L'annonce du report sine die de la présidentielle faite par le président Macky Sall samedi a remis en ordre de bataille l'opposition sénégalaise qui appelle à manifester ce dimanche.
Plusieurs candidats de l'opposition ont annoncé dimanche à la presse et sur les réseaux sociaux qu'ils vont passer outre la décision du président Sall et maintenir le lancement dimanche de leur campagne électorale.
"Nous rejetons systématiquement le décret (reportant la présidentielle). Nous donnons rendez-vous ce dimanche à tous les Sénégalais pour une marche" à Dakar, a déclaré Cheikh Tidiane Youm, un porte-parole du camp de l'opposition sur la radio privée RFM.
"Nous nous sommes réunis et entendus pour nous rassembler à partir de 15H00 (locale et GMT) pour démarrer notre campagne (électorale) de façon collective", a déclaré, sur la même radio, Habib Sy, un des 20 candidats qui devaient concourir au scrutin reporté.
"Toutes les forces vives de la nation doivent s'organiser, agir et obtenir la restauration du calendrier républicain", a écrit l'intellectuel Felwine Sarr dans une tribune.
L'opposant sénégalais Khalifa Sall, un des principaux candidats à la présidentielle, a appelé samedi tout le pays à "se lever" contre le report du scrutin.
L'ancienne Première ministre Aminata Touré a fustigé sur les réseaux sociaux une "régression démocratique sans précédent" et appelé "les démocrates et les citoyens (à) se mobiliser pour défendre nos acquis démocratiques".
Les États-Unis sont "profondément préoccupés" par l'annonce du président Sall, a fait savoir samedi le département d'État sur le réseau social X.
"Nous exhortons tous les participants au processus électoral sénégalais à s'engager pacifiquement dans l'effort important visant à fixer rapidement une nouvelle date et les conditions d'une élection libre et équitable", a-t-il souligné
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest a également exprimé son "inquiétude" et demandé dans un communiqué aux autorités d'œuvrer à fixer rapidement une nouvelle date.
Le président Sall a annoncé samedi, quelques heures avant l'ouverture officielle de la campagne dimanche à 00H00 (locale et GMT), abroger le décret fixant la présidentielle au 25 février. C'est la première fois depuis 1963 qu'une présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal.
Nombre de réactions ont souligné la pratique de la démocratie et de l'alternance. Le Sénégal n'a jamais connu de coup d'État, une rareté sur le continent, alors qu'ils se sont succédé ces dernières années en Afrique de l'Ouest.
Le président Sall a invoqué le conflit qui a éclaté entre le Conseil constitutionnel et l'Assemblée nationale après la validation définitive par la juridiction de 20 candidatures et l'élimination de plusieurs dizaines d'autres.
À l'initiative de Karim Wade, un candidat recalé qui a remis en cause l'intégrité de deux juges constitutionnels et réclamé le report de l'élection, l'Assemblée a approuvé la création d'une commission d'enquête sur les conditions de validation des candidatures.
Contre toute attente, les députés du camp présidentiel ont soutenu la démarche. Elle a provoqué une vive querelle sur la séparation des pouvoirs, mais aussi nourri le soupçon d'un plan du pouvoir pour ajourner la présidentielle et éviter la défaite. Le candidat du camp présidentiel, le Premier ministre Amadou Ba, est contesté dans ses propres rangs et fait face à des dissidents.
Bien au contraire, le candidat antisystème Bassirou Diomaye Faye, validé par le Conseil constitutionnel bien qu'emprisonné depuis 2023, s'est imposé ces dernières semaines comme un postulant crédible à la victoire, un scénario cauchemar pour le camp présidentiel.
Le Sénégal ne peut "se permettre une nouvelle crise" après des troubles meurtriers en mars 2021 et juin 2023, a dit le président Sall, annonçant "un dialogue national" pour "une élection libre, transparente et inclusive" et réitérant son engagement à ne pas être candidat.
Selon le Code électoral, un décret fixant la date d'une nouvelle présidentielle doit être publié au plus tard 80 jours avant le scrutin.