Le président du Nigeria, Bola Ahmed Tinubu (G), est félicité par le président chinois Xi Jinping après avoir pris la parole lors de la cérémonie d'ouverture du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) à Pékin. Photo : AFP

Le président chinois Xi Jinping a déployé des efforts considérables pour accueillir 50 dirigeants africains en visite à Pékin cette semaine à l'occasion d'un sommet destiné à consolider les relations avec un continent où l'intérêt et la concurrence des rivaux occidentaux sont également très actifs.

Le pays hôte a présenté la cérémonie d'accueil du sommet du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) comme un signe de respect à l'égard d'importants partenaires commerciaux. La Chine est le premier partenaire commercial de l'Afrique et le premier bailleur de fonds bilatéral du continent.

Dans le cadre de son initiative "la Ceinture et la Route" (ICR), elle a accordé des milliards de dollars de prêts pour le financement d'infrastructures.

Les dirigeants africains sont arrivés au sommet de Pékin cette semaine avec de plus grandes ambitions pour un commerce mieux équilibré et des investissements créateurs d'emplois.

"De tous les huit derniers sommets, je pense que celui-ci est le plus réussi en termes d'intensité démontrée par les Africains. Ils savent exactement ce qu'ils veulent. Ils exercent leur pouvoir en suivant leurs intérêts fondamentaux", observe David Monyae, directeur du centre d'études Afrique-Chine de l'université de Johannesburg, dans un entretien accordé à TRT Afrika, lors de sa participation au sommet.

Le président de la Commission de l'Union africaine (CUA), Moussa Faki Mahamat, s'exprime lors de la cérémonie d'ouverture du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) à Pékin.

Le président Xi a promis un financement de plus de 50 milliards de dollars pour l'Afrique au cours des trois prochaines années afin de créer un million d'emplois, malgré les accusations de diplomatie de la dette et une vague de pays africains aux prises avec le remboursement de leur dette.

"Théoriquement, les bénéfices à long terme de ces projets l'emportent sur les dettes, car ils facilitent la croissance économique. Toutefois, il est difficile de mesurer ces avantages, car la pression exercée pour honorer les remboursements donne l'impression qu'ils sont plus lourds que rentables", explique Beverly Ochieng, analyste principal chez Control Risks, une société de conseil en Afrique de l'Ouest.

"Les pays africains préfèrent également la politique de non-ingérence de la Chine et les conditions moins strictes (pour les prêts)", ajoute-t-elle.

Nouvelle orientation

Le sommet devrait donner une orientation au partenariat entre la Chine et l'Afrique dans l'ère post-Covid.

Selon Ochieng, le président Xi a annoncé un ralentissement des projets d'infrastructure vaniteux et une plus grande concentration sur les paquets commerciaux et les prêts accordés par l'intermédiaire des institutions financières.

"La Chine a rééquilibré ses investissements pour adopter une approche plus durable des prêts en raison de la crise économique qui sévit dans son pays. Elle a également renégocié les conditions des prêts accordés à des pays comme la Zambie et le Kenya afin de maintenir les relations et de s'assurer que les remboursements sont effectués", explique Ochieng.

La présidente de la Tanzanie, Samia Suluhu Hassan, se dirige vers le pupitre pour prononcer son discours lors de la cérémonie d'ouverture du neuvième sommet du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC).

Avant le sommet, les dirigeants africains ont cherché à obtenir davantage de crédits pour les mégaprojets d'oléoducs, d'approvisionnement en électricité et de voies ferrées, selon les déclarations publiées à l'issue des réunions en tête-à-tête avec leur hôte, Xi.

Le Nigeria a signé un accord sur l'énergie nucléaire. Salva Kiir, du Sud-Soudan, a discuté avec une entreprise chinoise de projets de construction d'un oléoduc alternatif passant par l'Éthiopie et Djibouti afin d'accroître les exportations.

La Tanzanie et la Zambie ont signé un accord initial sur un projet de chemin de fer sur un itinéraire clé pour les exportations de cuivre de la région de Copperbelt en Zambie.

Le président du Kenya, William Ruto, a cherché des financements pour un chemin de fer à écartement standard (SGR) reliant la capitale, Nairobi, à un port dans la ville côtière de Mombasa, après que la Chine a interrompu son financement.

Les énergies renouvelables et le climat - domaine dans lequel la Chine souhaite devenir un leader mondial - sont également des sujets de négociation lors du sommet.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a annoncé aux entreprises chinoises qu'il recherchait des investissements dans le secteur de l'énergie, alors que son pays est aux prises avec une crise de l'électricité, la pire depuis des décennies, qui a dévasté les entreprises notamment.

"La Chine a fait ses preuves en matière de développement de solutions innovantes dans le domaine des énergies renouvelables. Ensemble, nous pouvons créer des solutions énergétiques durables et respectueuses de l'environnement qui profiteront à nos deux pays", a précise Ramaphosa lors d'un forum d'affaires à Pékin.

Des délégués du Burkina Faso se préparent à entrer dans le hall principal avant la cérémonie d'ouverture du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) à Pékin.

Le poids de pays comme la Chine en Afrique au cours des deux dernières décennies a transformé la manière dont le continent interagit avec les puissances occidentales.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dit avec humour qu'il n'était pas logique que l'Union européenne construise une route entre une mine de cuivre et un port si les deux appartenaient à la Chine.

Lutte pour l'Afrique

Les analystes avertissent toutefois que l'influence croissante de Pékin n'est pas un jeu à somme nulle pour l'Afrique dans ses relations diplomatiques avec d'autres puissances désireuses de s'intéresser aux besoins d'investissement du continent.

Ils affirment que d'autres acteurs peuvent encore être actifs dans les mêmes domaines que la Chine, mais que les pays africains doivent s'efforcer d'assurer leur propre développement plutôt que de s'aligner fermement sur l'une ou l'autre des parties dans les luttes de pouvoir mondiales.

"Notre problème, en tant qu'Africains, est de ne pas prendre parti, nous devons avoir un intérêt personnel ferme et pro-africain et nous aligner sur tous ceux qui nous apportent un avantage et une rentabilité", conseille Monyae.

Les puissances mondiales continueront d'user de leur charme par le biais de la diplomatie des sommets afin de se faire des amis et de s'aligner sur l'Afrique.

Ces sommets revêtent une importance encore plus grande dans le contexte actuel de tensions géopolitiques, aggravées par la guerre entre la Russie et l'Ukraine.

"Les pays africains continueront d'être le théâtre d'affrontements géopolitiques. Le continent offre encore des possibilités de développement économique et de capital humain", selon Ochieng.

"D'autres puissances mondiales ont intensifié leur concurrence pour organiser des sommets similaires afin d'accroître leur présence sur le continent", constate-t-elle.

TRT Afrika