Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a mis en garde contre une escalade potentielle dans la région, alors que les États-Unis poursuivent leurs frappes aériennes contre des groupes soutenus par l'Iran.
"Lorsque vous jouez avec le feu, ce feu peut se transformer en incendie à tout moment et devenir incontrôlable. Nous sommes confrontés à un risque, et la question de l'incontrôlabilité se dresse devant nous comme une menace", a déclaré M. Fidan lors d'une interview accordée à une chaîne de télévision nationale dimanche.
Fidan a rappelé que la Turquie est en pourparlers constants avec les États-Unis et les partenaires régionaux pour éviter la propagation de la confrontation dans la région.
Si la question de la sécurité d'Israël est constamment soulevée dans l'opinion publique mondiale, Israël donne la priorité à l'expansion territoriale plutôt qu'à la sécurité, a fait remarquer le responsable qui a également estimé qu’Israël se sentira en sécurité lorsqu'il cessera de "mentir" à la communauté internationale et qu'il donnera aux Palestiniens leur propre État.
Projet F-35 et capacités de défense
Au sujet de la situation actuelle du programme américain d'avions de combat F-35 et de son impact sur les capacités de défense de la Turquie, M. Fidan a expliqué que le problème du F-35 s'est posé en raison de "l'absence d'un système de défense efficace et d'un système de sécurité efficace".
Il a souligné que le rôle d'Ankara ne se limitait pas à celui d'un simple client. "Nous ne participions pas seulement au programme F-35 en tant que client, mais aussi en tant que partenaire de production. Cette situation a entraîné des pertes importantes pour la Turquie, tant sur le plan financier qu'en termes de capacité" a-t-il expliqué.
En ce qui concerne l'impact potentiel sur l'équilibre des forces en mer Égée, M. Fidan a reconnu que la Grèce, en tant que membre de l'OTAN, figurait sur la liste des pays qui doivent recevoir des F-35 une fois la production achevée. "La Grèce devrait recevoir les F-35 après 2030. Nous suivrons de près la situation et l'évolution de l'équilibre des forces d'ici là", a-t-il encore assuré.
A propos des difficultés actuelles liées à l'acquisition de systèmes de défense auprès des pays occidentaux, il a noté que "cette situation a poussé la Turquie à explorer d'autres options. Dans le cadre de notre politique étrangère nationale, nous sommes tenus d'assurer la sécurité de notre pays en nous procurant tous les systèmes et équipements militaires nécessaires. L'endroit où nous nous les procurons est, bien sûr, à notre entière discrétion"
"Suite à la directive du président turc Recep Tayyip Erdogan, nous avons commencé à mettre en œuvre la doctrine de défense aérienne à plusieurs niveaux, qui utilise les systèmes de défense aérienne à basse, moyenne et haute altitude de la classe Hisar, développés par Roketsan et produits dans le pays”, a-t-il continué.
"Il s'agit d'une capacité. Si l'acquisition de cette capacité est un plus qui ne va pas nous faire perdre nos autres capacités, pourquoi pas ?", a dit le ministre commentant la possibilité de revenir au projet F-35.
Gaza confrontée à la famine et à la maladie
M. Fidan a par ailleurs souligné l'importance de la décision de la Cour Internationale de Justice relative aux mesures provisoires dans l'affaire de génocide contre Israël.
Il a également exprimé sa profonde inquiétude face aux pertes humaines et aux destructions causées par les bombardements israéliens ainsi que la faim et la maladie auxquelles sont confrontés plus de deux millions de personnes à Gaza.
Il a condamné la situation dans laquelle des personnes sont prises en otage, la destruction des infrastructures et le refus d'accès aux ressources essentielles et souligné qu'il était urgent de se concentrer sur l'arrêt du massacre et d’oeuvrer pour une solution à deux États dans le conflit israélo-palestinien.
La question clé est de savoir si Israël peut affirmer sans équivoque qu'il est satisfait des frontières de 1967 et qu'il n'a pas d'ambitions territoriales au-delà, a-t-il insisté.
Relations entre la Turquie et l'Égypte
En ce qui concerne le processus de normalisation des relations entre la Turquie et l'Égypte, M. Fidan a déclaré qu'il était en grande partie achevé. Il a noté les avantages mutuels qui seront récoltés pour les deux pays en raison des liens historiques entre les peuples turc et égyptien et l'importance exceptionnelle des relations bilatérales pour la sécurité régionale et le commerce.
M. Fidan a également reconnu la présence de nombreux investisseurs turcs en Égypte et a exprimé le souhait d'accroître ces investissements, tout en mettant en évidence l'impact positif des relations normalisées sur les politiques régionales, en particulier en Libye.
Il a en outre rappelé l'importance de la collaboration sur divers fronts, notamment la coopération technologique dans le domaine des véhicules aériens sans pilote (UAV).
Soulignant l'importance de l'Égypte pour le maintien de la sécurité régionale, notamment en ce qui concerne la question israélo-palestinienne, M. Fidan a expliqué qu’il est important de normaliser les relations afin que “l'Égypte reçoive un certain soutien et certaines technologies”.
"Nous avons également conclu un accord selon lequel la Turquie fournira des véhicules aériens sans pilote et d'autres technologies. Notre coopération en Afrique est également importante, en particulier en Libye. La normalisation de nos relations avec l'Égypte a eu de sérieuses répercussions positives, notamment sur la politique en Libye", a-t-il affirmé.
Le processus européen de la Turquie
Abordant le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE, M. Fidan a reconnu la longue histoire de ce voyage, soulignant les leçons tirées du passé et du présent. Il a évoqué les efforts en cours pour explorer de nouvelles approches, de nouveaux paramètres, de nouveaux discours et de nouvelles politiques concernant la voie d'Ankara vers l'UE, se demandant si l'UE est réellement disposée à faire de la Turquie un membre.
Collaboration PUK-PKK
Fidan a également averti que la Turquie pourrait prendre des mesures supplémentaires, à la lumière de la collaboration de l'UPK avec le PKK dans la ville de Sulaymaniyah, dans le nord de l'Irak.
Exprimant son mécontentement face à l'incapacité de l'UPK à prendre ses distances avec le PKK, il a déclaré que la Turquie avait imposé des restrictions, en particulier pour le transport aérien vers Sulaymaniyah. Il a réitéré l'appel lancé à l'UPK pour qu'elle rectifie sa position, avertissant que la Turquie pourrait intensifier ses actions si ce groupe persistait dans cette voie.
En ce qui concerne les relations entre la Turquie et la Syrie, M. Fidan a critiqué la tentative de la Syrie d'entreprendre des démarches diplomatiques avec des conditions préalables.
Tout en rappelant que la Turquie défend l'intégrité territoriale de la Syrie dans le cadre du processus d'Astana, il a souligné l'engagement d'Ankara en faveur du dialogue, contrairement à la Syrie qui subit des influences extérieures.