Les spécialistes du monde de la finance et du développement ont célébré avec enthousiasme les quinze ans des BRICS. Un regroupement qui comprend le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, et qui va s'élargir à partir du 1er Janvier 2024.
Plusieurs économistes du sud considèrent en effet les BRICS comme une alternative au système économique "unipolaire" porté par les institutions de Bretton Woods, à savoir le groupe de la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI).
"Un groupe comme les BRICS est en mesure de façonner un nouvel ordre économique mondial, pour un faisceau de raisons”, souligne dans une interview à TRT français Jean-Marie Biada, économiste et consultant au bureau de l'Organisation du Développement Industriel de l’ONU (ONUDI) au Cameroun.
L’économiste explique à ce titre que le bloc représente près de 40% de la population mondiale. “C'est un ensemble de consommateurs à même de dépenser de l'argent pour répondre à leurs besoins. Le bloc a aussi un mécanisme qui lui permet de créer les instruments de paiement. Il s'agit de la Nouvelle Banque de Développement", affirme Biada à TRT français.
Cette nouvelle institution financière, en réalité le bras séculier des BRICS, est chargée de donner corps à la vision de ce regroupement qui conteste la suprématie du groupe de la Banque mondiale. Le capital de cette Banque est de 100 milliards de dollars. C'est cinq fois le budget de la BIRD (Banque Internationale pour le Commerce et le Développement), l’appui du G7 à son avènement.
Contre l'hégémonie du dollar
Dans les faits, la Nouvelle Banque de Développement remet en question la mainmise du dollar sur l'économie mondiale.
"Le mécanisme d'appui de cette banque tranche avec ce que l'on connaît depuis 1945 avec le groupe de la Banque Mondiale. En lieu et place du dollar, les titres sont émis en monnaies locales. Ceci est en totale rupture avec ce que Bretton Woods nous propose depuis 1945", explique Jean-Marie Biada.
En cela, les pays du sud gagnent en flexibilité, en souveraineté.
"Les États ne pourront plus subir des conditionnalités qui n'ont rien à voir avec l'économie comme les droits de l'homme ou ce qui est considéré comme tel ou encore les normes environnementales", a poursuivi l’économiste.
L’Ouganda, actuellement mis à l'index par la Banque Mondiale, pour de prétendues violations des droits de l'homme, fait remarquer Biada, "n'aurait jamais subi les foudres de la Nouvelle Banque de Développement, si elle avait été membre des BRICS".
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Diversité, atout ou faiblesse ?
Pour autant, la question de l'hétérogénéité et des motivations des pays membres des BRICS se pose. Les rivalités entre l'Inde et la Chine sont connues, la Russie ne veut-elle pas profiter de cette plateforme pour desserrer l'étau des sanctions économiques occidentales, depuis qu'elle est en guerre contre l'Ukraine ? Le Brésil acceptera-t,-il facilement l'adhésion d'autres États d'Amérique Latine, au risque de perdre son influence régionale ?
“Ce que vous appelez hétérogénéité est une richesse”, tranche d'emblée Jean- Marie Biada, ajoutant que “l'essentiel, c'est la solidité du socle constitué par les États fondateurs."
Pour donner la pleine mesure de son potentiel, l'économiste suggère un enrichissement de la structure de la Banque en s'inspirant du fonctionnement du groupe de la Banque Mondiale.
Beaucoup d'États africains semblent avoir saisi la portée des BRICS grâce à la Nouvelle Banque de Développement. Les demandes d'adhésion s’enchaînent et des pays comme l'Algérie, l'Éthiopie, l'Égypte frappent aux portes de ce regroupement en quête d'un nouvel ordre monétaire mondial.