On estime à 90 000 le nombre de Soudanais actuellement réfugiés en Éthiopie, après avoir traversé la frontière par lots depuis que de violents combats ont éclaté entre l'armée de leur pays et les forces paramilitaires de soutien rapide (RSF) en avril de l'année dernière. La majorité de ces réfugiés sont hébergés dans des camps.
D'autres Soudanais devraient chercher refuge, car les efforts de médiation de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) en vue d'un accord de paix entre le général Abdel Fattah al-Burhan, chef de l'administration transitoire soudanaise, et Mohamed Hamdan Dagalo, chef des forces de soutien rapide, se sont heurtés à une impasse.
Le Soudan a récemment annoncé sa décision de suspendre son adhésion à l'IGAD, un bloc régional de huit pays, et de se tenir à l'écart du sommet extraordinaire des chefs d'État des pays membres qui se tiendra le 18 janvier à Kampala.
Cette décision a été prise après que l'administration transitoire a accusé l'IGAD d'avoir mis le conflit soudanais à l'ordre du jour sans l'avoir consultée.
Outre le Soudan, l'IGAD comprend Djibouti, l'Éthiopie, le Kenya, la Somalie, le Sud-Soudan, l'Érythrée et l'Ouganda.
"L'IGAD a joué un rôle crucial dans le processus de médiation, avec le soutien des civils soudanais et de divers groupes politiques. Maintenant que le Soudan a tourné le dos à l'IGAD, nous risquons de faire dérailler le processus et de retarder le retour à un gouvernement civil de transition", explique Nuur Mohamud Sheekh, ancien porte-parole de l'IGAD, à TRT Afrika.
Le sommet de l'IGAD de la semaine dernière a donné 14 jours aux généraux belligérants pour se rencontrer face à face afin de désamorcer la situation, ce qui a encore plus offensé le Soudan.
"Le Soudan a boycotté le sommet et le communiqué final de la réunion comprenait des termes que le Soudan jugeait irrespectueux de sa souveraineté et offensants pour les familles des victimes des atrocités commises par les milices rebelles", a déclaré l'administration soudanaise dans un communiqué.
Lors de leur sommet de décembre 2023, les chefs d'État de l'IGAD ont reçu l'assurance d'al-Burhan et de Dagalo qu'ils se réuniraient pour travailler sur un accord de paix.
Crise humanitaire
Les récentes actions du Soudan font craindre une escalade des combats, qui aggraverait les souffrances des citoyens et provoquerait un nouvel exode.
Selon les Nations unies, plus de 7,6 millions de personnes ont été déplacées depuis le début des combats, le 15 avril dernier. Ce nombre augmente rapidement. "Le nombre de personnes déplacées au Soudan a augmenté d'environ 19 600 au cours de la semaine dernière", a déclaré le 21 janvier le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies.
La guerre fait également des ravages chez les voisins du Soudan. "Le conflit a provoqué une crise humanitaire majeure dans l'est du Tchad, où près d'un demi-million de personnes ont trouvé refuge, aux côtés de communautés locales déjà vulnérables et de milliers d'autres réfugiés soudanais présents dans le pays depuis deux décennies", explique Médecins Sans Frontières (MSF).
Dans la capitale soudanaise, Khartoum, seule une poignée d'hôpitaux sont actuellement opérationnels et les prix des médicaments essentiels continuent de grimper en flèche.
Le conflit a également rendu difficile l'accès des organisations humanitaires aux populations, en particulier dans les zones contrôlées par RSF.
Sinistre pronostic
Le 6 juin 2019, le Soudan a été suspendu de l'Union africaine "jusqu'à la mise en place effective d'une autorité de transition dirigée par des civils".
Alors que le gouvernement de transition avait annoncé la tenue d'élections générales en 2024, l'idée d'un scrutin semble aujourd'hui bien lointaine, d'autant plus après la sortie du pays de l'IGAD.
Certains experts estiment que des intérêts extérieurs pourraient affecter le processus de paix au Soudan et que les dirigeants de l'IGAD et de l'UA semblent avoir du mal à gérer le conflit.
Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l'Union africaine, a nommé un comité de trois membres chargé de déployer des efforts pour sortir de l'impasse politique et militaire actuelle.
Les membres ont pour mission de travailler avec toutes les parties prenantes soudanaises et les acteurs régionaux et mondiaux, notamment l'IGAD, les Nations unies et la Ligue des États arabes. Certains analystes estiment que la prise de distance du Soudan à l'égard de l'IGAD est une erreur, qui conduirait à l'isolement du général al-Burhan et de son pays.
D'autres y voient un test de patience pour le bloc régional, qui a subi un nouveau coup dur après que l'Éthiopie a refusé d'assister au sommet du 18 janvier à Kampala en raison de son conflit avec la Somalie. L'accord conclu entre l'Éthiopie et le Somaliland concernant la location de 20 km de côtes en échange de la reconnaissance de la souveraineté de ce dernier est à l'origine de cette dispute.
Dans l'intérêt des sept millions de Soudanais contraints de quitter leur pays et des millions d'autres personnes vivant dans la précarité, l'IGAD ne peut se permettre d'échouer.