Le génocide de 1994 a failli éradiquer cette tradition, les 15 membres de la coopérative d'Uwamariya ayant été massacrés lors du massacre qui a coûté la vie à environ 800 000 personnes dans tout le Rwanda. / Photo : AFP

La tradition de l'imigongo, une forme d'art tutsi vieille de 200 ans réalisée avec de la bouse de vache, a connu un renouveau dans la nation des Grands Lacs trois décennies après le génocide de 1994, devenant un symbole de la culture et de l'unité.

Connu pour ses motifs noirs et blancs en relief, l'imigongo aurait été inventé par un prince tutsi au XIXe siècle.

Le prince Kakira a mélangé de la bouse de vache et de la cendre pour créer un matériau qu'il a utilisé pour peindre des motifs tridimensionnels sur les murs de son palais dans le royaume de Gisaka, dans l'est du Rwanda.

La tradition a été baptisée "umugongo", mot kiny arwanda signifiant "colonne vertébrale", en raison de ses lignes courbes.

La tradition a été baptisée "umugongo", mot kiny arwanda signifiant "colonne vertébrale", en raison de ses lignes courbes. Elle est devenue populaire dans les foyers ruraux où les femmes utilisaient du fumier et des pigments naturels fabriqués avec de la terre, de l'argile et de la sève d'aloès pour décorer leurs maisons.

Basirice Uwamariya, fondatrice de la coopérative Kakira Imigongo dans le district oriental de Kirehe, a déclaré à l'AFP qu'elle avait commencé à faire de l'art à l'âge de 15 ans.

Mais le génocide de 1994, qui visait la minorité tutsie, a presque anéanti cette tradition, la quasi-totalité des 15 membres de la coopérative de Mme Uwamariya ayant été tués dans un bain de sang qui a fait environ 800 000 morts dans tout le Rwanda, y compris des Hutus modérés.

Elle a perdu son mari et de nombreux membres de sa famille, se retrouvant seule avec ses deux fils.

"J'ai vécu dans l'obscurité, dans le silence", a déclaré cette femme de 53 ans, se souvenant de la solitude qui l'a poussée à faire revivre la coopérative en 1996 et à inviter d'autres survivants du génocide à se joindre à elle.

Depuis, imigongo a évolué.

"Imigongo est quelque chose qui rassemble les gens", explique le directeur d'Azizi Life Studio/AFP

Les motifs traditionnels côtoient les dessins modernes aux couleurs variées. Les pigments naturels ont été remplacés par des peintures commerciales.

Les motifs Imigongo ont fait leur entrée dans les studios haut de gamme et les boutiques de mode, ornant aussi bien les vêtements que les objets en bois, avec un marché composé d'étrangers et de Rwandais. Selon Theoneste Nizeyimana, directeur du studio Azizi Life à Kigali, la tradition était autrefois largement limitée à l'est du Rwanda.

"Mais après le génocide, qui a tout détruit, les gens ont commencé à réfléchir à la manière de faire revivre leur culture. Aujourd'hui, l'imigongo est apprécié par tous les Rwandais, et pas seulement par les Tutsis", explique-t-il à l'AFP.

"L'imigongo est quelque chose qui rassemble les gens", a-t-il ajouté, soulignant que la boutique et le studio de Kigali organisent des cours de peinture pour des élèves dont l'âge varie entre quatre et sept ans.

L'Imigongo est aussi une affaire de bon sens, car ses motifs immédiatement reconnaissables aident à commercialiser les créations "made in Rwanda" dans le monde entier.

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