Plus d'une semaine après avoir annoncé leur retrait de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le Burkina Faso, le Mali et le Niger déclarent qu'ils ont l'intention de partir immédiatement, malgré la règle d'un an de la CEDEAO.
Les trois pays ont annoncé le 28 janvier qu'ils quittaient la CEDEAO et ont envoyé des notifications formelles à l'organisation le jour suivant.
L'article 91 du traité de la CEDEAO stipule que les pays membres restent liés par leurs obligations pendant une période d'un an après avoir notifié leur retrait.
Mais les trois pays, tous gouvernés par des régimes militaires arrivés au pouvoir par des coups d'État, n'ont pas l'intention d'attendre.
Sortie irréversible
"Le gouvernement de la République du Mali n'est plus lié par les contraintes de temps mentionnées à l'article 91 du traité", a déclaré le ministère des affaires étrangères de Bamako dans une lettre adressée à la CEDEAO mercredi.
La lettre indique que la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, créée en 1975, a rendu le traité "inopérant" lorsqu'elle n'a pas respecté ses obligations en fermant les frontières des États membres avec le Mali en 2022, lui refusant ainsi l'accès à la mer.
La CEDEAO a imposé des sanctions au Mali alors qu'elle tentait d'obtenir le retour rapide d'un gouvernement civil avec des élections.
"Le ministère réitère le caractère irréversible de la décision du gouvernement de se retirer "sans délai de la CEDEAO en raison de la violation par l'organisation de ses propres textes", indique la lettre ministérielle.
De graves défaillances
Les trois régimes entretiennent des relations tendues avec la CEDEAO depuis les coups d'État qui ont eu lieu au Niger en juillet dernier, au Burkina Faso en 2022 et au Mali en 2020.
Le ministère des affaires étrangères du Burkina Faso, dans une lettre similaire adressée à la CEDEAO, a réitéré "la décision de se retirer sans délai" et son caractère "irréversible".
Ouagadougou a invoqué des "manquements graves" de la part de l'organisation et notamment des "sanctions" prises avec "une intention manifeste de détruire les économies des pays en transition".
Les autorités nigériennes ont également confirmé leur retrait immédiat dans une lettre adressée à l'organisation la semaine dernière, et considèrent l'article 91 comme nul et non avenu, selon une source gouvernementale contactée par l'AFP.
La CEDEAO doit tenir une réunion ministérielle à Abuja jeudi pour discuter de la situation politique et sécuritaire dans la région.
Alliance des Etats du Sahel
Les régimes militaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger avaient déjà été suspendus par la CEDEAO après le renversement de leurs gouvernements civils.
Le bloc régional a tenté en vain d'imposer le retour à un régime civil, ce qui a conduit les trois pays à accuser la CEDEAO de constituer une menace pour leur souveraineté.
L'organisation est allée jusqu'à menacer de recourir à la force au Niger, où les militaires ont renversé le président élu Mohamed Bazoum.
Mais les trois États se sont réunis et ont formé l'Alliance des États du Sahel (AES) sous la bannière de la souveraineté et du panafricanisme.
Repousser les limites
Les régimes militaires ont également accusé la France, ancienne puissance coloniale, d'instrumentaliser la CEDEAO.
Ils ont chassé les ambassadeurs et les forces de sécurité français tout en se tournant politiquement et militairement vers Moscou.
Certains observateurs estiment que le départ de trois membres fondateurs de la CEDEAO pourrait compromettre les échanges commerciaux et retarder le retour à un régime civil dans ces pays qui luttent contre la pauvreté et la violence des groupes armés.
La violence a fait des dizaines de milliers de morts parmi les civils et les soldats et des millions de personnes ont été déplacées dans la région du Sahel.