Par Firmain Eric Mbadinga
Madame Zouléath, une Béninoise d'une cinquantaine d'années, mère de quatre enfants, n'aurait jamais pu imaginer, il y a encore deux ans, qu'elle posséderait un jour un lopin de terre dans son village natal de Niaro.
Le vent a tourné pour elle à la suite d'une conversation entre son mari et le fondateur de Tonkouro, une ONG locale qui sensibilise aux droits de propriété des femmes.
Maintenant qu'elle a 2,5 hectares de terre à son nom, Zouléath se sent plus forte à tous points de vue. Elle a l'intention de créer une petite exploitation agricole et de cultiver des produits de base tels que le manioc et l'igname, afin de contribuer au revenu de son ménage.
Zouléath, dont le village est situé au nord du département du Borgou au Bénin, pourrait être une exception en zone rurale, malgré les garanties constitutionnelles et légales de l'accès des femmes à la propriété par la naissance et le mariage.
La Constitution béninoise de 1990 garantit l'égalité des sexes, qui s'étend à l'accès à la terre. La réalité du terrain explique en partie la joie inattendue de Zouléath.
Une étude réalisée en 2020 par la section béninoise de l'organisation Women in Law and Development in Africa (WILDAF) a révélé que moins de 30 % des femmes du pays possédaient des terres.
Dans de nombreux pays africains, les hommes ont historiquement bénéficié de la primauté en matière de propriété foncière, même si les femmes effectuent souvent la plupart des travaux agricoles, y compris le labourage.
Cet accès limité est préoccupant pour l'Union africaine, qui s'est engagée à faire en sorte que, d'ici à 2030, au moins 30 % des terres du continent soient détenues par des femmes.
Au Bénin, diverses organisations communautaires ont aidé les femmes à surmonter les résistances culturelles et traditionnelles.
Combattre les préjugés
Le fondateur de Tonkouro, Tamou Charaf Yarou, 27 ans, estime que la loi ne pourra être appliquée que si les mœurs sociales profondément ancrées sont modifiées.
'' Les femmes sont confrontées à d'énormes contraintes qui les empêchent d'accroître leur productivité. Il s'agit notamment de l'accès à la terre et de la sécurité. La question de l'accès des femmes aux ressources foncières n'est pas seulement une question juridique, mais aussi socioculturelle et politique", explique M. Yarou à TRT Afrika.
Convaincu qu'une discussion constructive peut apporter un changement, Yarou s'est lancé en 2019 dans une mission de sensibilisation en interagissant largement avec les populations des villes et des villages.
Tonkouro a pris forme cette année malgré des ressources limitées pour une initiative de ce type.
'' Un jour, j'ai demandé à trois de mes collègues villageois de Niaro, dans la commune de Sinendé, pourquoi ils refusaient que leurs femmes possèdent des terres et sèment des récoltes '', raconte Yarou.
'' Ils m'ont répondu que s'ils le faisaient, la société ne les respecterait pas. Je leur ai ensuite demandé ce qui se passerait après leur mort. Un silence s'est alors emparé de la salle. La saison suivante, chacun a accordé une parcelle de terre à sa femme. Je peux dire que ça a marché '' confit-il.
La sociologue et anthropologue béninoise Edith Assangbé souhaite que le gouvernement relève son objectif en matière de propriété foncière des femmes et qu'il renforce les dispositions légales existantes.
'' Certes, la loi existe. Mais en milieu rural, l'influence culturelle peut empêcher certaines femmes de disposer de la terre. Beaucoup de ces femmes ne connaissent pas non plus leurs droits fonciers", explique-t-elle à TRT Afrika.
Cette situation souligne l'importance des campagnes de sensibilisation telles que celles menées par Yarou.
Des priorités interdépendantes
Selon les données de la Banque mondiale, l'agriculture représente environ 25 % du PIB de l'Afrique. Une statistique encore plus frappante est que les femmes représentent près de la moitié de la main-d'œuvre du secteur.
Compte tenu de la dynamique de l'économie agricole, un meilleur accès des femmes à la propriété foncière pourrait avoir un impact positif sur le PIB de nombreux pays africains.
L'ONG de Yarou vise à former les femmes à des compétences qui leur permettront de participer à des activités génératrices de revenus telles que la poterie et la production de beurre de karité, entre autres.
'' En responsabilisant les femmes rurales, nous pourrions transformer l'éducation dans son ensemble. En ayant accès à la terre, ces femmes peuvent construire des fermes, gagner suffisamment d'argent pour être autosuffisantes, nourrir leurs familles, envoyer leurs enfants à l'école, contribuer à lutter contre l'insécurité alimentaire et protéger nos terres, notre biodiversité et notre végétation", explique M. Yarou.
Outre les données issues des études des Nations Unies et d'institutions telles qu'Oxfam, l'agence belge Enabel, l'UNICEF et CARE International, Yarou mène ses propres enquêtes pour structurer ses actions sur le terrain.
Mon ONG Tonkouro, qui signifie '' femme '' dans ma langue maternelle, le bariba, est l'expression de mon objectif d'autonomisation des femmes", explique-t-il.
Yarou, qui travaille pour la communauté depuis cinq ans, utilise ses compétences de géographe pour collecter des fonds pour la mission de Tonkouro. En peu de temps, le nombre de membres de l'ONG est passé à 17 travailleurs engagés à celui de nombreux autres bénévoles.