"Bassirou, c'est moi", a dit Ousmane Sonko au sujet de son lieutenant appelé à devenir le plus jeune chef de l'Etat sénégalais après la reconnaissance de sa victoire par son principal adversaire lundi.
"Diomaye", comme il est communément appelé ("l'honorable" en sérère, une des communautés humaines du Sénégal), fêtait son 44ème anniversaire lundi.
Son avènement annonce potentiellement une transformation significative de la gouvernance du pays.
L'ancien inspecteur des impôts a franchi discrètement les étapes dans l'ombre de son mentor Ousmane Sonko, troisième de la présidentielle en 2019 et frappé d'inéligibilité en 2024 après trois ans de bras de fer avec le pouvoir. M. Sonko l'a désigné comme son remplaçant dans la course présidentielle. Il n'a jamais exercé le moindre mandat d'élu auparavant.
Libérés il y a dix jours de la prison où ils étaient détenus, les deux hommes ont drainé, lors d'une tournée à travers le Sénégal, des foules en liesse qui répétaient comme unique slogan "Sonko mooy Diomaye, Diomaye mooy Sonko" ("Sonko c'est Diomaye, Diomaye c'est Sonko") en langue wolof.
"Bien sûr, on aurait préféré que ce soit Ousmane Sonko (le candidat). Mais j'ai confiance en Diomaye car Sonko lui a fait confiance. Ils partagent le même projet", confie Mourtalla Diouf, un jeune Casamançais de 27 ans.
"Ils sont deux faces d'une même pièce avec deux styles différents", corrobore Moustapha Sarr, un formateur des militants du Pastef, le parti de MM. Faye et Sonko dissous par les autorités en 2023.
Souvent vêtu d'un boubou blanc traditionnel, de taille moyenne, portant une barbichette sous son visage juvénile, M. Faye s'est présenté sur scène lors de son dernier meeting électoral en compagnie de ses deux épouses, une première pour un président sénégalais.
Contre l'hyper-présidentialisme, ce musulman pratiquant s'affiche comme l'incarnation d'une nouvelle génération de politiciens, mettant en avant ses valeurs panafricaines, sa volonté de préserver la souveraineté de son pays, de répartir plus justement les richesses et de réformer une justice qu'il juge corrompue.
Il promet aussi de renégocier les contrats pétroliers et de pêche et dit ne pas avoir peur de sortir du franc CFA, y compris en allant jusqu'à la création d'une nouvelle monnaie nationale, une mesure que son adversaire Amadou Ba a dénoncé comme un "non-sens" économique.
Particulièrement raisonnable
Son projet est largement relayé par ses nombreux sympathisants sur les réseaux sociaux comme sa déclaration de patrimoine publiée le dernier jour de la campagne pour marquer sa "transparence".
Ses rivaux lui reprochent d'être à la tête "d'aventuriers" prêts à mener une politique de rupture dangereuse pour un pays réputé pour sa stabilité en Afrique de l'Ouest.
Issu d'une modeste famille d'agriculteurs, Bassirou Diomaye Faye a passé le concours de l'Ena (école nationale d'administration) au Sénégal, dans les pas de M. Sonko, avant de prendre la tête du syndicat que ce dernier dirigeait. Ensemble, ils fondent en 2014 le parti politique Pastef.
M. Faye va même jusqu'à appeler l'un de ses fils "Ousmane" en l'honneur de son compagnon de route.
Puis ils se retrouvent ensemble en prison. En avril 2023, M. Faye est inculpé et écroué pour outrage à magistrat, diffamation et actes de nature à compromettre la paix publique, selon un de ses avocats, après la diffusion d'un message critique contre la justice dans les affaires Sonko.
En juillet, M. Sonko le rejoint, accusé notamment d'"appel à l'insurrection".
"Président, tu dis souvent que je suis têtu" mais "nous sommes toujours ensemble", a-t-il lancé, lors d'une conférence de presse sous le regard d'Ousmane Sonko, au lendemain de leur libération.
Il se présente comme quelqu'un de "particulièrement raisonné, de particulièrement raisonnable, de particulièrement sensé, de particulièrement réfléchi ".
Après avoir voté dimanche, il a appelé à un "retour définitif à la sérénité" au Sénégal "qui a été gravement perturbée" ces dernières années.