Par Mamadou Thiam
La division tant redoutée au sein de la coalition au pouvoir est désormais actée. Avant même la désignation d'Amadou Bâ comme candidat du parti, certains avaient officialisé leur candidature pour la présidentielle de février 2024.
Ils sont nombreux ces ministres et Directeurs généraux à se positionner. Ancienne ministre du Commerce, Aminata Assome Diatta a quitté la coalition Benno Bokk Yaakaar pour lancer son parti. Elle a annoncé sa candidature, tout comme l’ancien Premier ministre, Aminata Touré.
Toutefois, ces potentiels candidats devront tous passer le filtre du parrainage, pour espérer être sur la dernière ligne droite. (NDRL : Il faut au minimum 0,6% et 0,8% maximum du corps électoral pour être candidat à la présidentielle de 2024). Pour de nombreux spécialistes, la frustration serait à l’origine des positions des uns et des autres.
« Les candidatures isolées et les problèmes ne vont pas manquer. L’essentiel du groupe, constitué de l’Afp, du Ps et autres partis ou mouvements, va rester. Pour cause, il y a le risque de perdre sa famille politique. Et en cas de retrait de cette coalition, l’opposition ne va pas facilement accepter les dissidents et les frustrés. La frustration va apparaître davantage après l’annonce de la personne choisie pour porter les couleurs de la coalition en février prochain », renseigne l’analyste politique Assane Samb.
Pour certains, la pluralité de candidatures au sein de la coalition au pouvoir ne serait qu’une stratégie mûrement réfléchie. Pour M. Samb, cela pourrait ne pas donner le résultat escompté.
«Benno a un destin commun. Et la conséquence de la multitude de candidatures contribuera à sa fragilisation. Des candidatures multiples n’auront aucun sens parce qu’aucun des candidats dispersés n’aura de suffrages significatifs après le dépouillement des votes au soir du premier tour de l’élection présidentielle », prévient-il.
Au total, une trentaine de candidatures sont déclarées pour la présidentielle du 25 février 2024. La collecte des parrainages doit commencer fin septembre. Il reviendra ainsi au Conseil constitutionnel, de valider ou d'invalider les candidatures fin décembre.
Qui pour diriger l'opposition?
Le choix de Amadou Bâ pour diriger la coalition au pouvoir irrite déjà certains militants de la première heure. Au niveau de l’opposition, la situation est beaucoup plus complexe. A presque cinq mois du scrutin, difficile de désigner un leader qui se détache du lot.
Principal leader de l’opposition, Ousmane Sonko se retrouve embourbé dans de multiples déboires judiciaires. Inculpé pour différents crimes et délits dont « complot contre l’autorité de l’Etat », « appel à l’insurrection », il a été placé sous mandat de dépôt depuis le 31 juillet dernier. Son parti « Pastef » a été dissous, mais le maire de Ziguinchor serait toujours éligible.
Pour beaucoup de juristes, son arrestation a anéanti la décision de justice. Pour eux, un nouveau jugement s’impose. Une position que ne partage pas le Gouvernement. Suite à la sortie du Procureur de la République, le ministre de la Justice avait tenté d’éclairer la lanterne des Sénégalais.
« Le contumax est frappé de toutes les déchéances prévues par la loi. Et donc, pour l’instant, la contumace ne tombe pas. Parce que le jugement de la Chambre criminelle qui l’a condamné à 2 ans de prison n’est pas exécuté», indiquait Ismaila Madior Fall, lors d’une conférence de presse datée du 7 août dernier.
A noter également que Ousmane Sonko a été condamné par la Cour d’appel de Dakar à 6 mois de prison avec sursis. Il doit payer 200 millions F CFA de dommages et intérêts et de contrainte par corps maximum pour diffamation.
De l’autre côté, il y a l’éligibilité de Karim Wade et de Khalifa Ababacar Sall qui va sans doute brouiller davantage les cartes. Exclus à l’élection présidentielle de 2019 à cause de leurs condamnations dans des affaires financières, ils devraient se présenter pour le scrutin de 2024.
Une situation rendue possible par l’Assemblée nationale qui a acté leur éligibilité le samedi 5 août dernier, en adoptant la réforme du Code électoral.
Le fils de l’ex-président Abdoulaye Wade et l’ancien maire de Dakar seraient ainsi de sérieux prétendants à la présidentielle de février 2024. Toutefois, ils devront attendre la promulgation de ce texte défendu par le gouvernement pour pouvoir s’aligner.
Avec Amadou Bâ qui va devoir affronter la concurrence dans son propre camp, le cas Ousmane Sonko et le retour attendu pour Khalifa Sall et de Karim Wade, la reconfiguration de l’arène sénégalaise est plus que jamais d’actualité.