Un enfant palestinien pleure à côté d'une femme après des frappes israéliennes, dans un hôpital de Khan Younis. / Photo: Reuters

Plusieurs milliers de personnes, malades, personnel et civils déplacés par la guerre qui fait rage depuis le 7 octobre, s'entassent sur le site de l'hôpital al-Chifa, en plein centre de la ville de Gaza, abritant selon Israël des infrastructures du mouvement islamiste dans un réseau de tunnels.

"Il y a des corps qui jonchent les allées du complexe hospitalier et les chambres frigorifiées des morgues ne sont plus alimentées" en électricité, a raconté à l'AFP Mohammed Abou Salmiya, le directeur de l'hôpital al-Chifa, ajoutant qu'au moins "179 corps" avaient été enterrés mardi dans une fosse commune.

Un journaliste collaborant avec l'AFP à l'intérieur de l'hôpital a raconté que l'odeur des corps en décomposition était étouffante.

Des chars israéliens étaient massés mardi aux portes d'al-Chifa, tandis que les combats et les frappes aériennes aux alentours se sont poursuivis dans la nuit de lundi à mardi, a-t-il ajouté, moins intenses cependant que les nuits précédentes.

Mardi, Médecins sans frontières a assuré sur X que des tirs avaient visé l'un des trois sites de MSF près de ce même hôpital, où se réfugiaient des membres de l'ONG et leur famille, "plus de 100 personnes dont 65 enfants".

MSF a exhorté l'armée israélienne et le Hamas d'instaurer "un passage sécurisé" pour leur permettre de "quitter l'épicentre des combats intenses en cours à Gaza-ville" mais aussi pour les milliers de civils piégés par les combats.

Le président américain, Joe Biden, a appelé Israël, dont les Etats-Unis sont un allié-clé, à la retenue et le chef de l'ONU s'est dit "très inquiet de la situation horrible et des pertes humaines importantes dans plusieurs hôpitaux à Gaza", selon le porte-parole d'Antonio Gutteres. "Au nom de l'humanité, le secrétaire général appelle à un cessez-le-feu humanitaire immédiat", a ajouté Stéphane Dujarric.

L'armée israélienne a affirmé mardi avoir pris possession des bâtiments gouvernementaux du Hamas dans la ville de Gaza, le mouvement islamiste minimisant cette annonce en parlant d'immeubles "vides".

Conséquences d'une frappe israélienne à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza/Reuters

"Libération immédiate" des otages

Depuis l'attaque lancée sur son sol par des commandos du Hamas le 7 octobre, Israël frappe sans répit Gaza et y mène depuis le 27 octobre une opération terrestre pour "anéantir" le mouvement islamiste, au pouvoir dans le territoire palestinien assiégé.

Les bombardements israéliens ont tué 11.320 personnes, majoritairement des civils, parmi lesquels 4.650 enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Du côté israélien, environ 1.200 personnes ont été tuées, selon les autorités, en grande majorité des civils le jour de l'attaque d'une ampleur et d' une violence jamais vues depuis la création d'Israël en 1948.

Le jour de l'attaque du Hamas, classé organisation terroriste par les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël, quelque 240 personnes ont été enlevées et ramenées à Gaza, selon l'armée.

"Libération immédiate de tous les otages": derrière ce mot d'ordre, une centaine de proches d'otages, leurs portraits imprimés sur des tee-shirt noirs, sont partis mardi de Tel-Aviv pour une marche de 63 kilomètres jusqu'au bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Jérusalem.

L'armée a annoncé mardi la mort de Noa Marciano, une soldate de 19 ans otage du Hamas, au lendemain de la diffusion par le mouvement islamiste d'une photo la présentant comme "tuée par un bombardement" israélien.

Lundi, la branche armée du Hamas a accusé les autorités israéliennes de "tergiverser" dans les discussions, via une médiation du Qatar, sur la possible libération de dizaines d'otages en échange de celle de "200 enfants et 75 femmes" incarcérés par Israël.

