Idriss Amidou a enfilé sa casquette et son t-shirt "Marchons avec Mahamat" pour sillonner N'Djamena, la capitale, en soutien à la candidature du général Mahamat Idriss Déby Itno, le président de transition.
Peu convaincu par la politique par le passé, l'étudiant en lettres modernes de 26 ans, qui rêve de meilleures conditions à l'université, s'est finalement résolu à voter pour la première fois et cherche à convaincre ses compatriotes de glisser le bulletin Déby dans les urnes.
Pour lui, l'homme propulsé à la tête du pays par une junte de quinze généraux à la mort de son père, le maréchal Idriss Déby Itno, président depuis trente ans mais tué par des rebelles en avril 2021, est "le seul candidat en qui il a espoir" et mérite "cinq ans de plus".
Pas gêné, au contraire, par le pouvoir hérité de père en fils que l'opposition dénonce comme la perpétuation d'une "dynastie Déby", Idriss, estime, lui, qu'ils sont ceux qui "savent comment conduire le pays".
Déby est le candidat "du vivre-ensemble pour faire avancer le pays", acquiesce Mahamat Ibrahim, à l'entrée d'un des multiples bureaux de soutien au général de 40 ans, à N'Djamena.
A 18 ans, l'âge d'accéder au vote, il est fier d'avoir aidé à tapisser la ville des affiches de campagne de MIDI, acronyme du chef de la junte, omniprésentes dans le centre de la capitale.
"Changer le pays"
Dans les artères ensablées de l'université de N'Djamena, Éric Bendiguim, étudiant en droit de 25 ans, lui, est déterminé à pousser dehors l'ancien régime.
"MIDI a déjà échoué, nous n'avons pas de routes, nous n'avons pas d'électricité, nous n'avons pas de bonnes écoles, nous ne mangeons pas à notre faim, c'est lamentable", s'emporte-t-il.
Il votera pour la première fois lundi et s'est lancé tambour battant dans le mouvement des Transformateurs, le parti du candidat Succès Masra, également âgé de 40 ans, qu'il a accompagné de villes en villes pour des meetings drainants des foules considérables.
Pour cet étudiant, l'ex-farou che opposant aux Déby père et fils, finalement devenu Premier ministre de la junte cinq mois avant la présidentielle, n'est pas "le traître" ou le faire-valoir du général-président, comme le clame l'opposition, mais "le seul opposant digne de ce nom" parmi les dix candidats, celui "qui doit changer le pays".
"On a donné notre confiance aux opposants dans le passé, à la dernière minute, ils nous ont trahis. Cette fois, j'ai espoir en Succès Masra", s'enthousiasme Nnguemadje Makobaye, 20 ans, qui étudie pour être professeur de français.
Il estime toutefois que la victoire est loin d'être acquise. "Ce régime veut vraiment être à la tête du pays, même si Masra arrive à prendre le pouvoir démocratiquement, ils seront vraiment mécontents et vont passer par une autre voie pour arriver à leurs fins", prédit-il.
"Pas confiance"
A 20 ans, Christelle Dénérambaye, qui n'a encore jamais voté à une présidentielle, se dit déjà "démotivée" par les propositions des candidats.
"Si je ne fais pas confiance, c'est parce que je n'ai rien vu de concret. On dit que la politique, c'est l'art de mentir, ils nous disent des belles phrases, ils savent parler à la jeunesse", estime-t-elle.
"Moi, on ne me convainc pas par les mots, j'aimerais voir les actions", ajoute celle qui aimerait un dirigeant qui "se soucie des jeunes et qui pourra les aider à entreprendre et à développer le pays".
A l'ombre d'une tente, sous une chaleur écrasante, Michael Ramadane, rappeur de 22 ans, confie "ne pas être sûr d'aller voter".
"Nos parents ont vécu des choses horribles dans ce pays, chaque élection on crie au changement, c'est les mêmes discours, les mêmes mensonges", considère-t-il.
Dégoûté, il a récemment exprimé, dans un morceau intitulé "L'Pays va mal", sa frustration envers la politique et sa peur pour l'avenir.
En attendant, il observe anxieusement ses proches qui ont commencé à "préparer des stocks" de nourriture en prévision d'une issue conflictuelle à l'élection.
"A la dernière minute, tout peut être chamboulé, dans ce pays c'est sûr, tout est possible", souffle Michael avec inquiétude.