Fidan appelle les pays du Moyen-Orient à respecter les frontières et la souveraineté de chaque nation / Photo: AA

Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a souligné que les pays du Moyen-Orient devraient respecter les frontières et les droits souverains de chacun.

"Il est temps que les pays de la région s'unissent, adoptent une culture de coopération et s'engagent non seulement à respecter les frontières et la souveraineté de chacun, mais aussi à se protéger mutuellement", a indiqué Fidan dans une interview accordée dimanche à la chaîne de télévision saoudienne Al Hadath.

"En nous serrant les coudes, nous devons établir nos propres intérêts et l'ordre dans la région. Nous ne voulons pas d'une domination iranienne dans la région, ni d'une domination turque ou arabe", a-t-il ajouté.

"Tous les États ont désormais atteint un niveau de maturité suffisant et disposent de fondations solides. Il y a une Arabie saoudite très forte, des Émirats arabes unis très forts, un Qatar et un Koweït influents. L'Égypte fait vraiment de son mieux", a-t-il continué.

Le chef de la diplomatie turque a mis en garde que dans le cas contraire, la région serait exposée à une intervention extérieure. La polarisation serait ainsi exploitée et cela conduirait à long terme à des conflits sanglants et coûteux, a noté Fidan.

Il a souligné qu'une telle intervention n'était pas nécessaire et que les peuples de la région pouvaient vivre ouvertement et de manière transparente sans elle.

“Il est possible d'établir des alliances économiques, politiques et militaires dans cette région, tout comme elles se forment en Europe, en Amérique du Nord et dans d'autres parties du monde”, a-t-il déclaré.

La terre de la région est fertile et ses habitants sont productifs, travailleurs et honnêtes, a ajouté Fidan.

Une nouvelle phase pour la Syrie

Fidan s’est félicité qu'après 13-14 ans de souffrances intenses, la Syrie est entrée dans une nouvelle phase.

Notant que la Turquie partage une frontière de 911 km avec la Syrie, il a mis l’accent sur les liens historiques, géographiques, culturels et religieux qui unissent profondément les deux nations.

"Lorsque cette période troublée a commencé en Syrie, l'opposition syrienne du nord s'est tournée vers la Turquie pour obtenir un soutien. Des millions de réfugiés déplacés ont vu la Turquie comme leur maison, et nous les avons accueillis", a-t-il rappelé.

Fidan a souligné que la Turquie a travaillé dur pour aider l'opposition syrienne à résoudre les problèmes de manière constructive.

Il a noté que le processus d'Astana a joué un rôle clé, bien que le régime de Bachar Al-Assad soit resté réticent à trouver des solutions pour diverses raisons.

"Bien sûr, comme ils partageaient le pouvoir avec la Russie et l'Iran, ils se sont battus ensemble mais n'ont pas pu obtenir les décisions qu'ils souhaitaient parce que chaque pays avait des intérêts différents”, a encore affirmé Fidan.

"À un moment donné, Assad n'a pas réussi à se réconcilier avec son peuple, à faire revenir des millions de personnes déplacées, à fournir des services de base à ceux qui se trouvaient déjà en Syrie et à remédier à la situation économique. En conséquence, le système a fini par s'effondrer de lui-même", a-t-il déclaré.

Après le début de l'opération, menée par Hayat Tahrir al-Sham (HTS) et d'autres groupes d'opposition, la Turquie a déployé d’intenses efforts pour s'assurer que cela se déroule de manière à éviter le plus possible une effusion de sang et de la manière la plus rentable, a-t-il affirmé.

La Turquie, en tant qu'acteur régional important et ami clé de l'opposition, a joué un rôle efficace en maintenant un dialogue constructif pour gérer le processus sur certaines questions, a-t-il noté, soulignant que ce dialogue se poursuivrait à l'avenir.

Répondant à la question de savoir quelles parties étaient en contact avec Bachar Al-Assad et les évènements qui ont conduit à son départ, Fidan a affirmé que la Turquie savait que des homologues ont eu certains contacts avec Damas.

"Ils nous en ont parlé ce jour-là. Cependant, je n'ai pas d'informations sur qui a parlé directement avec lui ou à quel niveau. Ce que je sais, c'est qu'un message a été transmis", a-t-il ajouté.

Fidan a également formellement démenti les informations suggérant que la Turquie a facilité le départ d'Al-Assad de Syrie en coopérant avec certaines parties, soulignant que ce n'est pas quelque chose que la Turquie ferait et que son pays n'a aucun rôle à jouer dans cette affaire.

Visite du chef des services secrets turcs à Damas

Le chef de l'Organisation nationale du renseignement turc (MIT), Ibrahim Kalin, s'est rendu à Damas après des consultations approfondies avec des pays régionaux et occidentaux, a déclaré Fidan.

"Comment les pays de la région et de par le monde doivent-ils traiter avec la nouvelle administration de Damas ? Nos contacts nous ont permis d'observer les perceptions et les demandes générales", a-t-il déclaré.

