Les usines illégales de farication d'armes à feu, qui se font souvent passer pour des entreprises formelles, deviennent de plus en plus menaçantes la sécurité intérieure et la stabilité sociale du Nigeria.
La police a récemment découvert une série de usines dans tout le pays confirmant l'ampleur de la menace.
En octobre dernier, les enquêteurs ont démantelé à Lagos une forge qui servait de façade à la production d'armes illégales, ce qui témoigne de l'ingéniosité de ceux qui se cachent derrière ces entreprises illicites. Des copies d'AK-47, des fusils à canon, des pistolets, des cartouches - elle produıt tout.
"Voyez à quel point cette fabrication d'AK-47 est parfaite. C'est incroyable", a récemment écrit sur X le porte-parole de la police nigériane, Olumuyiwa Adejobi, en publiant la photo une arme prétendument saisie dans une fabrique d'armes illégale de l'État du Plateau. Récemment, l'armée nigériane a effectué un raid contre une autre fabrique de ce type dans l'État du Delta, dans le sud du pays.
Le schéma semble familier, de l'État du Plateau, dans le centre du Nigeria, à Lagos, dans le sud-ouest. Les agents de sécurité font des descentes dans les usines, saisissent des armes en grand nombre et procèdent à des arrestations, avant que le trafic d'armes ne prenne de l'ampleur.
"La production d'armes illégales est concentrée dans le sud-est et le centre-nord du Nigeria", explique à TRT Afrika le capitaine de vaisseau Sadiq Garba Shehu.
Le problème de l'Afrique de l'Ouest
Le défi ne se limite pas au Nigeria. De nombreux pays voisins, y compris ceux qui sont en proie à des conflits internes et au chaos politique, ont des cartels d'armes à feu bien implantés qu'il s'avère difficile de déraciner.
Selon un article paru sur Relief Web, un service d'information relevant du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, des armuriers illégaux existent depuis longtemps dans des pays comme le Mali, le Sénégal, le Togo, la Sierra Leone, le Liberia, la Guinée, le Mali, le Bénin, le Burkina Faso et la Côte d'Ivoire.
Un rapport de 2018 sur l'intégration du genre dans l'architecture de paix et de sécurité du bloc régional de la CEDEAO a blâmé les fabriques d'armes illégales pour la "possession et la circulation généralisées d'armes entre les mains de civils".
Outre la distribution d'armes à feu légères, cette tendance a été liée à l'escalade des crises internes dans presque tous les pays touchés, plus particulièrement en Afrique de l'Ouest.
La CEDEAO a appelé à plusieurs reprises les États membres à prendre des mesures plus strictes et concertées pour enrayer la prolifération des armes illégales dans la sous-région.
Alors que de nombreux gouvernements ont pris des mesures sévères contre le trafic d'armes, les fabriques d'armes illégales n'ont pas seulement survécu. Dans plusieurs pays, dont le Nigeria, elles semblent prospérer au nez et à la barbe des agences de sécurité.
Modus operandi
Les fabriques d'armes illégales du Nigeria sont connues pour produire des imitations difficiles à distinguer de l'original.
"Tous ces pistolets ont été fabriqués localement dans l'usine (illégale) de Jos. Les gars sont doués", déclare Adejobi, porte-parole de la police, en publiant une photo des neuf pistolets saisis sur son compte X.
Qu'est-ce qui motive les usines illégales de fabrication d'armes à feu dans la région ? "La criminalité alimente la demande", explique le capitaine Shehu. "Les conflits ethniques et religieux ont donné naissance aux milices ethniques, qui ne pouvaient évidemment pas se procurer d'armes par des moyens légaux. C'est là que se trouve le marché".
Selon les analystes, les armes à feu fabriquées dans ces usines illégales constituent une grande partie des armes en circulation. Le capitaine Shehu affirme que les usines illégales de fabrication d'armes "contribuent à 40 % du problème".
Changement de stratégie
La réaction à la publication d'Adejobi sur les médias sociaux suggère que de nombreux Nigérians pensent que les agences de sécurité devraient aborder le problème différemment.
"Nous devons travailler sur eux, pour notre bien", a écrit le porte-parole de la police, suscitant des commentaires suggérant que les autorités doivent exploiter les "talents" de ceux qui fabriquent illégalement des armes à feu dans l'intérêt du pays.
Le capitaine Shehu estime que c'est plus facile à dire qu'à faire. "Il n'est guère possible de les sevrer de la fabrication illégale d'armes à feu, car ils sont motivés soit par l'argent, soit par des sentiments ethno-religieux", explique-t-il.
Quelle que soit la faisabilité des solutions proposées, les gouvernements et les populations de la sous-région peuvent se passer de l'insécurité causée par la distribution généralisée d'armes à feu sans licence dans des usines illégales.