Le premier des trois attentats-suicides coordonnés du 30 juin visait un mariage très fréquenté. Le deuxième a été déclenché lors de la cérémonie d'enterrement des victimes, et le troisième dans un hôpital où l'on soignait les blessés. Au moins 32 personnes ont été tuées dans les attentats, dont neuf membres de la famille et amis de Mohammed Kehaya, un habitant qui s'inquiète désormais pour sa sécurité dans l'État de Borno.
Sur le sujet, le chef de l'état-major des armées du Nigeria, le général Chris Musa, a indiqué que les attaques n'étaient pas un revers pour l'armée mais "un signe de désespoir", les décrivant comme une action ponctuelle de la part des extrémistes qui ont pris le monde par surprise lorsqu'ils ont enlevé des centaines d'écolières à Borno en 2014.
"Certains individus feraient tout leur possible pour que nous ne réussissions pas", a regretté le général Musa à propos des assaillants. Toutefois, plusieurs analystes de la sécurité et habitants interrogés sur les attentats à la bombe se sont fait l'écho de préoccupations selon lesquelles les attaques ont dû nécessiter beaucoup de planification et de coordination et laissent présager un danger à Borno, où certains villages sont dépourvus de toute présence sécuritaire.
L'un des objectifs des extrémistes pourrait être de déformer le discours selon lequel la situation sécuritaire dans la région s'est normalisée, a estimé Vincent Foucher, analyste principal consultant pour l'Afrique de l'Ouest à l'International Crisis Group.
C'est une façon de montrer que la guerre continue, selon M. Foucher.
Aucun groupe n'a revendiqué la responsabilité des attentats, mais Boko Haram, qui depuis 2009 a lancé une insurrection pour établir son interprétation radicale de la loi islamique, ou charia, dans le nord-est du Nigéria, a été rapidement blâmé.
Ils se sont depuis scindés en différentes factions, responsables ensemble de la mort directe d'au moins 35 000 personnes et du déplacement de plus de 2 millions d'autres, dans un contexte de crise humanitaire où les populations ont un besoin urgent d'aides humanitaires.
Deux jours avant les attentats, le porte-parole de l'armée nigériane, le général de division Edward Buba, a rencontré des journalistes dans la capitale, Abuja, où il a parlé des succès enregistrés par les forces de sécurité dans leur guerre contre les extrémistes.
Tout en admettant qu'il faudrait "du temps et des efforts pour les détruire complètement", il a répété une phrase fréquemment prononcée par les responsables nigérians : "Nous avons fortement affaibli les terroristes".
À Borno, cependant, les attentats ont provoqué une onde de choc dans les familles et beaucoup se sont demandé s'ils devaient emballer ce qu'il restait de leurs biens et fuir à nouveau. "Les parents ont appelé pour demander si leurs enfants pouvaient retourner à l'école en toute sécurité", a signalé Yusuf Ibn Tom, enseignant dans une école publique de Maiduguri. "Tout le monde ici a peur".
Au plus fort de l'insurrection en 2014, Boko Haram était considéré comme le groupe terroriste le plus meurtrier au monde, ayant tué au moins 6 000 personnes rien que cette année-là, selon l'indice mondial du terrorisme de l'Institute for Economics and Peace.
Depuis, beaucoup de choses ont changé et les extrémistes sont devenus beaucoup moins meurtriers. L'armée les a repoussés plus loin dans les marges de l'axe du lac Tchad.
La mort en 2021 du chef fondateur du groupe, Abubakar Shekau, a démoralisé certains membres et rendu les attentats suicides moins populaires. Les affrontements entre la faction de Shekau et celle liée à Daesh ont poussé les extrémistes à se retourner contre eux-mêmes, déplaçant parfois le centre des attaques des militaires et des civils et contribuant même à la défection de milliers d'entre eux qui suivent un programme de réinsertion.
Mais ce qui n'a pas changé au fil des ans, c'est la "prouesse opérationnelle" des extrémistes, d'après l'analyse de Cameron Hudson, expert de l'Afrique au Centre d'études stratégiques et internationales.
Les attaques comme la dernière en date "sont rarement des incidents isolés et font souvent partie d'une série plus large", a confié M. Hudson, qui n'exclut pas que d'autres attentats puissent se produire à l'avenir. "Cela donnera une meilleure indication de la force relative de l'insurrection aujourd'hui ainsi que de la capacité de réaction de l'armée nigériane", a-t-il ajouté.
➤Suivez-nous sur TRT Afrika Français via notre chaîne WhatsApp