"La plupart des parties semblent s'accorder sur certains principes. Il s'agit notamment d'empêcher les organisations terroristes de profiter de la nouvelle ère à Damas, de garantir un bon traitement des minorités, en particulier des Chrétiens, des Kurdes, des Alévis et des Turkmènes, et de mettre en place un gouvernement inclusif”, a affirmé le chef de la diplomatie turque..

"Parmi les autres préoccupations, il faut veiller à ce que Damas ne constitue pas une menace pour ses voisins", a-t-il ajouté.

Fidan a indiqué que lors de la visite de Kalin à Damas, il a transmis les points de vue de la communauté internationale, de la région et de la Turquie à l'autre partie.

Sur cette base, une réunion a eu lieu le 14 décembre à Aqaba, en Jordanie, où d'autres discussions ont eu lieu.

En ce qui concerne la politique de la Turquie envers la Syrie, Fidan a souligné qu'elle a été multidimensionnelle au cours des 13 dernières années, l'objectif le plus important étant d'empêcher les réfugiés d'entrer en Turquie en raison de l'incapacité d'Al-Assad à se réconcilier avec l'opposition.

Fidan a ajouté que la Turquie a travaillé avec les groupes d'opposition contrôlant les lignes de front avancées pour maintenir la stabilité.

"À Idlib, environ 4 millions de Syriens vivaient sous le contrôle de Hayat Tahrir al-Sham. Il y a toujours eu un risque que ces personnes viennent en Turquie en période de crise."

"Pour prévenir ces crises et maintenir la stabilité, nous avons maintenu la coordination avec ces groupes, et grâce à ce processus, nous avons eu l'occasion d'apprendre à les connaître", a confié Fidan.

Il a ajouté que la Turquie a toujours conseillé ces groupes sur les systèmes administratifs modernes et les principes de gouvernance.

"Nos observations montrent que la première priorité de ces groupes est d'éviter de répéter les erreurs de Bachar al Assad et de veiller à ce que le peuple syrien réalise la prospérité et la stabilité qu'il mérite”, a poursuivi le chef de la diplomatie turque.

Les idées de domination et les ambitions impérialistes doivent être mises de côté

Fidan a annoncé que les pays avaient mûri et qu'ils pouvaient réaliser beaucoup de choses en travaillant ensemble.

"Notre message est clair. L'idée de domination et les ambitions impérialistes doivent être mises de côté. Tenter de contrôler d'autres pays de la région par le biais d'actions par procuration ou en apportant un soutien financier pour des motifs inavoués crée un cycle d'action et de réaction”, a estimé Fidan

"Cela conduit à un cercle vicieux. La région a tiré les leçons de ces cycles", a-t-il dit.

Le ministre des Affaires étrangères turc a souligné que les pays du Golfe étaient affectés par la crise du Yémen, tandis que la Turquie était confrontée à des défis liés à l'Irak et à la Syrie.

"Je pense que l'Iran tirera également des leçons de cette nouvelle période. Nous devons soutenir l'Iran de manière constructive. Nous devrions également communiquer nos attentes à la nouvelle administration syrienne et la soutenir en conséquence."

Fidan a déclaré que les pays de la région devraient aider la nouvelle administration syrienne. Grâce à ce soutien, plus de 10 millions de réfugiés syriens pourraient rentrer chez eux.

"Tout le monde a accueilli nos frères et sœurs syriens. Il est important qu'ils rentrent chez eux pour alléger la pression", a-t-il ajouté.

Il a également souligné les relations solides et transparentes de la Turquie avec l'Arabie saoudite, notant que chaque nation a maintenant mûri et établi sa propre stabilité.

“Nous voulons un État civil et démocratique en Syrie”

Fidan a souligné que la Syrie pourrait être confrontée à divers défis au cours de cette nouvelle période.

"Nous voulons à la fois un État civil et un État démocratique", a-t-il insisté.

Il a fait remarquer qu'il n'était pas réaliste de s'attendre à une démocratie à la Suisse du jour au lendemain, en un mois ou même en un an, mais a exprimé sa conviction que la Syrie pouvait établir un État national à l'intérieur de ses frontières, fondé sur la citoyenneté constitutionnelle, tout en évitant de promouvoir la discrimination ou la division.

Il a également indiqué que les actions de la nouvelle administration de Damas continueraient d'être observées.

Fidan a mis l'accent sur les principales préoccupations de la nouvelle administration, notamment l'absence de liens avec des groupes terroristes, le traitement équitable des minorités et la prise en compte des droits des femmes.

Bien qu'il ait indiqué qu'aucune plainte n'avait encore été signalée dans ces domaines, il a reconnu que la situation restait très récente.

Israël n'a jamais voulu le départ d'Assad

Fidan a affirmé qu'aucune opération militaire depuis la Syrie vers Israël n'a été observée.

Il a souligné que toutes les actions militaires israéliennes visaient les milices iraniennes et qu'il n'y avait donc pas de problème concernant la Syrie elle-même.

