinq personnes à bord est porté disparu, peut-être à des kilomètres sous la surface de la mer.
Les passagers sont des touristes fortunés, dont un explorateur britannique et un homme d'affaires pakistanais, qui avaient payé 250.000 dollars pour visiter les vestiges du Titanic, qui a sombré il y a 111 ans et dont l’épave se trouve à près de quatre kilomètres de profondeur.
Sur les réseaux sociaux, les utilisateurs de Twitter ont juxtaposé une image virale d'un chalutier de pêche transportant plus de 700 réfugiés qui a coulé au large de la Grèce la semaine dernière, avec une photo d'un submersible Titan utilisé pour explorer l’épave du Titanic, soulignant-là une couverture médiatique pour le moins "biaisée" des Occidentaux.
Pourquoi la disparition du submersible suscite-t-elle tant d’intérêt dans les médias occidentaux ?
Le submersible est lui-même un objet de curiosité. Des inquiétudes quant à sa durabilité ont été soulevées dans un procès en 2018 alléguant qu'il ne pouvait pas évoluer en toute sécurité dans les profondeurs de l'océan.
On peut à certains égards comprendre que la disparition du submersible soit sans doute la plus grande nouvelle des derniers jours. Par ailleurs aucun doute qu’il s’agisse d’un mystère, puisque personne ne sait où il se trouve, ni ce que sont devenus ses passagers.
Il y a, de plus, une course contre la montre, car le sous-marin a suffisamment d'oxygène pour tenir jusqu'à jeudi matin, selon les garde-côtes. Il y a à la fois la possibilité d'une fin heureuse ou d'une tragédie profonde.
Et puis il y a le profil des passagers, des riches personnalités qui ont risqué leur vie dans ce qui constitue essentiellement une expédition inédite.
Des bateaux de migrants coulent régulièrement en Méditerranée
Mais la couverture du submersible disparu illustre involontairement quelque chose d'encore plus tragique. Le 14 juin dernier, le deuxième naufrage de réfugiés et de migrants le plus meurtrier jamais enregistré s'est produit au large des côtes grecques, provoquant la mort de centaines de personnes.
Les autorités grecques, qui avaient suivi le navire, laissaient présager que les garde-côtes du pays avaient tardé à agir malgré de nombreux signes avant-coureurs.
Selon des groupes de défense des droits de l'homme, les garde-côtes grecs ont peut-être ignoré les signaux SOS du bateau, tandis que certains survivants ont accusé les autorités grecques d'être directement impliquées dans l'accident.
Les survivants et les critiques affirment qu'une intervention rapide des garde-côtes aurait pu sauver des vies alors que l'incident suscite un débat sur les protocoles de sauvetage et le traitement des réfugiés en mer.
Il s'agit d'une nouvelle considérable, qui montre à la fois la crise actuelle des réfugiés en Europe et l'insensibilité avec laquelle de nombreux pays européens traitent les migrants tentant désespérément d'atteindre le rivage.
Cette information a néanmoins a été fort peu relayée dans les médias occidentaux, et elle a été très vite éclipsé par la disparition du submersible.
Une disparité frappante dans les moyens mis en oeuvre
Les puissances mondiales se sont mobilisés pour soutenir la recherche du sous-marin touristique, avec notamment des avions militaires américains et canadiens, des navires de la garde côtière et des robots téléguidés, soutenus aussi par la France et quelques pays européens.
Un volontarisme similaire manquait à l'intervention d'urgence lorsque des centaines de réfugiés, fuyant les guerres et la famine, se sont noyés en Méditerranée.
"J'espère vraiment que les 5 hommes qui ont tenté de voir l'épave du Titanic seront sauvés. Je me demande aussi ce qu'il est advenu des 500 demandeurs d'asile toujours portés disparus du bateau qui a été autorisé à couler au large de la Grèce ", a déclaré sur Twitter Alan Lester, professeur à l'Université du Sussex et à l'Université La Trobe.
"Personne ne devrait mourir. Cependant, l'ironie est que 5 riches [dont 2 de Pak] partent pour le Titanic, le tourisme fait désormais la une de CNN. Alors que 298 pakistanais pauvres se sont noyés en Grèce, cela ne vaut plus la peine d'en parler comme d'une principale histoire parce que leur sang est bon marché...", a tweeté le professeur Umer Hussain.
Le naufrage le plus meurtrier de migrants et de réfugiés s'est produit en avril 2015, lorsqu'un bateau transportant jusqu'à 1 100 personnes voyageant de la Libye vers l'Italie a chaviré en Méditerranée.
Depuis lors, les migrants et les réfugiés n'ont cessé d'arriver en Europe ; les bateaux qui les transportaient ont tragiquement continué à faire naufrage. Et pourtant, la couverture médiatique occidental s'est largement tarie.
Les médias américains et européens sont rapidement passés à autre chose. L'attention n'est jamais revenue au niveau qu'elle avait atteint cet été-là, même si les migrants ont continué à prendre des risques exorbitants pour se rendre en Europe.