L'artiste rappeuse sénégalaise Sister LB/ Photo: Sister LB

Par Awa Cheikh Faye

Le hip-hop a cinquante ans, un âge vénérable pour un genre généralement associé à la jeunesse.

Une culture, un style, de la musique, de la danse, du graffiti, un mouvement, le hip-hop, né il y a 50 ans dans le Bronx, est tout cela et bien plus.

Le beat sur lequel ont dansé des générations de jeunes à travers le monde a vu le jour le 11 août 1973, d’un DJ d'origine jamaïcaine, Clive Campbell, alias DJ Kool Herc.

Lorsqu’il apparait à New york, Il offre aux jeunes une plateforme pour dénoncer la pauvreté et les discriminations auxquelles ils font face.

Par la suite le Hip-Hop conquiert l’Amérique et le monde dans la musique, le sport ou la mode. Et l’Afrique n’y échappe pas. Au Sénégal, le Hip-hop prend d’assaut la scène culturelle en 1988.

Ça commence par des groupes de danse formés par des jeunes qui tentent de reproduire les pas de break dance de leurs idoles du moment, qu’ils voyaient à la télévision.

"Donc de petit groupe ont commencé à danser et à essayer de voir comment ils pouvaient reproduire ce qui se faisait au Etats–Unis jusqu’au moment où ils se sont dits qu’ il était peut être possible de chanter en Wolof parce qu’ils avaient l’impression qu’il était nécessaire d’avoir un discours qui parle aux populations et pour parler aux populations il fallait leur parler dans la langue qu’ils comprennent et à partir de ce moment-là on a commencé à rapper en wolof", raconte le professeur Mamadou Dramé vice-Doyen de la Faculté des sciences et technologies de l'éducation et la formation à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Fastef).

Didier Awadi, membre fondateur du Positive Black Soul/ AFP

Artistes engagés

S’en suit le premier morceau de Rap en Wolof (langue dominante du Sénégal) chanté par le groupe Positive Black Soul en 1989.

Ce groupe ouvre la voie à toute une génération qui s’approprie ce moyen d’expression, en faisant un instrument de revendication politique et sociale, un outil d’information et d’éducation civique également, particulièrement à partir des années 1990.

"C’est vrai qu’avant il y avait un discours politique mais ce n’étais pas le plus important mais à partir de ce moment le discours politique va être exigée par les rappeurs notamment avec le groupe Rapadio et son rap hard core. Et à partir de ce moment, on ne rape plus pour parler de sentiment ou d’Amour mais il fallait plutôt avoir une posture qui était politiquement engagé", dit le professeur Dramé.

Des groupes mythiques, le rap "galsen" en a connu comme le Positive Black Soul, Rapadio, Daara J, Wa BMG 44, pour ne citer que ceux-là, qui ont ouvert la voie à la génération d’aujourd’hui à laquelle fait partie Sister LB.

L’engagement citoyen existe encore aujourd’hui à en croire Sister LB, qui note une diversification des sujets et des causes défendues par les artistes.

La rappeuse sénégalaise qui clame sa fierté d’appartenir à un mouvement vieux d’un demi-siècle affirme que les cinquante ans du mouvement hip hop l’inspire à être plus résiliente, "même si c’est difficile car le hip-hop galsen a traversé beaucoup de difficulté, mais les préceptes n’ont pas changé. L’engouement est toujours là, c’est ce qui nous permet d’être là et de célébrer le mouvement qui nous a tant apporté" s'émeut-elle.

Sélbé, de son vrai prénom, s’est lancé dans le Hip-hop pour trouver une plateforme d’expression. La rappeuse utilise son art pour partager avec sa société, ses maux, ses espoirs, tout comme l’ont fait ses prédécesseurs.

"Au Sénégal on ne permet pas aux jeunes surtout aux femmes de prendre part au débat public. C’est pourquoi j’ai décidé de prendre le micro, porter ma voix et la voix de toutes les femmes qui subissent des injustices" fait-elle valoir avec conviction.

L’influence du Hip Hop

Aujourd’hui ce sont des noms comme Dip Doundou Guiss, Samba Peuzzi, Sister LB, Akhlou Brick, Ngaka Blindé, Omzo Dollar etc qui portent le flambeau du Hip-hop galsen et exercent une influence certaine sur les jeunes.

Car le hip-hop est un « art de vivre » et un « état d’esprit » pour paraphraser le professeur Dramé, qui se retrouve dans la façon dont les jeunes s’expriment dans la rue, leur mode vestimentaire, mais aussi dans les attitudes et comportements.

Il se décline en gigantesques fresque sur les murs longeant routes et autoroutes de la capitale sénégalaise. Il se déploie sur les podiums des défilés des créateurs locaux tels que le rappeur styliste Baay Souley.

Le graffiti utilisé ici pour sensibiliser les population sénégalaises durant la pandémie de Covid-19/ AP

"L’esprit hip-hop, c’était l’esprit débrouillard, positif et citoyen. Le nouveau type de sénégalais, responsable et impliqué dans la communauté, c’était d’inspiration hip hop surtout pour la génération 80 et 90, mais l’inspiration venait du hip hop galsen (verlan faisant référence à sénégalais)" explique le professeur Dramé.

"Le hip-hop a d’abord influencé le sport quand on voit des lutteur comme Tyson qui on fait du ‘Boul falé’ (ndlr « ne t’en fais pas ») leur philosophie" poursuit-il.

Loin des revendications politiques qui ont fait sa popularité dans les années 90, et malgré la concurrence de l’Afrobeat ou encore du Mbalax, le hip-hop Galsen se renouvelle continuellement, faisant éclore au gré des saisons de nouveaux talents, au grand bonheur des mélomanes.

TRT Afrika