Il a noté que le régime Al-Assad s'est retiré de l'engagement actif tandis que l'Iran et Israël se battaient sur leurs propres territoires.

Il a rappelé que lors de la visite du président américain Joe Biden en Turquie en tant que vice-président il y a six ou sept ans, il avait exprimé l’opposition de Tel Aviv au départ d'Al-Assad.

"Nous savons que ce n'était pas le point de vue de Joe Biden, mais bien celui d'Israël. Israël n'a jamais souhaité le départ d'Assad, a-t-il ajouté.

"Si Israël n'était pas satisfait de l'environnement créé par Bachar (Al-Assad), les Iraniens, eux, le considéraient comme un acteur généralement utile à ses propres intérêts”, a poursuivi le ministre.

"Jusqu'à la fin, même après le début de l'opération, les Américains nous ont dit qu'Israël ne voulait pas que Bachar parte”.

Fidan a déclaré qu'il ne pensait pas que la nouvelle administration de Damas chercherait à entrer en conflit avec Israël et a souligné l'importance pour chaque pays de se concentrer sur sa propre voie à l'intérieur de ses propres frontières.

"Israël doit cesser d'occuper le territoire syrien et abandonner cette approche", a lancé Fidan.

Il a également souligné que la Syrie ne devait pas non plus entreprendre d'actions agressives à l'égard d'Israël.

"Les groupes iraniens se sont retirés de la région et les principales préoccupations d'Israël devraient maintenant avoir diminué (...) Toutefois, il est également inacceptable qu'Israël envisage déjà le pire des scénarios, en frappant certaines installations et en occupant certains lieux en Syrie”, a insisté le chef de la diplomatie turque.

"Cela constitue une occupation inutile du territoire d'une nation souveraine sans aucune preuve justifiable", a-t-il déclaré.

“Il faut mettre fin à l'occupation et à l'annexion de la Cisjordanie”

Fidan a souligné que la nouvelle administration syrienne est confrontée à une nation détruite, avec des millions de personnes qui souffrent, et qu'il est essentiel de fournir des services à ces personnes.

Il a relevé l'importance de prévenir des conflits fondés sur la guerre et l'expansion territoriale dans la région, tout en préconisant que des questions sensibles telles que Jérusalem et la question palestinienne devaient être abordées.

"Si vous soumettez nos frères et sœurs arabes palestiniens - hommes, femmes et enfants - à un génocide, cela conduit inévitablement tous les peuples et nations de la région à la rébellion. Cela doit cesser”, a lancé Fidan.

"La violence à Gaza et l'occupation et l'annexion en cours en Cisjordanie doivent cesser (...) Ces actions envoient des messages très négatifs à la région, et même si les habitants de la région souffrent de privations sur de nombreux fronts lorsqu'il s'agit de Gaza et de la Palestine, ils élèvent la voix. Israël doit en tenir compte", a-t-il déclaré.

Répondant à une question sur la possibilité que l'Iran et la Russie se réengagent en Syrie ou déclenchent une nouvelle guerre, Fidan a estimé : "Ils ont toujours la possibilité d'agir s'ils le souhaitent, mais je ne pense pas que l'Iran ou la Russie prendront de telles mesures”.

Il a ajouté que l'Iran et la Russie possèdent tous deux des mécanismes décisionnels avancés et que leur capacité à analyser les données sur le terrain devrait les pousser à s'adapter au nouvel ordre régional.

"Dans cette nouvelle phase, nous continuerons à nous engager avec l'Iran et la Russie pour résoudre les problèmes sans conflit et de manière bénéfique pour les deux parties.

Les YPG sont une branche de l'organisation terroriste PKK en Syrie

En réponse aux questions concernant les organisations terroristes, M. Fidan a déclaré que les YPG étaient une branche de l'organisation terroriste PKK en Syrie.

"Le YPG est une organisation dirigée par des terroristes internationaux venant de Turquie, d'Irak, d'Iran et d'Europe. Bien que les Américains puissent présenter cette situation différemment au monde, la réalité est claire”, a affirmé le ministre turc.

"L'occupation par le PKK de territoires arabes en Syrie et le contrôle qu'il exerce sur le gaz naturel et les ressources pétrolières qui appartiennent légitimement au peuple syrien doivent cesser. Les mauvais traitements infligés aux Kurdes et aux Arabes doivent cesser”, a insisté Fidan.

En réponse à la question de savoir s'il avait rencontré Bachar Al-Assad au cours des trois dernières années, Fidan a dit: "Non, je ne l'ai pas rencontré. Nous avons tenté de nous réunir, nous le voulions, mais ils n'ont pas accepté. C'est ce que je voulais moi-même”.

"Nous avons même engagé d'autres pays de la région comme médiateurs, l'Irak étant le premier, et d'autres pays aussi, mais je ne les nommerai pas. Ils ont tous refusé”, a conclu le ministre turc des Affaires étrangères.

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