Mardi, un responsable du mouvement islamiste, Osama Hamdan, a affirmé que Benjamin "Netanyahu et son cabinet de guerre" étaient responsables du blocage.

"Jusqu'à aujourd'hui, personne n'a rencontré les otages. Nous n'avons aucune preuve de vie", a déclaré de son côté Eli Cohen à Genève, après une rencontre avec la présidente du Comité international de la Croix-Rouge, Mirjana Spoljaric.

Dimanche, M. Netanyahu avait évoqué la possibilité d'un accord pour libérer des otages. "Si et quand il y aura quelque chose de concret à partager, nous le ferons", a-t-il tempéré mardi.

La veille, le porte-parole de l'armée israélienne Daniel Hagari avait affirmé dans une vidéo tournée dans une cave de l'hôpital pour enfants Al-Rantissi à Gaza que les s oldats avaient trouvé des indices montrant la présence d'otages.

"Il n'y a pas une seule preuve" dans cette vidéo, a répondu le ministère de la Santé du Hamas, parlant d'une "mauvaise mise en scène".

Une petite fille palestinienne blessée est soignée à l'hôpital Al Shifa, dans la ville de Gaza/Reuters

"Boucliers humains"

Dans le nord de Gaza, où se concentrent les combats les plus violents, tous les hôpitaux sont "hors service", faute d'électricité et de carburant, a déclaré lundi le Hamas.

"La situation s'aggrave à chaque minute qui passe", a dit dans une interview à la BBC Juliette Touma, directrice de la communication de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).

A l'hôpital al-Chifa, où au minimum 2.300 personnes sont piégées par les combats, selon une estimation du bureau des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), sept bébés prématurés sont morts selon le directeur de cet établissement.

Mardi, 22 des 36 hôpitaux de la bande de Gaza ne fonctionnaient plus, selon l'Organisation mondiale de la santé.

Le territoire est soumis depuis le 9 octobre par Israël à un siège complet qui prive sa population d'approvisionnements en eau, électricité, nourriture et médicaments.

L'aide humanitaire y entre au compte-gouttes, 155 camions sont arrivés lundi depuis l'Egypte selon le Croissant-rouge palestinien, 1.135 depuis le 21 octobre.

L'ONU ne cesse de réclamer l'envoi de carburant à Gaza mais Israël refuse, affirmant qu'il pourrait être utilisé par le Hamas pour ses activités militaires.

Affirmant ne pas cibler l'hôpital al-Chifa, l'armée israélienne accuse le mouvement islamiste d'utiliser les malades et les déplacés comme "boucliers humains".

Les nouveau-nés sont retirés des couveuses de l'hôpital Al Shifa de Gaza après une panne d'électricité/ Reuters

"Complètement trempés"

Selon le Hamas, "plus de cent" personnes ont été tuées depuis lundi dans des bombardements israéliens, dont l'un a fait 30 morts dans l'hôpital indonésien de Jabaliya, un immense camp de réfugiés du nord de Gaza.

Sur une vidéo tournée par l'AFP, des Palestiniens cherchent des survivants. Les images montrent le corps inanimé d'une fille coincée sous les décombres.

Ces derniers jours, des dizaines de milliers de Palestiniens ont fui le nord de Gaza, transformé en champ de ruines, après l'ouverture par Israël de "couloirs" d'évacuation. Selon l'ONU, plus de 1,6 des 2,4 millions d'habitants du territoire ont été dé placés par la guerre.

Dans le sud du territoire, qui n'est pas non plus épargné par les bombardements, des centaines de milliers de déplacés sont massés près de la frontière avec l'Egypte, dans une situation humanitaire catastrophique et la pluie est venue mardi menacée les camps de fortune dans lesquels ils survivent.

"On est complètement trempés, tous nos vêtements sont trempés, nos matelas, nos couvertures aussi", lance Ayman al-Joueidi, installé dans la cour d'une école de l'ONU à Rafah.

AFP