La capitale haitienne Port-au-Prince est à 80% aux mains des bandes criminelles /AFP / Photo: Reuters

Approuvée en octobre par le Conseil de sécurité de l'ONU, la mission a pris du retard en raison de l'instabilité qui règne sur l'île des Caraïbes mais aussi de recours en justice au Kenya, où le choix du gouvernement suscite critiques et inquiétudes.

L'annonce du gouvernement kényan intervient juste avant la visite du président William Ruto à Washington pour rencontrer le président américain Joe Biden le 23 mai. Washington est un soutien financier et logistique majeur de cette mission.

"Ce déploiement aura lieu dans les prochains jours, les prochaines semaines", a déclaré à la presse Korir Sing'oei, secrétaire principal au ministère des Affaires étrangères du Kenya.

Le Kenya a accepté de prendre la tête de cette mission multinationale réclamée par les autorités haïtiennes, l'ONU et la communauté internationale mais à laquelle de nombreux pays n'ont pas souhaité participer. Nairobi s'est dit prêt à envoyer jusqu'à un millier de policiers. D'autres pays doivent également contribuer à cette force (Bénin, Bahamas, Bangladesh, Barbade, Tchad...).

"Mission suicide"

Cette décision a suscité de vives critiques dans ce pays d'Afrique de l'Est, où ses détracteurs la jugent dangereuse et inconstitutionnelle. Un opposant a même qualifié l'opération de "mission suicide".

Les dirigeants du parti d'opposition "Alliance troisième voie" ("Thirdway alliance"), Ekuru Aukot et Miruru Waweru, ont déposé jeudi une nouvelle requête devant la Haute Cour de Nairobi.

Ils invoquent un "outrage au tribunal", affirmant que le gouvernement s'apprête à concrétiser l'opération, que ce même tribunal avait jugée "inconstitutionnelle, illégale et invalide" le 26 janvier.

"Les requérants sont informés de manière fiable que le déploiement peut être effectué à tout moment à partir de maintenant, mais au plus tard le 23 mai 2024, d'où l'urgence de cette requête", soulignent-ils dans leur recours.

Une source gouvernementale haïtienne avait indiqué début mai à l'AFP qu'un premier contingent de 200 policiers kényans devait arriver le 23 mai.

Selon une source au ministère kényan de l'Intérieur, les policiers pourraient arriver d'ici mardi.

Le président William Ruto et le Premier ministre haïtien Ariel Henry avaient signé un accord sur ce déploiement le 1er mars à Nairobi.

Mais quelques jours plus tard, ce dernier, empêché de regagner Haïti où les gangs avaient mené des attaques coordonnées contre des sites stratégiques, a annoncé qu'il allait quitter le pouvoir.

Le pays est désormais dirigé par un conseil de transition, qui doit former un gouvernement et nommer un Premier ministre.

"Aucune demande formelle de déploiement n'a été faite par le gouvernement d'Haïti pour le déploiement de policiers en Haïti ; il n'y a pas de gouvernement en place en Haïti capable de faire une telle demande ou signer un accord bilatéral avec le Kenya pour le déploiement de policiers en Haïti; et il n'y a pas de Parlement en place en Haïti pour ratifier un tel accord", ont fait valoir les opposants Aukot et Waweru dans leur recours.

Préparatifs américains

Début mai, l'armée américaine avait indiqué avoir commencé à déployer en Haïti des éléments précurseurs à l'envoi de la force multinationale.

"L'US Southern Command (le Commandement sud de l'armée américaine) a coordonné plusieurs vols d'avions militaires américains transportant du personnel civil sous contrat, du matériel et des fournitures à l'aéroport international Toussaint Louverture" de Port-au-Prince, selon un communiqué.

Les Etats-Unis entendent contribuer financièrement et en équipements à cette force mais sans y participer avec des troupes ou policiers.

Pays des Caraïbes, Haïti souffre depuis des dizaines d'années d'une instabilité politique chronique.

La capitale Port-au-Prince est à 80% aux mains des bandes criminelles, accusées de nombreuses exactions, en particulier meurtres, viols, pillages et enlèvements contre rançon.

La population est confrontée à une grave crise humanitaire, avec des pénuries de nourriture, de médicaments et d'autres produits de base.

AFP