Le centre de détention, situé en plein cœur du village de Baporo dans la province du Sanguié au Burkina Faso. Photo : AIB

Par Firmain Eric Mbadinga

Si la fonction première d'une prison ou d'un centre de détention est de priver de liberté tout individu ayant fait l'objet d'une condamnation judiciaire à la suite d'un crime commis, ces endroits qui restent des espaces de vie, peuvent aussi être le moyen pour la société de donner aux personnes qui y passent ; le temps d'apprendre de leurs erreurs et d'apprendre des métiers afin d'en ressortir meilleures.

C'est surtout en prison qu'on croit à ce qu'on espère ! affirme l'écrivain Honoré de Balzac pour confirmer qu'un passage en détention peut offrir une seconde chance, un nouveau départ dans la vie.

C'est fort de cette logique que le principe de la réhabilitation s'est imposé au fil du temps dans certains systèmes judiciaires de plusieurs pays occidentaux.

Le centre de détention, situé en plein cœur du village de Baporo dans la province du Sanguié au Burkina Faso. Photo : AIB

En Afrique, le Burkina Faso fait partie des premiers pays à avoir cru en la réhabilitation morale, mais aussi physique, des personnes qui ont connu une condamnation à des peines autres que la perpétuité ou la mort, se sanctionnant par un séjour en prison.

En effet, en 1986, en plein cœur du village de Baporo dans la province du Sanguié un centre pénitentiaire agricole a été construit sur une superficie de 100 hectares, sur décision du défunt président Thomas Sankara.

Le temps faisant son effet sous les différents régimes politiques qui se sont succédé dans le pays, le centre a connu un certain déclin duquel les autorités actuelles ont décidé de le relever, en redynamisant les activités dans ce centre de détention.

Et en début de mois de décembre dernier, Sabila Sawadogo, le directeur général de l’administration pénitentiaire du Burkina Faso, a affirmé, à l'occasion de la présentation de l'activité agropastorale de 2023, que les personnes admises dans ce centre ont produit des dizaines de tonnes de fruits et légumes.

Le centre de détention, situé en plein cœur du village de Baporo dans la province du Sanguié au Burkina Faso. Photo : AIB

''Le travail des détenus dans ce centre, c'est de les préparer à avoir un métier à la sortie. Ce centre vise aussi à nourrir tous les détenus de toutes les prisons du Burkina Faso, qu'il s'agisse de personnes détenues, des condamnées ou de mises en examen et revendre le surplus de production puis verser les gains au trésor", avait affirmé Sabila Sawadogo devant la presse.

Les détenus présents, qui ont la possibilité d'apprendre et de travailler en plein air, sont ceux dont le comportement a été jugé remarquable par l'administration pénitentiaire à travers l'ensemble du Burkina Faso.

Sur les 40 hectares déjà exploités, certains détenus cultivent de la banane et autres légumes, pendant que d'autres apprennent, parmi les bœufs, les vaches et les moutons, les techniques d'élevage.

Romaric Ndembi Moussoiami, psychologue clinicien gabonais aux oreilles duquel les échos du centre de Bapor sont parvenus, voit en ce programme de réinsertion ; un modèle utile pour la société de façon générale. Celui qui a également compétence en psychopathologie encourage pour cela ; un traitement totalement humain de personnes choisies pour travailler et apprendre dans la prison à ciel ouvert.

''Il faudra prendre en compte et considérer les détenus, respecter leur dignité. Le risque serait qu'ils soient juste utilisés comme de la main d'œuvre, étant donné leur statut. Prison à ciel ouvert ou pas, tant que la prison ne remplit pas certains critères de détention, cela ne servira à rien'', déclare Romaric Ndembi Moussoiami à TRT Afrika.

Le psychologue estime par ailleurs qu'en plus des activités génératrices de revenus pour le centre ou pour les détenus eux-mêmes, des programmes d'alphabétisation, des jeux de rôles, le sport et l'apprentissage des métiers pratiques tels que la cuisine, la pâtisserie, pourraient renforcer le panel de formations au centre de Baporo.

Le centre de détention, situé en plein cœur du village de Baporo dans la province du Sanguié au Burkina Faso. Photo : AIB

La volonté

Sur un ton stoïque, Romaric Ndembi Moussoiami alerte, au passage, sur ce qui peut être considéré comme l'élément catalyseur de tout programme de réinsertion depuis le milieu carcéral, à savoir la sincérité ; la volonté des acteurs de changer.

Le but de ce genre de programme étant de préparer et accompagner la réinsertion des personnes condamnées, les aider à retrouver leur autonomie, il est évident que cela dépendra de beaucoup de facteurs et, si oui ou non, la personne a la volonté de changer. Aucun programme n'est parfait, mais il faudra juste de la volonté des deux parties (Personnel, pénitentiaire et détenu).

Il y a des exemples dans le monde de certains ex-prisonniers qui sont devenus des modèles dans la société, qui se sont intégrés, qui ont pu trouver leur voie conclut le psychologue.

Et s'il y a bien quelqu'un qui croit en la possibilité des détenus de saisir les opportunités de changements que peuvent offrir des centres comme celui du Burkina Faso, c'est le président de la transition burkinabé lui-même. À propos du centre pénitentiaire agropastoral de Baporo, le capitaine Traoré qui est à l'initiative de la redynamisation des activités dans ce centre.

''En fonction de ce que chacun pourra exercer, il va leur permettre d'exercer. Ils vont produire pour la population'', a déclaré le capitaine Ibrahim Traoré, le chef de l'État burkinabè pour souligner l'intérêt du programme qui devrait profiter selon au pays tout entier et aux prisonniers eux-mêmes.

Le centre de détention, situé en plein cœur du village de Baporo dans la province du Sanguié au Burkina Faso. Photo : AIB

Dans cette phase de relance, Sabila Sawadogo, le directeur général de l’administration pénitentiaire du Burkina Faso, a toutefois soulagé, le 6 décembre dernier, la cure de jouvence dont a besoin ce centre, afin d'offrir un cadre de séjour agréable à la fois pour les détenus et les personnels pénitentiaires.

''Ce centre a besoin de la construction de dortoirs de détenus, qui en ce moment ne peuvent pas contenir plus de 44 détenus. Nous avons aussi besoin d'un grand terrassement de nos espaces cultivables. Nous avons besoin de la reprise de notre station de pompage qui est chaque fois immergée en saison pluvieuse, ce qui ne nous permet pas de sauver nos cultures en temps de sécheresse'', a indiqué Sabila Sawadogo.

Les autorités burkinabè souhaitent, dans un futur proche, étendre les activités du centre de détention de Baporo à la pisciculture.

Avec une population carcérale estimée à 8000 personnes dans tout le pays, les responsables de l'administration pénitentiaire ont aussi partagé leur espoir de voir fleurir la construction d'autres établissements préparant à la réinsertion sociale des prisonniers sur l'ensemble du pays.

Pour sa part, F. OLLO OBIANG, secrétaire général adjoint de l'association ''SOS Prisonniers Gabon'', a exprimé à TRT Afrika sa volonté de voir en plus les efforts déjà réalisés dans des pays comme le Burkina Faso, une plus grande implication toute la société pour une réelle insertion des personnes formées en prison une fois que celles-ci retrouvent la liberté.

TRT Afrika